Du même auteur Réflexions sur la question goy, avec Guy Konopnicki, Éditions Li

Du même auteur Réflexions sur la question goy, avec Guy Konopnicki, Éditions Lieu commun, 1988. Une scène-jeunesse, Autrement, 1983. A collaboré à : Comprendre la mondialisation III, avec Anne Bauer, Benoît Frydman, François Gaudu, Olivier Godard et Yannick Jadot, Éditions de la BPI, 2008. Dictionnaire du communisme, collectif sous la direction de Stéphane Courtois, Larousse, 2007. Existe-t-il une Europe philosophique ?, collectif sous la direction de Nicolas Weill, Presses universitaires de Rennes, 2005. Irak, An I. Un autre regard sur un monde en guerre, collectif sous la direction de Pierre Rigoulot et Michel Taubmann, Éditions du Rocher, 2004. ISBN : 979-10-329-0266-0 Dépôt légal : 2017, novembre © Éditions de l’Observatoire / Humensis, 2017 170 bis, boulevard du Montparnasse, 75014 Paris Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. Introduction « C’est quand les choses sont arrivées qu’on voit combien elles étaient faciles à prévoir », écrit Albert Thibaudet dans La République des professeurs. Certes, rien n’advient vraiment par hasard. Avant de survenir, les événements historiques mûrissent. Les situations nouvelles se mettent en place de manière très progressive avant de connaître un dénouement qui ne paraît avoir été inéluctable que lorsqu’il s’est produit. Des ombres apparaissent sur les plateaux des théâtres qui demeurent longtemps inaperçues du public. Ultérieurement, on réalise qu’il s’agissait de l’acteur principal de la scène suivante. Une autre citation ? « Il y a toujours des vérités diaphanes que notre regard traverse, jusqu’au jour où elles se solidifient et s’insèrent dans le paysage », écrivait Edgar Morin dans son Autocritique. Emmanuel Macron aura été cette ombre, et il aura perçu cette vérité, quand les professionnels de la politique n’avaient pas compris que le pays était mûr pour un changement de scène, peut-être même d’acte, sinon de décor. On l’a compris à présent : l’élection d’Emmanuel Macron ne constitue pas une péripétie électorale. C’est un événement de dimension historique. Pour en comprendre les causes et la portée, il faut le considérer « à l’entrecroisement de la nécessité et de l’accident » (Raymond Aron). En reconstituer les causes lointaines sans perdre de vue le rôle déterminant de l’acteur principal, l’idée qu’il s’est faite de la situation, les moyens conceptuels qu’il a mobilisés pour l’analyser, la vision qu’il s’est forgée de son propre destin. Notre pays vit un changement d’époque. Mais celui-ci s’inscrit dans un contexte mondial lui-même en rapide mutation. Des plaques sociales et culturelles tectoniques, qui travaillaient souterrainement, sont en train de provoquer, un peu partout sur la planète, des tremblements de terre politiques. Macron président de la République française n’en est qu’un parmi d’autres. Si très peu d’entre eux auront été prévus, c’est que nous vivons une époque de rupture. Et que la paresse intellectuelle consiste à extrapoler à partir du déjà-vécu, du déjà-connu. Savoir discerner les possibles inédits est l’un des conseils que le philosophe Paul Ricœur suggère à ses lecteurs. Ils n’auront pas été bien nombreux à le suivre, parmi les commentateurs qualifiés de notre vie politique. Car c’est peu dire que les victoires électorales successives (présidentielle, puis législative) de Macron ont surpris nos augures. La plupart n’avaient rien vu venir. À chaque étape de cette quête méthodique du pouvoir, les commentateurs ont prédit l’inéluctabilité et l’imminence de son échec. Rappelons-nous. Il fut d’abord le « stagiaire » préféré des comiques. Un ministre bien trop jeune pour avoir une chance de s’imposer à Bercy, que Nicolas Canteloup brocardait en l’imitant avec une voix d’adolescent qui mue : « Bonjour, je suis le ministre de l’Économie ! — C’est ça, Emmanuel, rends-toi utile et va plutôt nous faire des cafés. » Et cependant, Macron lançait, le 6 avril 2016, un nouveau mouvement politique, siglé à ses initiales, En Marche !. Le Tout-Paris politique se gaussait d’une outrecuidance si naïve. Finirait-il en sous-tendance du PS ? Ou en supplétif du MoDem ? Pire qu’un ingrat, en quittant le gouvernement à la fin août 2016, il allait bientôt incarner « Brutus le parricide », ce type politique qui, par sens civique – comme on l’oublie dans l’histoire –, ourdit un audacieux complot contre le dirigeant auquel il doit sa propre position. Les véritables assassins de la candidature de François Hollande à sa propre réélection, les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme, auteurs d’Un président ne devrait pas dire ça, témoignent : le rusé Hollande a refusé jusqu’au bout de croire que son protégé s’apprêtait à le trahir. À l’automne 2015, il leur confiait : « Macron n’est pas quelqu’un qui cherche à se faire une existence politique au détriment du gouvernement. […] C’est un gentil garçon, il n’est pas duplice1. » Hollande a cru jusqu’au bout que Macron contribuerait à sa propre réélection en lui conquérant un électorat jeune et entreprenant, qui pouvait être tenté par la droite. Certains dirigeants socialistes suggérèrent au jeune ambitieux de prendre, dans cet esprit, la direction du Parti radical de gauche… Le 30 août de l’année suivante, le lendemain de la démission de Macron du gouvernement, le même Hollande confie à ses proches : « Il m’a trahi avec méthode. » La presse prédisait, à la rentrée 2016, que cette tentative de meurtre politique sur son mentor lui serait cher comptée. Les dieux se vengent des hommes qui prétendent les égaler. Pour échapper à la foudre hollandaise, Macron finirait trader à Londres. Je l’ai entendu. On prenait alors encore Hollande pour Jupiter. Mais la foudre lui avait déjà échappé des mains. À droite, bizarrement, on faisait entendre, avec autant de succès, une musique inverse : Macron était le « faux nez de Hollande », son continuateur, son héritier secret. Le mensuel Causeur titrait « Au secours Hollande revient ! » sur le portrait de Macron qui ornait sa couverture en mars 2017. Le PS ayant compris que son échec électoral était inéluctable, ses dirigeants se seraient rassemblés en toute discrétion derrière un prête-nom. En Marche ! ? Simple société-écran, dissimulant un regroupement des troupes hollandaises en déroute. La preuve par Le Drian. Une fois la fusée lancée, à la mi-novembre, avec l’annonce de sa candidature, les chers confrères de la presse écrite et audiovisuelle se gaussèrent des spectacles de télévangéliste donnés par l’apprenti. En décembre encore, on en pleurait de rire dans les rédactions, en se repassant les enregistrements sur les iPhone. On voulait y voir la confirmation que Macron n’avait pas l’étoffe d’un professionnel. Plutôt que de s’intéresser au type de public qui remplissait ces salles (car le public, lui, étrangement, était au rendez-vous), les médias n’avaient d’yeux, à l’époque, que pour le mouvement des Nuits debout. Ses participants venaient de libérer la place de la République, non sans avoir préalablement détruit, ou utilisé comme projectiles contre les forces de l’ordre, les pieuses offrandes laïques déposées par les Parisiens en hommage aux victimes des attentats terroristes du 13 novembre 2015. C’est qu’il fallait « purifier la place de la République des passions tristes », selon l’organisateur de ces pseudo-« rassemblements spontanés et sans leaders », Frédéric Lordon. Il entendait par là effacer la mémoire des manifestations de masse des 10 et 11 janvier 2015. Un phénomène de société inédit dans notre pays qui avait rassemblé, lui, plus de 4 millions de personnes à travers la France entière. Ces marées humaines avaient porté une aspiration à l’unité résistante de la nation. Elles étaient inspirées par une forme d’héroïsme républicain collectif. Le message adressé aux tueurs de l’hypermarché casher et de Charlie Hebdo était à peu près celui-ci : vous pouvez bien massacrer quelques clients juifs venus faire leurs achats de shabbat et des journalistes, caricaturistes et policiers, mais vous ne parviendrez pas à nous terroriser. La preuve, c’est que nous sommes là, par millions, dans la rue. Cette aspiration à l’unité, par-delà les clivages gauche/droite, se cherchait une traduction politique. Le pouvoir hollandais, malgré la convocation du Congrès à Versailles et le spectacle d’une unanimité bien vite oubliée, se révéla incapable de la lui offrir. La déchéance de nationalité des binationaux apparut vite pour ce qu’elle était : une diversion piteuse. Avançons l’hypothèse selon laquelle Macron, au contraire, aura su capter la puissance de cette onde de choc pour se propulser lui-même. Certaines valeurs, certains modes de vie, écrit-il, ne sont « pas négociables ». « On ne négocie pas les principes élémentaires de la civilité. On ne négocie pas l’égalité entre les hommes et les femmes. On ne négocie pas le refus sans appel de l’antisémitisme, du racisme, de la stigmatisation des origines2. » Dans plusieurs entretiens, il indique sa volonté de mener une « reconquête culturelle » dans les « quelques quartiers abandonnés aux salafistes3 ». La droite, qui se posait en alternative à une gauche parfois séduite par le multiculturalisme et une extrême gauche déjà en partie gagnée par l’islamo- gauchisme, a feint de ne pas l’entendre. Quant au Parti des médias, tous micros tendus place de la République, il persistait à voir l’avenir en marche du côté des « pas couchés ». Logique : une partie de la classe médiatique se prend pour les successeurs des directeurs de uploads/Management/ macron-un-pre-sident-philosophe.pdf

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  • Publié le Sep 23, 2022
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