Hernandez Emile-Michel Professeur émérite à l’URCA (Université Reims Champagne
Hernandez Emile-Michel Professeur émérite à l’URCA (Université Reims Champagne Ardenne) Professeur associé à l’UCAO (Université Catholique d’Afrique de l’Ouest) Laboratoire REGARDS e-m.hernandez@wanadoo.fr Gahlam Nadia Docteur en sciences de gestion (Université de Reims Champagne Ardenne) Laboratoire REGARDS nadia.gahlam@gmail.com La résilience organisationnelle, une étape dans la conduite du changement Résumé : Aujourd’hui on peut dire sans exagération que les entreprises vivent dans un contexte de danger permanent et que les périodes calmes sont plus l’exception que la règle. Un acronyme, apparu à la fin des années 1980 dans les analyses de l’école de guerre américaine, et du au théoricien David Galula, caractérise l’époque actuelle, celui de VUCA, formé des initiales des quatre mots anglais Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity. Il a depuis été largement adopté par le monde des organisations pour décrire l’environnement dans lequel elles évoluent. Face à la fréquence des crises, la question qui se pose est de savoir, si dans un contexte « VUCA », les organisations peuvent passer d’une attitude passive, voire réactive, à une attitude véritablement proactive. La résilience devenant alors une dimension centrale du processus gestionnaire à travers le développement, au sein des organisations, d’une véritable ingénierie de la résilience. Trois points seront donc, ici, successivement traités, la notion de crise d’abord, avec les deux regards que l’on peut porter sur elle, crise événement ou crise processus. Puis nous verrons l’impact de la crise sur l’organisation, l’effet du choc et ses conséquences, avec la notion de résilience organisationnelle. Enfin, nous traiterons du comportement des entreprises résilientes. Mots clés : crise, événement, ingénierie, organisation, processus, résilience. Today it can be said without exaggeration that companies live in a context of permanent danger and that quiet periods are more the exception than the rule. An acronym, which appeared at the end of the 1980s in the analyzes of the American school of war, and of the theorist David Galula, characterizes the present time, that of VUCA, formed from the initials of the four English words Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity. It has since been widely adopted by the organizational world to describe the environment in which they operate. Faced with the frequency of crises, the question that arises is whether, in a "VUCA" context, organizations can move from a passive, or even reactive, attitude to a genuinely proactive attitude. Resilience then becomes a central dimension of the managerial process through the development, within organizations, of genuine resilience engineering. Three points will therefore be treated here in turn, the notion of crisis first, with the two views that we can focus on it, crisis event or crisis process. Then we will see the impact of the crisis on the organization, the effect of the shock and its consequences, with the notion of organizational resilience. Finally, we will deal with the behavior of resilient companies. Keywords: crisis, event, engineering, organization, process, resilience. 1 La résilience organisationnelle, une étape dans la conduite du changement La vie organisationnelle est loin d’être un long fleuve tranquille, et la pérennité d’une entreprise est directement liée à son aptitude à surmonter les difficultés qu’elle rencontre. Certaines de ces difficultés sont locales, une rivière qui déborde et ruine une usine, ainsi de l’usine Armor-lux ravagée par la crue de l’Odet en décembre 2000, ou un site qui explose comme celui de l’entreprise AZF à Toulouse le 21 septembre 2001. D’autres sont nationales, pour la France nous citerons la crise des « gilets jaunes », mouvement de protestation non structuré et sporadique apparu en octobre 2018 et qui s ’étendra de samedi en samedi sur de longs mois, mouvement suivi par les grèves de 2019 en opposition à une volonté gouvernementale de réformer le système national des retraites. D’autres, enfin, sont internationales ainsi la crise financière de 2008 trouvant son origine dans les subprimes américaines, et, aujourd’hui, la pandémie du Covid 19 dont on mesure encore mal la totalité des conséquences dommageables futures sanitaires, économiques et sociales. La présence du danger est d’une telle fréquence que son étude a d’ailleurs donné naissance à un nouveau domaine de connaissance baptisé « Cindynique » ou sciences des dangers. David Galula caractérise l’époque actuelle par quatre mots Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity (VUCA). Cet acronyme a depuis été adopté pour décrire l’environnement dans lequel les organisations évoluent. La Volatilité rend compte de l’inconstance des situations qui peuvent évoluer rapidement et de manière imprévisible. L’Incertitude caractérise des situations non prévisibles, non prédictibles, par opposition au risque qui est, lui, prédictible. La Complexité reflète le nombre croissant d’interactions dynamiques et non maîtrisables des composants d’un système. La complexité s’appréhende mais ne se maîtrise pas, à la différence de la complication. Quant à l’Ambiguïté, c’est la résultante de l’inconnu et de l’inédit, elle rend difficile, aléatoire, le choix du chemin à prendre, de la route à suivre. Face à la fréquence des crises, la question qui se pose est de savoir, si dans un contexte « VUCA », les organisations peuvent passer d’une attitude passive, voire réactive, à une attitude véritablement proactive. La résilience devenant alors une dimension centrale du processus gestionnaire à travers le développement, au sein des organisations, d’une véritable ingénierie de la résilience. Trois points seront, ici, successivement traités, la notion de crise d’abord, avec les deux regards que l’on peut porter sur elle, crise événement ou crise processus. Puis nous verrons l’impact de la crise sur l’organisation et sa réaction, l’effet du choc et ses conséquences, avec la notion de résilience organisationnelle. Et, enfin, nous traiterons du comportement des entreprises résilientes. I. La notion de crise Deux points seront abordés dans ce premier paragraphe, d’abord les divers degrés du dysfonctionnement organisationnel, du simple incident sans effets majeurs à la véritable crise avec toutes ses conséquences dommageables, ensuite nous traiterons des deux approches de la crise : crise événement versus crise processus. 1- Les diverses variétés de dysfonctionnement organisationnel Les difficultés qui parsèment la vie organisationnelle sont d’importances diverses et doivent donc susciter des réactions et des réponses adaptées. Une situation difficile ne doit ni être sous-estimée, ni être surestimée. 2 On retiendra comme exemple de sous-estimation la situation décrite par Karl E. Weick dans son article iconique de 1993 traitant de l’incendie de Mann Gulch. Une équipe de pompiers beaucoup trop confiante arrive sur les lieux d’un incendie de forêt en pensant trouver ce qu’ils ont coutume d’appeler « un feu de dix heures », c’est-à-dire, dans leur langage, un incendie qui peut être circonscrit et isolé pour le lendemain matin 10 heures. En fait la situation est beaucoup plus difficile et leur mauvaise appréhension de la situation va conduire à un véritable désastre, et à la mort de plusieurs d’entre eux. Un terrain de crise existe uniquement parce qu’il n’est pas vu, sans quoi les dysfonctionnements qui entretiennent sa progression seraient corrigés avant qu’une crise ne se produise. La crise se développe en raison du manque total de lucidité des dirigeants. Roux-Dufort (2010) propose d’enrichir l’équation posée par Lagadec en 1991 : « La crise c’est l’accident + la déstabilisation » Par une définition complémentaire : « La crise c’est l’accumulation des fragilités + l’ignorance ». On en a eu un bel exemple en France avec la crise sanitaire liée au Covid 19 : les autorités médicales et politiques ont brutalement découvert le manque de masques, de lits d’hospitalisation intensive, de respirateurs… On a ainsi pu voir, dans un des pays les plus riches du monde, du personnel médical totalement débordé, manquant même de masques pour se protéger. On trouvera difficilement plus bel exemple d’impréparation, et de ce qu’est une crise. Aline Pereira Pündrich et alii (2008) relèvent que si certains auteurs ont une vision exclusivement négative de la crise pour l’organisation, d’autres auteurs en ont une vision plus optimiste, la considérant comme une opportunité porteuse d’un fort pouvoir d’évolution, un déclencheur de changement, un processus de transformation. 2- La crise événement versus la crise processus Plusieurs auteurs portent un regard dual sur la crise la voyant tantôt comme un événement, tantôt comme un processus, ainsi d’Aline Pereira Pündrich et alii (2008), de Christophe Roux- Dufort (2010,2015), ou de Toufik Serradj (2018). Lagadec (1991) illustre la différence entre événement et processus par la distinction entre accident et crise. 2.1. La crise événement : selon cette approche, elle se caractérise par sa dimension inattendue, imprévisible et aiguë. Serradj (2018 : 198-199) la qualifie de « phénomène incontrôlable, déstabilisant et paralysant l’organisation, la rendant incapable de comprendre l’ampleur du phénomène avec les méthodes et outils de gestion utilisés par l’entreprise, et qui sont inadaptés à la crise ou complétement obsolètes ». Les auteurs relèvent également la brutalité de la crise qui la rend difficile à anticiper et à conceptualiser et en fait un phénomène imprévu et souvent dévastateur pour l’entreprise. Ainsi en juillet 2008 le baril de brut atteint un record historique de 150 dollars et les opérateurs pétroliers prédisent à court terme un passage à 200 dollars. En décembre 2008, conséquence de la crise financière, le baril de brut se négociera à moins de 40 dollars. On imagine facilement les conséquences pour uploads/Management/ la-resilience-organisationnelle-une-etape-dans-la-conduite-du-changement.pdf
Documents similaires










-
40
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jui 05, 2022
- Catégorie Management
- Langue French
- Taille du fichier 0.2218MB