VARIABILITÉ ET VARIATION EN TERMINOLOGIE ET LANGUES SPÉCIALISÉES : DISCOURS, TE
VARIABILITÉ ET VARIATION EN TERMINOLOGIE ET LANGUES SPÉCIALISÉES : DISCOURS, TEXTES ET CONTEXTES Isabel Desmet Département de Portugais Université Paris 8 France Résumé : Dans la présente communication, nous proposons de (re)définir variabilité et variation dans les terminologies et langues spécialisées. La variation des terminologies étant directement tributaire de la variation textuelle et discursive, nous proposons également des typologies de discours, de textes et de contextes de spécialité. Enfin, la variation discursive, textuelle et contextuelle nous conduit à proposer un modèle d’analyse des termes où ceux-ci sont perçus comme des unités lexicales spécialisées, ayant des sens, des emplois et des usages particuliers. Mots-clés : variabilité, variation, terme, discours, texte, contexte. INTRODUCTION La linguistique, qui a pour objectif fondamental la description des langues, se confronte naturellement à l’étude de la variation qui les caractérise. Il est également naturel que l’étude linguistique des langues de spécialité – et de leurs unités d’analyse, les termes — intègre une optique variationniste, car les langues de spécialité sont, avant tout, des langues naturelles dans leur fonction de communication de savoirs spécialisés (cf. Lerat 1995). Or, un tel programme n’est que depuis peu préconisé par des linguistes des langues de spécialité et, le plus souvent, seulement de manière partielle. Ceci s’explique par l’histoire même des études sur les langues de spécialité, en particulier par l’histoire des études terminologiques, qui ne trouvent pas leurs origines dans la linguistique descriptive. Les emplois des mots spécialisés dépendent souvent des types de textes et de discours. L’étude des plans supraphrastiques – textuel et discursif – doit accompagner toute étude des différents niveaux d’analyse linguistique, du morphématique à l’énonciatif. Le temps et le lieu de production d’un texte donné doivent aussi faire partie intégrante de toute analyse linguistique des langues spécialisées. En somme, il est question ici d’une pragmatique intégrée et non d’une pragmatique a posteriori. Seule une approche de ce type permettra de saisir les différents types de variations inhérents aux langues de spécialité. 1. TERMINOLOGIE ET LANGUES SPÉCIALISÉES : VARIABILITÉ ET VARIATION Nous définissons la « variabilité » comme la capacité de toute langue naturelle de produire de la variation lorsqu’elle s’actualise en discours. La variation, sous toutes ses formes et à tous les niveaux ou plans d’analyse linguistique, est en quelque sorte la conséquence directe de la variabilité, inhérente à toute langue naturelle. De notre point de vue et d’après notre pratique, les termes et les langues spécialisées n’échappent pas à ce phénomène naturel, tout comme les mots de la langue générale et la langue générale elle-même. Ce qui aux yeux d’un linguiste peut paraître une évidence ne l’est pas pour une bonne partie des terminologues. En fait, selon la théorie générale de la terminologie, le terme est perçu uniquement comme une dénomination, non variable, normalisé. Il est attaché à un domaine et la seule perspective synchronique intéresse les études terminologiques. Le poids de cette tradition se reflète encore dans des écrits récents. Dans d’autres écrits également récents, on commence cependant à voir la variation en terminologie et dans les langues spécialisées prises en compte, ce qui fait même de cette problématique un sujet central des derniers temps. L’étude de la variation dans les terminologies et dans les langues de spécialité représente un tournant radical, théorique et méthodologique, qui a des conséquences directes dans les différentes applications des études terminologiques. Nous proposons une approche des langues de spécialité fondée pour l’essentiel sur les principes de la linguistique descriptive, intégrant la variation à plusieurs niveaux : variation des langues, des discours et des textes de spécialité ; variation dans le temps, dans l’espace, en fonction des interlocuteurs et des situations de communication ; variation des unités linguistiques de spécialité sur l’axe syntagmatique et sur l’axe paradigmatique ; variation sur le plan lexical, sur le plan phrastique, sur le plan textuel et sur le plan discursif. À un modèle de traitement des unités terminologiques qui privilégie le lexique par rapport à la grammaire, au nom de la priorité et précision des concepts (modèle standard de la terminologie), nous opposons un modèle comportant les niveaux d’analyse typiques de la linguistique : lexical, syntaxique, sémantique et pragmatique. Le niveau pragmatique commence par la prise en considération de la variation discursive, textuelle et contextuelle, qui se manifeste aux niveaux phrastique, sémantique, lexical, morphologique et même phonétique. Ainsi une focalisation sur les discours, les textes, les contextes et les termes devient nécessaire. 2. VARIATION DISCURSIVE : TYPES DE DISCOURS DE SPÉCIALITÉ Le terme « discours », on le sait, recouvre différentes acceptions selon le point de vue théorique qui le fonde comme concept, et le terme « analyse » correspond à des procédures différentes selon la théorie qui le définit. Indépendamment des différentes positions théoriques, la première grande distinction concerne les spécialités en soi : le discours de la médecine, du droit, des sciences naturelles, etc. Si l’on admet que les discours spécialisés reflètent les caractéristiques conceptuelles des différents domaines du savoir, il convient alors de procéder à des distinctions claires par rapport à la diversité des systèmes conceptuels (cf. Rey 1979 : 44). Si l’on admet encore que les langues spécialisées reflètent les caractéristiques notionnelles des différents domaines du savoir, il faut également prendre en compte le fait que les langues spécialisées se caractérisent par des niveaux différents par rapport à leurs contenus. L. Hoffmann (1976 : 184-192) et R. Kocourek (1991 : 37) découpent la langue de spécialité d’après quatre critères : le degré d’abstraction, la façon naturelle/artificielle d’exprimer les éléments et la syntaxe, le milieu ou type de spécialité et les participants. L’application de chaque critère mène à une stratification de la langue en cinq niveaux. Le niveau le plus élevé est celui du langage symbolique et ne fait partie de la langue technoscientifique que par sa composante en langue naturelle. Le niveau le moins élevé est celui qui correspond à la langue de consommation assez proche de la langue usuelle. Ce classement classique nous semble toujours important dans la mesure où il vient éclairer le problème de la diversité discursive. Un certain nombre de catégories de discours scientifique ont été identifiées notamment par A. M. Laurian (1983 : 10-12), J. Pearson (1998 : 35-39) et I. Meyer & K. Mackintosh (1996 : 270-271). Cette catégorisation, essentiellement basée sur la situation de communication, fait que les discours diffèrent entre eux selon l’émetteur du discours, le récepteur ou destinataire du discours, le but du discours et le degré de technicité ou de spécialisation du discours. Les catégories que l’on retrouve de manière systématique chez tous les auteurs peuvent être schématisées de la façon suivante : I. Discours de spécialité - Discours scientifique spécialisé (p. ex : un manuel spécialisé ; une revue scientifique) - Discours scientifique officiel (p. ex : des textes de loi) - Discours scientifique pédagogique ou didactique (p. ex : un manuel pour les étudiants) - Discours de semi-vulgarisation scientifique (p. ex : une revue de spécialité pour un public d’initiés) - Discours de vulgarisation scientifique (p. ex : les secteurs spécialisés dans la presse générale) Tableau 1 : Types de discours de spécialité En somme, lorsqu’il s’agit de traiter les langues de spécialité, leurs textes peuvent être choisis en fonction de leur appartenance à un genre textuel ou à des genres textuels et à un type ou à des types de discours scientifique et technique, qui correspondent à la traditionnelle division verticale des langues de spécialité. 3. VARIATION TEXTUELLE : TYPES DE TEXTES SPÉCIALISÉS D’un point de vue strictement linguistique, la linguistique textuelle se distingue des autres disciplines d’interprétation qui constituent le champ multidisciplinaire de l’analyse de discours, bien qu’elle en soit connexe et qu’elle y trouve des éléments communs d’analyse. Dans cette perspective, les textes sont, dans un premier plan, la source des données pour l’analyse de tous les plans de la langue. L’ensemble des textes spécialisés peut être défini comme la forme, parlée et écrite, et le contenu de tout ce que l’on exprime dans les langues spécialisées. Cette définition, certes trop vaste, présente l’avantage de prendre en considération les textes oraux et les textes écrits, les textes contemporains et les textes passés, des textes en langue standard et non standard, des textes en langue centrale et des textes en langue régionale, des textes primaires ou hautement spécialisés et des textes de vulgarisation et didactiques… Les textes scientifiques et techniques prennent la forme de l’un des types habituels qui sont donnés par la spécialité et par sa diversité, par le sujet dont on traite, par la tradition ou des habitudes stylistiques, et par leurs objectifs et fonctions (ensemble de critères distinctifs portant sur le contenu thématique et découpage en domaines, contenu circonstancié et niveaux d’abstraction ou division horizontale et division verticale, niveaux scientifiques et niveaux didactiques). Ces différents types se constituent en fonction des besoins de l’activité quotidienne des spécialistes : étude, manuel, thèse, monographie, mémoire, article de périodique, dissertation, exposé, communication, etc. (cf. Kocourek, 1991 : 48). Les critères de classification des textes spécialisés varient selon l’objectif. Outre les critères déjà mentionnés, on peut encore uploads/Management/ desmet.pdf
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- Publié le Aoû 05, 2021
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