ÉVOLUTION DU « BUSINESS MODÈLE » D’UNE PME: QUELQUES ENSEIGNEMENTS TIRÉS D’UN C
ÉVOLUTION DU « BUSINESS MODÈLE » D’UNE PME: QUELQUES ENSEIGNEMENTS TIRÉS D’UN CAS Anne-Sophie THÉLISSON ESDES Business School UCLy Lyon (France) Olivier MEIER Université Paris Est – LIPHA Champs-sur-Marne (France) RÉSUMÉ: La performance des entreprises dépend fortement de l’adaptation du business modèle de l'entreprise face aux évolutions de son environnement. A l’aide d’une étude de cas longitudinale menée en temps réel, l’objectif de l’étude est d’analyser le changement de business modèle d’une PME dans un contexte d’évolution de son environnement. Notre analyse se focalise sur les changements volontaires et émergents, et plus spécifiquement encore, sur la nature des injonctions paradoxales (Smith et Lewis, 2011) à l’œuvre dans ce changement de business modèle. Nous montrons que le business modèle de l’entreprise est modifié en fonction de l’évolution de son environnement et des dynamiques intrinsèques à l’organisation (tensions à l’œuvre au sein de l’organisation). L’application de la grille des paradoxes de Smith et Lewis (2011) montre la nature des priorités à gérer. Mots clés: Business modèles, évolution, injonctions paradoxales, paradoxe, étude de cas longitudinale La performance des entreprises dépend fortement de l’adaptation du business modèle (BM) de l'entreprise face aux évolutions de son environnement (Ricciardi et al., 2016). Les BM sont devenus une source d'avantage concurrentiel et, dans un monde de plus en plus complexe et interconnecté, leur adaptation aux évolutions du marché est une condition préalable au succès de l’organisation (Smith et al., 2010 ; Ricciardi et al., 2016). Les BM ont fait l’objet de nombreuses définitions dans la littérature (Massa et al., 2017 ; Maucuer et Renaud, 2019). Ils explicitent la façon dont une organisation fonctionne pour assurer sa durabilité (Demil et Lecocq, 2010). Les BM incluent des injonctions paradoxales (par exemple projets à court terme / à long terme; profit / éthique; partie prenante / actionnaire), définis comme « des éléments contradictoires mais interdépendants qui existent simultanément et persistent dans le temps » (Smith et Lewis, 2011, p. 382). Selon de nombreux auteurs, le BM même de l’organisation implique une logique de création de valeur multiple rendant la théorie du paradoxe (Smith et Lewis, 2011) pertinente dans l’étude des enjeux liés à sa mise en œuvre (Smith et al., 2010 ; Van Bommel, 2018). Cette théorie permet de rendre intelligible les tensions présentes au sein de l’organisation (Smith et al., 2010 ; Smith et Lewis, 2011). Dès lors, la nature multifacette des BM est qualifiée dans la littérature comme complexe (Smith et al., 2010 ; Van Bommel, 2018). Comme le soulignent Van Bommel (2018) et Prendeville et al. (2017) la reconnaissance et la gestion de ces injonctions paradoxales est importante pour comprendre le succès des BM, cependant la littérature reste relativement muette sur cette problématisation. De nombreux auteurs se sont intéressés à la capacité des managers à intégrer des injonctions contradictoires dans leur prise de décision pour favoriser la mise en œuvre de BM durable (Van Bommel, 2018 ; De Angelis, 2020). Des études soulignent que les BM changent car les managers innovent et s'adaptent en réponse à des changements externes (Foss et Saebi, 2017) et des dynamiques internes (Laasch, 2018). De nombreux auteurs soulignent le manque d’études empiriques analysant l’évolution d’un BM (Moingeon et Lehmann-Ortega, 2010 ; Bohnsack et al., 2014 ; Lecocq et al., 2018). Selon Garreau et al (2015), les études ne permettent pas suffisamment d’appréhender la logique d’évolution du BM. Les études analysant l’évolution des BM se placent à un niveau macro (e.g. Sosna et al., 2010 ; Bohnsack et al.,2014), et ne se réfère pas à l’évolution du BM d’une entreprise. En d’autres termes, la littérature reste relativement muette au niveau organisationnel sur la possible évolution d’un BM spécifique. Il existe une nécessité de comprendre les mécanismes internes et externes permettant l’évolution d’un BM au niveau d’une entreprise (Garreau et al., 2015). De plus, peu d’études empiriques s’intéressent à la compréhension et à la gestion des dynamiques internes présentes lors d’évolution de BM. Les PME ont fait l’objet d’études mobilisant la théorie des paradoxes notamment en contexte d’hypercroissance (Chanut-Guieu et al., 2012 ; Bérart et al., 2015) ou dans l’étude de tensions spécifiques : coopétition (Le Roy et Czakon., 2016), ambidextrie (Mothe et Bogaert, 2019). Néanmoins, à notre connaissance la littérature reste muette sur la gestion des injonctions paradoxales dans le cadre de l’évolution du BM d’une PME. Notre article vise à comprendre l’évolution d’un BM en fonction de son environnement et des dynamiques internes à l’œuvre. Notre article mobilise une étude longitudinale en temps réel (sur dix mois) de l’évolution du BM d’une PME spécialisée en communication publique. Il est proposé dans cet article de rendre compte d’une évolution du BM, dans un contexte d’évolution de l’environnement (crise sanitaire mondiale Covid-19), pour une PME alors engagée dans une opération de fusion-acquisition (F/A). A travers une étude de cas approfondie, cet article vise à mettre en exergue le passage d’une situation d’optimisation du BM à la création d’un nouveau BM, et d’en expliquer les mécanismes à travers notamment la grille de lecture des injonctions paradoxales de Smith et Lewis (2011). La grille de Smith et Lewis (2011) nous permet de montrer la nature des enjeux des situations. Aussi, notre article analyse dans quelles mesures le changement de BM nécessite de résoudre des tensions paradoxales. L’objectif de l’article est de se focaliser sur les changements volontaires et émergents, et plus spécifiquement encore, d’analyser la nature des tensions paradoxales (Smith et Lewis, 2011) à l’œuvre dans ces changements. Notre travail s’inscrit dans la lignée des travaux de Demil et Lecocq (2010) visant à montrer que le BM est un processus dynamique continu d’ajustements impliquant des changements volontaires et émergents (i.e. dynamic consistency - capacité de l’organisation à maintenir sa performance tout en modifiant son BM). Dans notre étude, nous montrons que le BM évolue en fonction de l’évolution de son environnement (contexte lié à la crise sanitaire) mais aussi avec les dynamiques internes à l’œuvre au sein de l’organisation. L’application de la grille des paradoxes (Smith et Lewis, 2011) montre la nature des priorités à gérer. Dans la première situation (cas où Comex est la société étudiée est la cible d’une F/A), les enjeux apparaissent de nature économique et organisationnelle, et vont donner lieu à une solution en accord avec ces dimensions. Dans le deuxième cas, l’entreprise Comex est confrontée à une situation inédite en l’amenant à proposer un modèle différent. Dans notre recherche, la notion de légitimité permet de comprendre pourquoi le BM a évolué dans un contexte de turbulence. Dans notre cas, le BM de la PME a évolué au vue des dynamiques internes présentes intrinsèquement et de la modification de son environnement et des demandes externes de ses clients. Notre étude montre qu’un BM complexe, c’est-à-dire multifacette (Smith et al., 2010), répond à des enjeux et contraintes extérieures et est en accord avec les ressources et l’identité de l’entreprise. 1. CADRE THÉORIQUE 1.1 Caractéristiques et adaptation des BM De nombreuses définitions du BM sont présentes dans la littérature (Massa et al., 2017 ; Maucuer et Renaud, 2019). Les BM définissent en termes de proposition de valeur et de segments de marché de l’entreprise, la structure de la chaîne de valeur nécessaire à la réalisation de la proposition de valeur, les mécanismes de capture de valeur que l’entreprise déploie ainsi que les liens entre ces différents éléments (Teece, 2010), ils précisent comment est partagée la valeur créée entre les parties prenantes (Moyon et Lecocq, 2014). Massa et al. (2017) distinguent trois approches du BM : les BM en tant que (1) attributs des entreprises ; (2) représentations cognitives / linguistiques des organisations et (3) représentations conceptuelles du fonctionnement d'une entreprise. Moingeon et Lehmann-Ortega (2010) distinguent trois axes majeurs dans leur définition des BM: un premier groupe axé dimension financière (l’appropriation de la valeur par l’entreprise) (Chesbrough et Rosenbloom, 2002) ; un second s’intéressant en particulier à la valeur générée (chaîne de valeur) (Mason et Leek, 2008 ; Patzelt et al., 2008), un troisième groupe intégrant les clients et les produits dans la compréhension d’un BM (Demil et Lecocq, 2010). Aussi, dans la lignée de Moingeon et Lehmann- Ortega (2010), nous proposons de prendre en compte ces trois dimensions dans la compréhension de l’évolution d’un BM. En effet, la vue statique d’un BM permet de comprendre comment l’entreprise crée de la valeur et structure sa relation avec ses clients à un instant précis (Demil et Lecocq, 2010), mais la vision processuelle et dynamique de l’évolution d’un BM est nécessaire pour comprendre la raison d’être de l’entité et l’évolution de sa mission (Moyon, 2011). Selon Demil et Lecocq (2010), le BM est considéré soit comme une schématisation de la valeur créée/reçue d’une l’entreprise impliquant différentes dimensions, soit comme un nouveau processus d’analyse permettant d’appréhender son évolution. Malgré une littérature importante sur l'évolution des BM (Demil et Lecocq, 2010; Sosna et al., 2010; Teece, 2010), de nombreux auteurs soulignent le manque d’études empiriques analysant l’évolution d’un BM (Moingeon et Lehmann- Ortega, 2010 ; Bohnsack et al., 2014 ; Lecocq et al., 2018). Selon Garreau et al (2015), uploads/Management/ article-2-thelisson.pdf
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- Publié le Oct 09, 2022
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