L'APPRENTISSAGE DE L'ITALIEN LANGUE ETRANGERE : UN PROCESSUS MULTIDIMENSIONNEL

L'APPRENTISSAGE DE L'ITALIEN LANGUE ETRANGERE : UN PROCESSUS MULTIDIMENSIONNEL En matière de Didactique des Langues Etrangères (DLE), les recherches récentes disposent d'une même richesse : la linguistique théorique, la psycholinguistique, la sociolinguistique ont chacune favorisé, par leurs apports, l'évolution de la DLE qui se définit actuellement comme une « discipline-carrefour ». À ce carrefour se rejoignent une multiplicité de tendances qui offrent aux pédagogues un important potentiel d'enrichissement et de renouvellement des contenus et des méthodes d'enseignement. Toutefois, la transposition de ces conceptions nouvelles à la pratique ne va pas de soi. Il revient à la didactique, dont la fonction première est d'établir un lien entre la théorie et la pratique, d'ordonner cette richesse et de la proposer tant aux enseignants qu'aux concepteurs de méthodes de langue à l'aide d'un schéma global. Nous allons considérer ici les trois composantes essentielles du processus d'apprentissage d'une langue étrangère : la compétence linguistique, les stratégies d'apprentissage, les méthodologies d'enseignement. Nous en reparcourrons ensuite l'évolution au cours des dernières décennies. Il nous sera possible enfin de définir les sous-domaines de compétence les plus adaptés aux différentes typologies d'apprenants et de choisir les méthodes les plus appropriées à la transmission des contenus choisis. 2 1. L'APPORT DE LA LINGUISTIQUE La naissance de la Linguistique Appliquée, c'est-à-dire d'un ensemble de réflexions structurées autours des contenus et des méthodes d'enseignement des langues étrangères (LE), et la parution des premiers cours de cette nouvelle discipline dans quelques universités américaines et européennes remontent au début des années cinquante. Avant cette date l'enseignement des LE n'avait bénéficié que des apports de la tradition ou d'intuitions personnelles. Les principes théoriques sous-jacents aux cours et aux méthodes de langue trouvaient en général leur origine dans la « Grammaire générale et raisonnée » de Port-Royal (1660). Convaincus que la langue était une entité complexe mais parfaite d'un point de vue rationnel les port-royalistes avaient essayé d'isoler et de définir des catégories grammaticales basées sur la raison et donc universelles. Dans cette optique l'apprentissage d'une langue étrangère correspondait à l'appropriation progressive des règles de sa grammaire. Il fallait en outre veiller, en langue maternelle aussi bien qu'en langue étrangère, à ne pas utiliser les formes de la langue courante, dans la mesure où ces dernières se conforment rarement aux modèles prescrits par les textes. Ces opinions se sont révélées par la suite largement inexactes : les catégories répertoriées étaient souvent contradictoires et moins universelles que ce que l'on prétendait. De plus la dimension communicative présente dans toute utilisation de la langue restait largement méconnue . Malgré cela, le principe faisant correspondre à la théorie de la didactique des langues la description de la structure grammaticale de la langue à enseigner a dominé la scène de la DLE pendant plus de deux siècles. De ce fait de nombreuses méthodes d'enseignement parues au cours des dernières années, bien que proposant des innovations méthodologiques intéressantes et une description grammaticale enrichie des apports des nouvelles théories linguistiques, étaient basées en réalité sur les vieux présupposés, que l'on pourrait schématiser ainsi : Théorie du langage --> Description de la langue cible --> Enseignement de la grammaire. Ce qui, en fait, voulait dire continuer à identifier compétence en 3 langue étrangère et compétence en matière de grammaire et de syntaxe. Or il apparaissait de plus en plus évident que le savoir acquis à l'aide de ces méthodes ne suffisait ni à l'interprétation des messages, et surtout des contenus socio-culturels véhiculés à travers la langue, ni à la production de messages verbaux répondant aux règles de la communication. Cet échec persistant - devenu intolérable à partir des années 70 à cause de l'augmentation très importante du nombre des apprenants, la diversification de leur typologie et la pluralité de leurs besoins - a été à l'origine d'un questionnement sur la notion de compétence en matière de langue, les utilisations de la langue en tant qu'instrument de communication, les modalités d'élaboration d'un discours de la part des locuteurs. Nous allons parcourir rapidement le cheminement de ce questionnement à travers les réflexions des auteurs qui ont apporté les contributions les plus significatives à ce domaine de recherche relativement récent mais d'ores et déjà très riche. 1.1. Vers un élargissement de la notion de compétence linguistique Le premier linguiste qui donne une forte impulsion aux études sur la compétence, ne manquant pas de susciter par là des réactions nombreuses et parfois mêmes violentes, est Chomsky. La nouveauté de sa position réside dans la distinction qu'il opère entre « linguistic competence » et « linguistic performance » : « L'objet premier de la théorie linguistique est un locuteur-auditeur idéal, appartenant à une communauté linguistique complètement homogène, qui connaît parfaitement la langue, et qui, lorsqu'il applique en une performance effective sa connaissance de la langue, n'est pas affecté par des conditions grammaticales non pertinentes, telle que des limitations de mémoire, distractions, déplacement d'intérêt, ou d'attention, erreurs (fortuites ou caractéristiques) »1. En d'autres termes, pour Chomsky, connaître une langue signifie maîtriser le système abstrait des règles qui permettent de comprendre et 1 CHOMSKY, N. (1965), Aspects of the theory of Syntax, Cambridge, Mass.: M.I.T. Press - Traduction française de J.C. Milner (1971), Aspects de la théorie de la syntaxe, Edition du Seuil, Paris. 4 de produire toutes les séquences bien formées de cette langue (compétence). En revanche, la réalisation concrète de ce système abstrait et son actualisation susceptible d'être affectée par ce qu'il appelle des « conditions non pertinentes du point de vue de la grammaire » (Chomsky introduit ici le concept d'acceptabilité d'une séquence en opposition à celui de grammaticalité), constituent le domaine de la performance linguistique. La notion de compétence linguistique, selon Chomsky - connaissance parfaite d'un système de règles et communauté de parlants parfaitement homogène - ne tient donc pas compte des difficultés individuelles, socio-culturelles et contextuelles, qui existent dans toute communauté linguistique et dans tout échange communicatif. Ceci rend sa théorie inadéquate pour une analyse des phénomènes linguistiques qui voudrait tenir compte des aspects pragmatiques des comportements communicatifs. Un premier élargissement de cette définition de compétence est réalisé par Habermas2. D'après Habermas les universaux sémantiques ne précèdent pas automatiquement toute expérience et ne font pas nécessairement partie de l'appareil cognitif antérieur à toute forme de socialisation. Habermas opère ainsi une différenciation entre les universaux sémantiques qui traitent les expériences et ceux qui les rendent possibles (universaux a priori et universaux a posteriori). Il fait aussi une différence entre les universaux sémantiques qui précèdent toute forme de socialisation et ceux qui sont liés aux conditions d'une socialisation potentielle (socialisation monologique et socialisation intersubjective). Il y a donc quatre classes : Universaux sémantiques A priori A posteriori Inter- Univ. constitutifs Univ. culturels subjectifs du dialogue 2 HABERMAS, J. (1970), Towards a theory of communicative competence, Recent sociology, n° 2, Collier-Macmillan. 5 Monologiques Univ. cognitifs Univ. perceptifs et schémas d'inter- et prétation motivationnels La classe des universaux constitutifs du dialogue comprend : les pronoms personnels, les structures interrogatives, l'impératif, la négation, certaines classes d'actes performatifs. Celle des schémas d'interprétation comprend : les relations de cause, de substance, d'espace, de temps, etc. Celle des universaux culturels comprend : le système de parenté, etc. Celle des universaux constitutifs de la perception comprend : le système des mots désignant les couleurs, etc. La deuxième critique apportée par Habermas à la compétence Chomskyenne est qu'elle ne tient pas compte de la dimension intersubjective de la communication. La possibilité de communiquer n'est pas liée à la seule compétence linguistique, mais aussi à l'appropriation des codes cognitifs et de comportements propres à chaque culture. L'échange communicatif est le résultat de la mise en pratique de tous les éléments qui le constituent. En ce sens, il est possible de considérer la compétence communicative comme l'ensemble de ces capacités potentielles ou, plus précisément, comme la maîtrise d'un système idéal de situations discursives. Pour Habermas la compétence communicative renvoie à des situations discursives idéales, de la même manière que la compétence linguistique de Chomsky renvoie à un système abstrait de règles linguistiques. Si l'on considère de plus que les universaux constitutifs du dialogue génèrent et décrivent en même temps les formes des échanges intersubjectifs, on peut définir la compétence communicative chez Habermas comme la maîtrise des universaux constitutifs du dialogue de la part d'un locuteur idéal, en dehors de toutes les contraintes empiriques susceptibles de surgir au moment de l'actualisation. La notion de compétence chez Habermas se situe ainsi à un niveau de généralisation plus élevé que chez Chomsky. D'autre part, le fait qu'il intègre à la notion de compétence communicative la connaissance des universaux concernant la structure formelle du langage le rapproche de la théorie de Halliday, du moins dans sa forme la plus abstraite. 6 Halliday se préoccupe du langage en tant que phénomène social et se soucie de son utilisation. Il analyse notamment les fonctions du langage réalisées dans le discours, fonctions qu'il définit comme les structures formelles qui rendent possible la communication (remarquons que dans la théorie de Habermas ces fonction sont la condition sine qua non pour qu'un locuteur puisse affirmer uploads/Management/ apprentissage-de-litalien-langue-etrangere.pdf

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  • Publié le Jul 21, 2021
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