Chapitre 20 Analyser les pratiques des élèves Faudrait-il que l’enseignant se t

Chapitre 20 Analyser les pratiques des élèves Faudrait-il que l’enseignant se transforme en clinicien pour mieux comprendre ce qui arrive à ses élèves ? C’est possible quand il faut se préparer au diagnostic difficile de l’analyse des erreurs, les symptômes des échecs ; c’est tout aussi nécessaire quand le maître organise l’expérimentation et , la prise en compte du temps d’apprentissage dans sa classe. Ce sont des dimensions transversales à tout enseignant ; mais le sait-il ? Dépasser le simple constat de l’erreur pour en tirer des renseignements sur le travail et la réflexion de l’élève "Mes élèves font tellement de fautes, que je ne sais plus comment les noter." Analyser des pratiques scolaires, c’est donc se trouver confronter à des réalités vivantes, jamais parfaites, comme l’est la réalité tout court. La photo n’est jamais lisse, elle présente des grains. A bien analyser les pratiques, l’enseignant se trouve en situation de diagnostiquer des erreurs dont il ne sait que faire si ce n’est la relever… et la noter. La saturation des relations par l’évaluation finit par pervertir l’analyse elle-même, en tant qu’elle est facteur d’angoisse et d’immobilisation des ressources personnelles. Personne ne résiste à la supervision permanente d’un juge des peines. Se donner le temps de l’analyse, c’est exclure pour un temps toute évaluation sommative qui n’a pas sa place alors, afin de mieux saisir les « grains » de l’action. Passer du concept de faute à celle d’erreur Jean-Pierre Astolfi, didacticien et professeur de sciences de l’éducation à l’université de Rouen, s’interroge longuement sur le statut de l’erreur dans les apprentissages. Premier constat : l’erreur scolaire est plutôt source d’angoisse alors qu’en dehors de l’école (dans le domaine sportif par exemple) elle est davantage source de défi pour les jeunes. Ainsi, l“aversion spontanée pour l’erreur à l’école et le rejet didactique qui en résulte souvent, correspondent d’abord à une certaine représentation de l’acte d’apprendre, largement partagée par les enseignants, les parents et le sens commun.” Dans l’idée d’une acquisition naturelle des connaissances, les erreurs ne peuvent être considérées que comme des “ratés” de l’apprentissage. Symptôme d'une incompétence quelconque, l’erreur est alors synonyme de “faute” ou de “bogue” au sens informatique. Chaque type d’erreur est le produit d’une réflexion de l’élève confronté à une tâche donnée par l’enseignant ; il faut abandonner le concept de "faute" qui reporte la charge sur l’élève et lui-seul. Dans une erreur rencontrée, la part de l’enseignant (au sens collectif, car souvent, il se trouve confronté à des pratiques d’autres collègues, sources d’erreurs pour l’élève) est tout aussi importante, tant dans son origine que dans sa résolution possible. "La vérité naît plus facilement de l’erreur qu'elle ne naît de la confusion." Francis Bacon Petite typologie des erreurs possibles Astolfi identifie les principaux types d’erreurs scolaires pour lesquelles il propose médiations et remédiations. L’erreur est selon les cas due à : • ·Une complexité propre au contenu d’enseignement • ·Des conceptions alternatives (ou représentations) • ·Des démarches étonnantes de résolution • ·Une difficulté de compréhension de consignes • ·Un emprunt à une autre discipline, mais d’emploi décalé • ·Des habitudes scolaires, héritées d’un autre niveau • ·Des opérations intellectuelles • ·Une surcharge cognitive face à un savoir difficile d’accès C’est une bonne grille d’analyse à avoir en tête quand on regarde et écoute ses élèves Prévenir les erreurs possibles avec les élèves Confronté à ce difficile devoir d’analyse des erreurs, les collègues de la Sarthe proposent quelques pistes : • varier les présentations, les supports • réfléchir aux situations trop éloignées du quotidien des élèves • diversifier les démarches d’enseignement et d’évaluation • aider les élèves à diversifier leurs procédures en leur donnant des moyens pour y parvenir. • considérer la lecture de la consigne comme un temps important de lecture • Aider les élèves à s’interroger sur le sens de la consigne, à identifier les mots importants, à la reformuler, à se représenter mentalement le travail à effectuer • Permettre de vérifier au cours de la tâche que la consigne a bien été appliquée • aider les élèves à se projeter dans la situation, se constituer une image mentale de la connaissance à acquérir • multiplier les activités de tri, de classement, de comparaison, de rangement • inciter l’élève au transfert des acquis grâce à un travail plus transversal, interdisciplinaire • freiner l’impulsivité en exigeant de la réflexion, de la concentration • consolider les connaissances de base grâce à des exercices d’entraînement • inviter les élèves à rendre explicites, par le moyen de codes différents, leur démarche et leur lecture du réel • différer l’apprentissage mais revenir sur les acquisitions nécessaires • reprendre l’apprentissage à son point de départ en modifiant les situations, en introduisant des supports très concrets, en multipliant les manipulations • aider l’élève à faire émerger ses représentations existantes pour qu’il puisse les reconnaître, les rejeter comme inefficaces, et lui donner ainsi tous les moyens de les corriger • donner des exercices de consolidation de complexité croissante. Ces quelques pistes concernent potentiellement toutes les disciplines en les invitant à une réflexion et à des modalités d’actions relatives à la place de l’erreur, nécessaire et formatrice pour les apprentissages. Affiner son analyse sur les difficultés des élèves "Je n’ai que des élèves en échec scolaire !" Enfin, l’analyse des pratiques des élèves vient buter sur la vraie difficulté scolaire qui s’impose à un moment donné de la vie d’un enseignant, d’ailleurs souvent en début de carrière. Prononcer un diagnostic sur : bon élève / mauvais élève est chose aventureuse, quand on n’est pas à même de justifier son avis autrement que par les seuls résultats, eux-mêmes soumis à une part inévitable d’aléatoire, la docimologie l’a montré. La précaution en la matière est de mise ; l’analyse doit s’attarder sur des faits observables par tous, récurrents, avant de porter tout jugement hâtif et d’accoler une pastille noire sur la liste d’élèves dans le bureau du principal adjoint (chose vue). Dans les bilans de pré-conseils, dans les salles des profs, on tend à utiliser indifféremment « difficulté des élèves, élèves en difficulté, élèves en échec ». Cet élargissement du sens masque des différences cependant très sensibles et peut aboutir à des contre-sens sur les destinées proposées (imposées ?) aux dits élèves. Depuis une dizaine d’années, les recherches ont été nombreuses et riches, notamment à partir des entretiens menés avec des élèves de banlieues et d’ailleurs afin de mieux comprendre comment se construisait le rapport au savoir. Je vous propose de reprendre un tableau issu des Cahiers pédagogiques : synthétique, il permet de mieux diagnostiquer la situation donnée d’un élève sur la base de ses actes, de ses propos, de ses résultats ; et de dépasser la seule moyenne de 8,75/20 qui en soi n’a qu’une valeur très, très relative. L'étude de Chi-Lan Do (DEPP, mars 2007) sur "les représentations de la grande difficulté scolaire par les enseignants" illustre la difficulté que nous, professionnels de l’éducation, rencontrons quotidiennement dans l’analyse. Notre attitude pourrait se résumer en une « attribution causale externe » : c’est pas nous, c’est eux !: l'origine de la difficulté proviendrait d'abord de l'environnement de l'enfant, puis de l'organisation du système éducatif et enfin, pour 1 prof sur 10, de l'élève lui-même. Dans le détail : l’absence d’intérêt des familles ; l’absence de prise en charge des élèves en grande difficulté, tandis que le manque de bases solides. Un autre trait commun est de repousser le problème avant le niveau d'enseignement du professeur. : 82,9 % des professeurs de collège affirment que c’est avant le collège que la grande difficulté scolaire peut être le mieux traitée ; et par cascade, 45,8 % des professeurs des écoles désignent l’entrée en grande section de maternelle. Que faire face à la grande difficulté scolaire ? 84% des profs de collège, 62% des profs des écoles ne croient pas que le redoublement soit une solution. Et pourtant, on continue !. Neuf profs sur dix croient en l'efficacité du soutien individualisé et en l'aide au travail personnel. Mais 3 profs des écoles sur 4 citent le Rased alors que 2 profs de collège sur 3 mentionnent l'orientation précoce dans des structures particulières. Les profs sont demandeurs de formation, voire de "méthodes qui marchent" ou de "trucs". Selon C.-L. Do, les professeurs se diviseraient en trois groupes. Il y aurait "ceux qui éprouvent un sentiment de « combativité et de défi » face à un phénomène qu’ils jugent inacceptable et qui les conduit à ajuster leur niveau d’exigence en modifiant leurs méthodes et pratiques ou leur relation à l’élève; ceux qui mettent en avant leur « sens du devoir et souci d’équité envers l’élève »; ceux qui ressentent une impression « d’impuissance, isolement ou fatalisme » devant un phénomène perçu comme inéluctable et ont davantage tendance à baisser leur niveau d’exigence. Tableau: élèves en difficulté et élèves en échec. Cet outil (inspiré des Cahiers pédagogiques 277) permet de donner quelques indicateurs afin de faire la distinction entre élève en difficulté et élève en échec. élève en difficulté élève en uploads/Management/ analyser-les-difficultes-des-eleves.pdf

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  • Publié le Nov 09, 2021
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