ESSACHESS. Journal for Communication Studies, vol. 9, no. 2(18) / 2016: 101-112

ESSACHESS. Journal for Communication Studies, vol. 9, no. 2(18) / 2016: 101-112 eISSN 1775-352X © ESSACHESS La pratique des réseaux sociaux par les diffuseurs télé : un nouvel espace de liberté pour le téléspectateur et de gestion des audiences pour l’émetteur Docteur Patrizia SPINA Analyste médias SUISSE patriziaspina@hotmail.com Maxence VIALLON Analyste médias ESPAGNE maxence2@gmail.com Résumé : Cet article étudie l’évolution de la télévision numérique à la social television, c’est-à-dire la télévision qui utilise les réseaux sociaux comme moyen pour communiquer avec le public. Nous étudions en particulier le rôle de la social television (Social TV) de "catalyseur social" (Aldo Grasso, 2009) ou «télévision cérémonielle» (Dayan Daniel 2000) ainsi que sa capacité d’établir un canal de communication bidirectionnel. Mots-clés : réseaux sociaux, diffuseurs, Facebook, YouTube, Twitter, médias numé- riques, interactivité, audience, fragmentation, publicité *** Social networks practices by TV broadcasters: a new freedom for the viewer and an audience management tool for the broadcaster Abstract : This article studies the evolution from digital TV to social TV, being the TV that uses social networks as a mean to communicate with the audience. More precisely, we study the role of social TV as a social catalyst (Aldo Grasso, 2009) or of ceremony TV (Dayan Daniel 2000), as well as its capacity to establish a bidirec- tional communication channel. Keywords : Social networks, broadcasters, Facebook, YouTube, Twitter, digital media, interactivity, audience, fragmentation, advertising 102 Patrizia SPINA, Maxence VIALLON La pratiques des réseaux sociaux…. *** Introduction Au cours des dernières années dans le domaine de la télévision, deux phénomènes se sont manifestés. Le premier événement auquel nous avons assisté est l’explosion de la multiplateforme par laquelle le même contenu est diffusé sur plusieurs supports à la fois. Ce contenu est accessible sur la télévision, par Internet, sur le téléphone portable ainsi que sur la tablette. « Dans un univers où les auditoires sont fortement fractionnés » (Chaniac, 2003), l’audience se partage entre la télévision traditionnelle généraliste, les chaînes thématiques, les chaînes disponibles sur Internet, les programmes en vidéo à la demande (VàD), la consommation des user generated content (UGC) (par exemple YouTube), les programmes sur les téléphones portables, etc. Le public veut regarder la télévision partout et en tout moment, car «media are now used anyhow, anyplace, anytime » (Sonia Livingstone, 2004). D’ailleurs, l’utilisation d’Internet et de la multiplateforme est très répandue ainsi que la diffusion de la technologie. Cette situation a produit des changements des comportements de consommation de la télévisons par les téléspectateurs : de la multiplateforme, en passant par la vidéo à la demande, jusqu’à la social television, c’est-à-dire la télévision qui utilise les réseaux sociaux comme moyen pour communiquer avec le public. 1. De la télévision numérique à la « Social TV » La diffusion de la technologie numérique a favorisé une consommation de la télévision à la demande fragmentée parmi les différentes plateformes. Selon la base de données de l’UIT (Union International des Télécommunication), Eye, en 2013 en France 81,9 % de la population utilise Internet, 81,6 % des foyers sont équipés au moins d’un ordinateur et 81,7 % des foyers ont un accès direct à Internet depuis la maison. Selon une recherche menée en 2014 par le Syndicat National de la Publicité Télévisée, l’usage de la multiplateforme serait encore plus poussé en France. En effet, 95,7 % des foyers disposent d’une télévision, dont 52 % sont des télévisions connectées. De plus, la moitié de ces foyers seraient multiéquipés avec plusieurs types d’écrans : TV, tablette, ordinateur, smartphone, etc. En outre, une personne sur deux possède aussi un smartphone et 55,7 % de la population utilise Internet via un téléphone portable (Le plus de la télé, SNPTV, 2015). La conséquence directe de l’explosion de la multiplateforme a été l’augmentation de la fragmentation de l’audience. Ce phénomène s’était déjà manifesté avec l’incrémentation des chaînes suite à la diffusion de la télévision par satellite d’abord, puis par la télévision numérique terrestre (TNT). En 2014 en ESSACHESS. Journal for Communication Studies, vol. 9, no. 2(18) / 2016 103 France, on compte 271 chaînes autorisées, conventionnées ou déclarées auprès du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), dont 31 diffusées sur le numérique terrestre (Le plus de la télé, SNPTV, 2015). Mais, si l’audience se partage parmi les nombreuses chaînes, la durée d’écoute générale ne fait qu’augmenter. Il faudrait donc analyser l’audience cumulée, c’est-à- dire le public qui regarde une émission à travers tous les moyens de distribution, y compris Internet. Dans cette perspective-là, il est intéressant de noter qu’en France en 2014, la durée d’écoute moyenne pour chaque téléspectateur est de 4 h 44, durée pendant laquelle il a aussi navigué sur Internet pendant 1 h 59 en moyenne. De ce temps passé sur Internet, 33 minutes étaient consacrées au visionnement des vidéos (Le plus de la télé, SNPTV, 2015). À partir de ces données et étant donné que la durée d’écoute est stable, nous pouvons en déduire les téléspectateurs sont répartis sur les nombreux moyens de distribution des contenus. Cette situation pose de nombreux problèmes notamment à cause des fortes réductions du marché publicitaire et donc des revenus. Cependant, si le public veut regarder la télévision « quand, où et comment il veut », cela ne veut pas dire qu’il veut la regarder de manière isolée sans avoir la possibilité de discuter du contenu avec les autres membres du public, c’est-à-dire les amis, les collègues, etc. En effet, nous avons assisté dans les dernières années à un deuxième événement : l’explosion des réseaux sociaux. « 85 % des internautes sont inscrits sur Facebook, qui s’impose comme le 1er réseau social en France. Google+ poursuit son développement avec 33 % des internautes inscrits. Twitter compte également près d’un internaute sur trois (30 %) et se positionne clairement comme une source d’informations reconnue. Instagram, réseau dédié à la photo et la vidéo qui émergeait l’an passé, poursuit sa percée rassemblant aujourd’hui 13 % des inscrits à un réseau social ». (Web Observatoire, Mediamétrie, 12 novembre 2014). Les membres actifs des réseaux sociaux sont aussi nombreux. En France, 63 % d’internautes interviewés sont actifs sur Facebook, 23 % sur You Tube, 23 % sur Google + et enfin 15 % sur Twitter (Le plus de la télé, SNPTV, 2015). En Suisse aussi les réseaux sociaux sont très utilisés : « 3,2 millions des individus échangent des informations via les réseaux sociaux, soit 58 % de la population et plus de la moitié des utilisateurs des médias sociaux sont quasiment chaque jour sur Facebook ou LinkedIn » (NET-Metrix SA, NET-Metrix-Base 2015- 1). Dans le monde entier, Instagram compte plus de 400 millions d’utilisateurs actifs, avec une moyenne de plus de 80 millions de photos chargées chaque jour et plus de 3,5 billions de « j’aime » tous les jours (Instagram press release, 15.11.2015), alors que Twitter compte plus de 316 millions des utilisateurs actifs par mois avec plus de 500 millions de tweeters envoyés tous les jours (Tweeter 104 Patrizia SPINA, Maxence VIALLON La pratiques des réseaux sociaux…. statistique, 30.06.2015). Enfin, Facebook à septembre 2015 comptait environ 1,55 billion des utilisateurs actifs par mois (Facebook Statistique, 30.09.20151). Avec plus de 100 millions d’utilisateurs actifs à mai 2015, Snapchat est une application, créée en 2011, pour les plateformes mobiles (iOS et Android), pour partager des photos et des vidéos.2 Certaines chaînes, sur l’exemple des télévisions américaines, ont commencé à utiliser ce réseau social pour promouvoir leurs programmes. 3 Pour comprendre l’ampleur des réseaux sociaux dans la vie des téléspectateurs, il suffit de penser que pendant la coupe du monde de foot en 2014, il y a eu 672 millions de tweets avec l’hashtag : « #WORLDCUP2014 ». En particulier, pendant la demi-finale entre Brazil et Allemagne les fans ont envoyé plus de 35,6 millions de tweets. Ceux-ci a été un record de tweets envoyé pour un seul événement. Enfin, pendant la finale plus de 600 tweets par minute ont été envoyés. Les réseaux sociaux sont donc des espaces virtuels où les gens peuvent se construire leurs propres identités numériques et à travers de cela satisfaire leur besoin de communauté dans une société qui est de plus en plus individualisée. Au sein des réseaux sociaux, les gens peuvent se retrouver au-delà des distances spatio- temporelles. Aujourd’hui, dans une société où l’individualisme triomphe, les gens ont transposé le besoin de partage dans le monde virtuel des réseaux sociaux. Ils l’ont transposé, mais ils ne peuvent pas y renoncer. Comme l’écrit Cyril Bladier, « Aristotele dirait ceci : l’homme est un animal social, et au contraire des animaux, sa nature le pousse vers les autres. Facebook, Viadeo, Twitter, LinkedIn, l’invention de tous ces réseaux prouvent que j’avais raison » (Cyril Bladier, 2014). Mais les réseaux sociaux sont beaucoup plus que cela. La télévision a compris immédiatement la force de cet outil et l’a intégré dans ses activités interactives en donnant vie à ce qui est appelé la « Social TV ». Les réseaux sociaux sont des espaces à double sens : les diffuseurs y distribuent des morceaux des émissions pour les uploads/Management/ 340-997-1-pb.pdf

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  • Publié le Apv 27, 2021
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