Analyse architecturale et pertinence des techniques de représentation numérique
Analyse architecturale et pertinence des techniques de représentation numériques Une expérience pédagogique Derycke D. et Brunetta V. Laboratoire Alice, ISACF LA CAMBRE, Bruxelles. http://alice.lacambre-archi.be Résumé : Depuis une dizaine d’années, l’exploration des techniques de représentation numériques susceptibles de se substituer ou d’étendre le champ des moyens traditionnels utilisés dans le cadre de l’analyse architecturale constitue un axe important de notre approche pédagogique. L’élaboration de courts-métrages en synthèse d’image en tant que supports à l’analyse architecturale est analysée, ici, à la lumière de deux préoccupations majeures. D’une part, l’inévitable continuité historique dans laquelle s’inscrivent les technologies numériques de représentation architecturale. D’autre part, la contamination — entendue dans un sens positif — des moyens traditionnels par une culture visuelle nourrie par le cinéma, la publicité ou le jeu vidéo. Mots-clés : Analyse architecturale, représentation numérique, communication, animation, pédagogie. 1. L’analyse architecturale à l’ère des technologies numériques L’analyse architecturale consiste à observer, décrire et décomposer des objets architecturaux — que ceux-ci soient réalisés ou qu’ils soient restés à l’état de projets importe peu — en vue d’en identifier entre autres les figures architecturales, les principes d’organisation et de structure, les dimensions formelles, symboliques, sociales et techniques. Elle se distingue — sans pour autant y être complètement étrangère — de l’Histoire et de la conception architecturale, et n’est pas nécessairement dénuée d’une dimension critique. Enseignée depuis de nombreuses décennies dès les premières années des cursus et passage obligé de la pédagogie ou de l’introduction à la culture architecturale, l’analyse a peu à peu développé un corpus de règles visant à systématiser ses outils et ses moyens de représentation. Les représentations traditionnelles — relevés, documents graphiques et photographiques ainsi que les maquettes — offrent un éventail d’outils à même de rendre compte au mieux des différents éléments de l’analyse (Durand, 2003). La motivation principale qui anime notre laboratoire réside dans l’exploration de techniques de représentation numériques susceptibles de se substituer ou d’étendre le champ des techniques couramment utilisées dans le cadre du travail d’analyse. Si Derycke D. et Brunetta V. nous avons consacré nos premiers travaux à l’expérimentation de représentations statiques issues de modèles à description textuelle ou procédurale, notre domaine de prédilection est aujourd’hui le support animé ou pour être plus précis : le court métrage en synthèse d’image. Intrigués d’une part, par la capacité de l’image de synthèse animée à rendre compte de phénomènes complexes — notamment dans le champ de la représentation scientifique, en physique, astronomie ou biologie — et d’autre part, par les qualités didactiques des documentaires consacrés à des réalisations architecturales, tels ceux produits et réalisés par Richard Copans et Stan Neumann pour la chaîne de télévision Arte, il nous est apparu que la séquence d’images de synthèse animées pouvait offrir un support privilégié pour la communication ou la restitution de l’analyse architecturale. Analyse architecturale et infographie : dix années d’expériences pédagogiques Depuis une dizaine d’années, nous proposons à des étudiants de quatrième et de cinquième année (deuxième cycle) de réaliser une analyse architecturale traditionnelle, pour ensuite traduire cette analyse en un court-métrage en synthèse d’image (Brunetta, 1998). Cet exercice pédagogique nécessite de la part des étudiants une connaissance préalable des techniques de l’analyse architecturale et a pour ambition, non seulement de les initier à l'usage des outils infographiques et à la maîtrise des différents médias (images de synthèse enrichies de séquences vidéos, bande son, voix off, …), mais avant tout de les amener à une réflexion sur la pertinence des moyens de représentation infographiques. Cet exercice, auquel les étudiants consacrent quatre-vingt-dix heures, se décompose en différentes phases synthétisées ci-dessous. Idéalement, le processus est strictement linéaire, mais il arrive fréquemment que les étudiants opèrent des allers et retours entre ces différentes étapes : •Analyse architecturale : réalisation de l’ensemble des documents (dessins, schémas et textes) que réclame l’analyse architecturale •Synopsis : élaboration d’un scénario présentant de manière séquentielle les éléments développés dans l'analyse •Storyboard: traduction du scénario en une succession de dessins présentant les cadrages, mouvements,... du futur court-métrage •Modélisation : élaboration d’un ou plusieurs modèles tridimensionnels de l'objet architectural étudié (logiciel : 3DS Max) •Rendu de plans : réalisation des rendus qui constituent les différents plans fixes et animés (tels que prévus par le storyboard) •Montage : montage des plans ou séquences, ainsi que des photos, bandes son, commentaires en voix off et autres médias grâce à un logiciel dédié (Adobe Premiere ou Apple Final Cut Express) Analyse architecturale et représentation numérique 2. Infographie et continuité historique En réponse à nos aspirations pédagogiques et critiques quant au caractère « novateur » des techniques de représentation numériques, nos étudiants se soucient d'inscrire modestement leur travail dans une continuité historique. Cette continuité n'impose pas pour autant le recours à une simple reproduction. Ainsi, certains plans réalisés par nos étudiants procèdent de (ré-)interprétations plus ou moins pertinentes des techniques de représentation traditionnelles. C'est dans ce domaine en particulier que l'on mesure l'intérêt de la présence depuis une dizaine d'années de cet exercice pédagogique dans le cursus. On assiste en effet à un processus cumulatif qui autorise les étudiants, non seulement à s'appuyer sur, mais surtout à perfectionner les expériences et propositions de leurs prédécesseurs. Les exemples qui suivent illustrent différentes facettes de la représentation infographique envisagée dans une continuité historique. Fig. 1 – Planche 41 de Scielta di Varii Tempietti Antichi de Giovanni Battista Montano, Rome, 1624 Derycke D. et Brunetta V. Réinterprétation de la coupe-perspective Fig. 2 – Tempio dorico cerca del Teatro Marcelo, Labacco Fig. 3 – Villa à Muizen, Macken & Macken Architecten, séquence de Pierre-Yves Matagne, 2004 Si la coupe-perspective est un classique de l'Histoire, les outils de représentation numériques en facilitent la réalisation et permettent d'en explorer de nouvelles dimensions. Comme le montre une séquence du court-métrage que Pierre-Yves Matagne a consacré à la maison à Muizen des architectes Macken & Macken, la succession de différents points de vue et les déplacements ou modifications des plans de coupe permettent une continuité entre représentations géométrales et représentations subjectives en perspective. A la différence des représentations classiques statiques, la continuité dans les déplacements et les enchaînements de points de vue assurent un meilleur repérage dans l'espace et une compréhension plus immédiate des relations entre les différents types de représentation. La dimension temporelle ou séquentielle propre à l'image animée est probablement l'une des voies d'exploration les plus passionnantes de ce type de réalisations. Analyse architecturale et représentation numérique Du schéma à caractère didactique à l’image animée Fig. 4 – Villa à Muizen, Macken & Macken Architecten, séquence de Pierre-Yves Matagne, 2004 Dans cette même séquence, alors qu'il s'intéresse aux propriétés de la façade épaisse, aux relations entre intérieur et extérieur et à l'exploitation qu'en font les architectes dans la conception des ouvertures, Pierre-Yves Matagne s'inspire de la succession de schémas analytiques traditionnels. Il s'agit ici d'une interprétation plutôt immédiate du procédé consistant à décrire un dispositif architectural à l'aide d'une séquence de schémas accompagnés de commentaires. Une fois de plus, la représentation animée explorant tour à tour les variations du statut d'une ouverture et les rapports spatiaux que ces variations engendrent, contribue à une compréhension plus immédiate du dispositif étudié. Derycke D. et Brunetta V. Exigences de la représentation moderniste Fig. 5 – Maison Jespers, Victor Bourgeois, séquence de François Lichtle, 2005 Dans son court-métrage consacré à la maison du sculpteur Oscar Jespers édifiée en 1928 par Victor Bourgeois, François Lichtle revisite avec une certaine pertinence les classiques de la représentation moderniste. Il s'approprie les systèmes de représentation axonométriques – mais cette fois animés – pour exposer et enchaîner les schémas constitutifs des différents niveaux du bâtiment. Ce mode de représentation fait d'aplats de couleurs est particulièrement approprié à l’expression architecturale d'inspiration cubiste. S'opposant à la perspective, ce système de représentation, en plus de rendre compte du volume des espaces, propose une lecture schématique abstraite recourant aux couleurs ainsi qu’aux glissements des éléments, évoquant ainsi les compositions spatiales de Van Doesburg. Ensuite, François réinterprète la perspective à la ligne claire, également chère au Mouvement Moderne. Tout en déplaçant la caméra dans le bâtiment, il propose d’élégantes séquences animées constituées de traits noirs et d'aplats blancs. Séquences qui font l’économie d’effets d'ombrage et de jeux de lumière inappropriés, rendant ainsi justice à la pureté et à l'abstraction de l'espace moderniste. Analyse architecturale et représentation numérique Diagrammes et architecture désincarnée Fig. 6 – Houses I to X, Peter Eisenman, séquence de Laurent Arnoldi, 1999 Dans sa période de « Cardboard Architecture », afin d’illustrer les processus de composition de ses célèbres Houses – de la I à la X –, Peter Eisenman a abondamment utilisé le diagramme axonométrique. Si ces diagrammes ont pour principale raison d’être d’appuyer le caractère conceptuel de la démarche architecturale et de nous informer sur les détails du processus de composition - décomposition, il n’en reste pas moins qu’ils sont particulièrement difficiles d’accès. Dans le court-métrage d’une vingtaine de minutes qu’il consacre aux Houses, Laurent Arnoldi explore les principes de la grammaire formelle d’Eisenman avec pour ambition d’en rendre compte d’une manière pédagogique et accessible. Le type de uploads/Management/ 210-derycke-brunetta-analyse-architecturale-et-representation-numerique.pdf
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- Publié le Aoû 26, 2022
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