1 Séminaire « Freud à son époque et aujourd’hui » Animé par Yves Dechristé et D
1 Séminaire « Freud à son époque et aujourd’hui » Animé par Yves Dechristé et Dimitri Lorrain Décembre 2020 Présentation du cas Dora (1905) Réflexions sur la notion de transfert Daniel Humann « Cela étant, "Rêve et hystérie" ne te décevra pas. Le psychologique, l’utilisation des rêves, quelques particularités des pensées inconscientes en constituent toujours l’essentiel. Il y a seulement des aperçus sur l’organique, notamment sur les zones érogènes et la bisexualité. Mais cette fois les choses sont nommées, reconnues et prêtes pour une présentation détaillée une autre fois. C’est une hystérie avec tussis nervosa et aphonie qui peuvent être ramenées au caractère de suçoteuse de la patiente et, dans les cheminements de pensées qui s’affrontent en elle, l’opposition entre une inclination pour l’homme et une inclination pour la femme joue le rôle principal » Sigmund Freud1 Présentation de l’écrit de Freud 1. Contexte du cas et de son écriture Le « Fragment d’une analyse d’hystérie » correspond à un compte-rendu théorico- clinique d’une brève analyse. On ne peut pas en dire autant de ce texte de Freud, qui est 1 S. Freud, « Lettre 262 du 30 janvier 1901 », Lettres à Wilhelm Fliess 1887-1904, Paris, Puf, 2006, p. 548. 2 conséquent. Cette cure a eu lieu pendant trois mois, d’octobre à décembre, fin 19002. La patiente est une jeune femme dénommée Dora. Au niveau du corpus freudien, le traitement avoisine de très près la publication de L’interprétation des rêves3. La part principale de la formalisation du texte eut lieu en 19014. C’est cette même année que Freud a conçu sa Psychopathologie de la vie quotidienne. Le cas Dora n’a été publié qu’en 1905, année faste puisqu’elle a également vu l’édition les Trois essais sur la théorie de la sexualité. Le texte est notoirement voisin de ces différents travaux. Dans son introduction, Freud présente également son écrit comme un plaidoyer clinique en faveur de ses élaborations antérieures, de 1895 et de 1896. Il s’agit de celles exposées dans les Études sur l’hystérie (1895) et dans plusieurs articles dans Névrose, Psychose et Perversion dont « L’hérédité et l’étiologie des névroses » (1896) et « Sur l’étiologie de l’hystérie » (1896). Au regard de la période en question on peut aussi penser aux contributions suivantes : « Qu’il est justifié de séparer de la neurasthénie un certain complexe symptomatique sous le nom de "névrose d’angoisse" » (1895) et aux « Nouvelles remarques sur les psychonévroses de défense5 » (1896). 2. La demande de traitement. Les symptômes de Dora Au niveau de la demande initiale, c’est le père de Dora qui vient consulter pour sa fille. Les parents sont inquiets, tout particulièrement depuis qu’ils ont trouvé une lettre d’adieux dans les affaires de la jeune femme, et depuis qu’elle s’est évanouie en pleine conversation avec son père. Lorsqu’elle rencontre Freud l’année de ses 18 ans, elle présente plusieurs symptômes : au niveau somatique prédominent toux et aphonie. Ces manifestations s’accompagnent de « dépression », ajoute Freud, et de « troubles du caractère6 ». Il y a par ailleurs une kyrielle de symptômes secondaires : dégoût, sensation de pression sur le haut du 2 Le traitement s’est arrêté le 31 décembre 1900. Freud situe faussement la cure en 1899, dans un ajout plus tardif au texte. S. Freud, « Fragment d’une analyse d’hystérie (Dora) », Cinq psychanalyses, Paris, Puf, 2006, pp. 6-7. Voir également S. Freud, Lettre 255 du 14 octobre 1900, Lettres à Wilhelm Fliess 1887-1904, op. cit., p. 537. 3 Freud a envisagé de nommer son compte-rendu « rêve et hystérie ». S. Freud, « Fragment d’une analyse d’hystérie (Dora) », Cinq psychanalyses, op. cit, p. 4. 4 Fin janvier ou début février selon les sources. S. Freud, Lettre 261 du 25 janvier 1900, Lettres à Wilhelm Fliess 1887-1904, op.cit., p. 546. Alain Delrieu, S. Freud index thématique, Paris, Anthropos Economica, 2008, p. 1718. À noter que la version finale du texte rapporte d’ultimes développements quinze mois après la fin de la cure, soit en 1902. S. Freud, « Fragment d’une analyse d’hystérie (Dora) », op. cit, pp. 90-91. 5 S. Freud, Névrose, psychose et perversion, Paris, Puf, 2005, pp. 15-38 et pp. 61-81. 6 S. Freud, « Fragment d’une analyse d’hystérie (Dora) », Cinq psychanalyses, op. cit, p. 14. 3 corps et évitement phobique des couples. Le médecin précise que les troubles nerveux de Dora ont eu des prémisses vers 8 ans, et qu’il l’a déjà reçue lors de sa seizième année, pour des symptômes somatiques similaires7. Le traitement proposé à ce moment-là n’avait pas été engagé par la famille car les difficultés s’étaient estompées d’elles-mêmes. Freud s’avère avoir été le médecin du père, et c’est sous cet angle, à la limite de la connivence peut-être, qu’il envisage les « rapports de famille8 » de Dora. En effet Freud est dithyrambique quant au statut social (c’est un riche industriel) et à la personnalité du père dont il énumère, comme par contraste défavorable, l’atteinte par différentes affections somatiques (tuberculose, décollement de la rétine, syphilis). L’exposé est étonnamment plus sommaire concernant la mère décrite comme fruste : dans l’ensemble du texte et de l’analyse elle restera plutôt au second plan. La tuberculose du père décide l’ensemble de la famille à s’installer dans la ville de B9 pendant une dizaine d’années. C’est là que des liens vont se tisser avec une famille et notamment un couple, celui des « K ». Partant des « rapports de famille », le lecteur est conduit vers des « relations de voisinage » et si l’on peut dire « échanges inter-familiaux10 ». Que s’est-il passé ? Apparemment, des liens amicaux se seraient établis. Madame K a soigné le père alors qu’il était gravement malade. Monsieur K a pris tout particulièrement soin de Dora, à qui il a offert de multiples cadeaux. La convivialité est telle qu’il arrive que les deux familles partagent leurs vacances dans une région montagneuse, près d’un lac, à L11. En partant des dires de sa patiente et à partir de cette configuration, Freud tire deux « brins » principaux : le lien entre le père de Dora et Mme K, ainsi que celui entre Dora et Monsieur K. 3. Dora et Monsieur K : la théorie traumatique et l’amour du père Freud va d’abord s’intéresser à la deuxième dyade, celle composée de Dora et de Monsieur K. Le père de Dora lui rapporte un incident intervenu deux ans plus tôt : peu après la visite faite à Freud, lui et sa fille étaient en chemin pour L, rejoindre le couple des K. Là- 7 De la toux et de l’enrouement. S. Freud, « Fragment d’une analyse d’hystérie (Dora) », Cinq psychanalyses, op. cit, p. 13. 8 Ibid., p. 10. 9 Merano, située à 400 km au sud-ouest de Vienne. P. Mahony, Dora s’en va. Violence dans la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 2001, p. 32. 10 Voir le commentaire de Lacan, qui creuse cette dimension. J. Lacan, « Intervention sur le transfert », Ecrits, Le Seuil, 1966, pp. 215 à 226. 11 Probablement à proximité du lac de Garde. P. Mahony, Dora s’en va. Violence dans la psychanalyse, op. cit., p. 39. 4 bas, au cours d’une ballade, Monsieur K aurait fait une « déclaration12 » à Dora. Peu de temps après la jeune fille serait subitement rentrée avec son père alors qu’elle était censée rester en villégiature plus longtemps sans lui. Interpellé par le père, Monsieur K nie vertement toute tentative. Il est appuyé en cela par sa femme, qui pointe à cette occasion les lectures tendancieuses de Dora, y compris au sein de leur résidence près du lac. Ces insinuations suscitent l’ire de la jeune femme qui demande avec insistance au père de suspendre ses entrevues avec la mère. C’est sous le prisme du « traumatisme psychique13 » que Freud considère d’abord l’événement qu’il juge insuffisant à déterminer seul la spécificité des symptômes. Le psychanalyste cherche un incident plus ancien qu’il trouve rapidement au cours de la thérapie. En effet Dora raconte une autre scène ayant eu lieu alors qu’elle avait 14 ans. Invitée avec Madame K à venir observer un défilé religieux depuis l’établissement du mari de celle-ci, elle s’était retrouvée seule avec l’homme en question qui l’avait subitement embrassée. Freud trouve qu’il y a dans cette scène du magasin matière à un véritable traumatisme sexuel, et à une réaction hystérique dans la mesure où l’excitation qu’aurait ressentie Dora face à Monsieur K se serait traduite par un dégoût. C’est ce processus d’« inversion de l’affect » doublé d’un « déplacement de sensation14 » qui permet à Freud d’expliquer une partie des symptômes, mais seulement ceux que j’ai qualifiés de secondaires15. Freud expose et illustre ainsi l’insuffisance d’une théorie traumatique simple. Pour autant, s’il est bien remonté aux sources infantiles et à l’étiologie sexuelle du dégoût, il est tombé sur un cul-de-sac théorique qui n’a rien eu de probant au niveau de l’état de sa patiente. Sans lâcher la piste des facteurs infantiles, il va suivre l’aiguillage de Dora, qui n’a uploads/Management/ 2021-humann-seminaire-freud-a-son-epoque-et-aujourdhui.pdf
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- Publié le Mar 14, 2021
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