TRAITÉ DES TROIS IMPOSTEURS (Attribué à SPINOZA) (Ouvrage d’origine : B.N.F. /

TRAITÉ DES TROIS IMPOSTEURS (Attribué à SPINOZA) (Ouvrage d’origine : B.N.F. / GALLICA, numérisé sous forme d’images). (Avec adaptations mineures du texte d’origine – en vieux français – pour une lecture plus facile : f / s ; oi / ai ; aye / aie ; & / et, et quelques autres détails). Note : Cet ouvrage est placé dans le répertoire “ Spinoza ” de la B.N.F. et porte une mention manuscrite identique. L’auteur et les dates de composition et de publication n’en sont pas connus. Une discussion sur son origine (il semble que le titre – qui a fait pendant longtemps couler beaucoup d’encre, voire de sang – ait été utilisé plusieurs fois ; il n’est par ailleurs sans doute pas de l’auteur ici) est donnée à la fin. Sans entrer dans le détail, celui-ci est forcément postérieur à la publication des œuvres de Descartes (1596-1650) et édité antérieurement à 1689, si l’on en croit les Mémoires de Littérature de 1716 (les notes ne sont sans doute pas (toutes) de l’auteur et la date de 1731 donnée dans l’une d’elle pour un écrit du Comte de Boulainvilliers (1658-1722) est évidemment postérieure au tout et doit donc correspondre à des rééditions ; elle entre en outre largement en contradiction avec le texte. Par ailleurs, ces Mémoires de 1716. font référence à 1733… dans une fin de texte assez triviale vis-à-vis de ce qui la précède, cependant, qui pourrait être un ajout). Il est donc possible – opinion peu consolidée du réalisateur de la présente version numérisée, qui n’engage que lui, ici, et est donnée sous toutes réserves – qu’il s’agisse d’un ouvrage de jeunesse de Spinoza (1632-1677), que ses amis – dont Louis Meyer – ont pu avoir choisi de faire publier séparément à l’étranger (en Allemagne ?) ou simplement de copier à la main, compte tenu de son objet franchement sulfureux et aussi d’un certain manque de finesse en regard des (autres ?) œuvres de Spinoza (publications posthumes – anonymes elles-aussi – en 1677). Quoiqu’il en soit, il y a peu de choses dans cet ouvrage qui ne soit conforme à celles-ci dans l’esprit (des conclusions qui s’imposent sont simplement plus radicalement exposées). Les concordances sont très nombreuses ; on notera en particulier le Paragraphe 6, Chapitre 2 où, au sujet de la causalité, on retrouve presque mot pour mot un passage de l’Appendice du Livre I de l’Éthique. La page http://www.infidels.org/library/historical/unknown/three_impostors.html reproduit une traduction en anglais de 1904 d’un manuscrit en français de même origine que celui à la base du présent texte, mais comportant néanmoins des différences nettes (par exemple, il n’est pas question de Descartes et les paragraphes sur Mahomet sont très différents, la présente version étant cependant également reproduite en annexe ; il semble qu’en général ce passage sur Mahomet – peut-être assez pauvre à l’origine – ait été tout particulièrement remanié par divers copistes ; on peut noter que même celui du présent texte ne correspond pas parfaitement à la description de Arpe donnée dans la discussion à la fin. Cette page, un peu touffue mais aussi très intéressante, comprend en outre de nombreux compléments d’information (notamment sur la version tirée de l’exemplaire soi-disant de 1598 du Duc de la Vallière, dont le contenu n’est pas précisé, et qui est mentionnée sur d’autres sites). Actuellement, les spécialistes de cet ouvrage le sont plus généralement dans la littérature clandestine ; sur le traité des trois imposteurs – ou les traités, puisque ceux qui ont manié ce titre se sont manifestement autorisés en même temps de grandes libertés –, voir par exemple http://lancelot.univ-paris12.fr/lc2-2i.htm#temoin et http://lancelot.univ- paris12.fr/lc2-3b.htm ). CHAPITRE I. De Dieu. 1. Quoiqu’il importe à tous les hommes de connaître la vérité, il y en a très-peu cependant qui jouissent de cet avantage : les uns sont incapables de la rechercher par eux-mêmes, les autres ne veulent pas s’en donner la peine. Il ne faut donc pas s’étonner si le monde est rempli d’opinions vaines et ridicules ; rien n’est plus capable de leur donner cours que l’ignorance ; c’est-là l’unique source des fausses idées que l’on a de la Divinité, de l’Âme, des Esprits et de presque tous les autres objets qui composent la Religion. L’usage a prévalu, l’on se contente des préjugés de la naissance et l'on s'en rapporte sur les choses les plus essentielles à des personnes intéressées qui se font une loi de soutenir opiniâtrement les opinions reçues et qui n'osent les détruire de peur de se détruire eux-mêmes. 2. Ce qui rend le mal sans remède, c'est qu'après avoir établi les fausses idées qu'on a de Dieu, on n'oublie rien pour engager le peuple à les croire, sans lui permettre de les examiner ; au contraire on lui donne de l'aversion pour les Philosophes ou les véritables Savants, de peur que la raison qu'ils enseignent ne lui fasse connaître les erreurs où il est plongé. Les partisans de ces absurdités ont si bien réussi qu'il est dangereux de les combattre. Il importe trop à ces imposteurs que le peuple soit ignorant, pour souffrir qu'on le désabuse. Ainsi on est contraint de déguiser la vérité, ou de se sacrifier à la rage des faux Savants, ou des âmes basses et intéressées. 3. Si le peuple pouvait comprendre en quel abîme l'ignorance le jette, il secouerait bientôt le joug de ses indignes conducteurs, car il est impossible de laisser agir la raison sans qu'elle découvre la vérité. Ces imposteurs l'ont si bien senti, que pour empêcher les bons effets qu'elle produirait infailliblement, ils se sont avisés de nous la peindre comme un monstre qui n'est capable d'inspirer aucun bon sentiment, et quoiqu'ils blâment en général ceux qui sont déraisonnables, ils seraient cependant bien fâchés que la vérité fût écoutée. Ainsi l'on voit tomber sans cesse dans des contradictions continuelles ces ennemis jurés du bon sens ; et il est difficile de savoir ce qu'ils prétendent. S'il est vrai que la droite raison soit la seule lumière que l'homme doive suivre, et si le peuple n'est pas aussi incapable de raisonner qu'on tâche de le persuader, il faut que ceux qui cherchent à. l'instruire s'appliquent à rectifier ses faux raisonnements, et à détruire ses préjugés ; alors on verra ses yeux se déciller peu-à-peu et son esprit se convaincre de cette vérité, que Dieu n’est point ce qu'il s’imagine ordinairement. 4. Pour en venir à bout, il n’est besoin ni de hautes spéculations, ni de pénétrer fort avant dans les secrets de la nature. On n'a besoin que d'un peu de bon sens pour juger que Dieu n'est ni colère ni jaloux ; que la justice et la miséricorde sont de faux titres qu'on lui attribue ; et que ce que les Prophètes et les Apôtres en ont dit, ne nous apprend ni sa nature ni son essence. En effet à parler sans fard et à dire la chose comme elle est, ne faut-il pas convenir que ces Docteurs n'étaient ni plus habiles ni mieux instruits que le reste des hommes ; que bien loin de là, ce qu'ils disent au sujet de Dieu est si grossier, qu'il faut être tout-à-fait peuple pour le croire ? Quoique la chose soit assez évidente d'elle-même, nous allons la rendre encore plus sensible, en examinant cette question : S'il y a quelque apparence que les Prophètes et les Apôtres aient été autrement conformés que les autres hommes ? 5. Tout le monde demeure d'accord que pour la naissance et les fonctions ordinaires de la vie, ils n'avaient rien qui les distinguât du reste des hommes ; ils étaient engendrés par des hommes, ils naissaient des femmes, et ils conservaient leur vie de la même façon que nous. Quant à l'esprit, on veut que Dieu animât bien plus celui des Prophètes que des autres hommes, qu'il se communiquât à eux d'une façon toute particulière : On le croit d'aussi bonne foi que si la chose était prouvée ; et sans considérer que tous les hommes se ressemblent, et qu'ils ont tous une même origine, on prétend que ces hommes ont été d'une trempe extraordinaire, et choisis par la Divinité pour annoncer ses oracles. Mais outre qu'ils n'avaient ni plus d'esprit que le vulgaire, ni l'entendement plus parfait, que voit-on dans leurs écrits qui nous oblige à prendre une si haute opinion d'eux ? La plus grande partie des choses qu'ils ont dites est si obscure que l'on n'y entend rien, et en si mauvais ordre qu'il est facile de s'apercevoir qu'ils ne s'entendaient pas eux-mêmes, et qu'ils n'étaient que des fourbes ignorants. Ce qui a donné lieu à l'opinion que l'on a conçue d'eux, c'est la hardiesse qu'ils ont eue de se vanter de tenir immédiatement de Dieu tout ce qu'ils annonçaient au peuple ; créance absurde et ridicule, puisqu’ils avouent eux-mêmes que Dieu ne leur parlait qu'en songe. Il n’est rien de plus naturel à l’homme que les songes, par conséquent il faut qu'un homme soit bien effronté, bien vain et bien insensé pour dire que uploads/Litterature/ traite-des-trois-imposteurs.pdf

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