(2004) : « Système phonologique et norme orthographique», in J. Suso López (coo

(2004) : « Système phonologique et norme orthographique», in J. Suso López (coord.) Phonétique, lexique, grammaire et enseignement/apprentissage du FLE, Colección “Cuadernos de didáctica de Lenguas Extranjeras”, Granada : Método, pp. 107-145. ISBN: 84-7933-267-0. Chapitre 3 Sytème phonologique et norme orthographique Carmen Alberdi Urquizu Universidad de Granada 1. Introduction: système phonologique et norme d’orthographe ; phonèmes et graphèmes. 2. De l’oral à l’écrit : manifestations du décalage. 3. Histoire de la langue et histoire de l’orthographe. – 3 .1 . Les origines: latin, roman, ancien français. – 3.2. XIVe - XVe siècles: le moyen français. – 3.3. Le XVIe siècle: la Renaissance. – 3.4. XVIIe-XVIIIe siècle: l’époque classique. – 3.5. De la révolution au XIXe siècle. – 3.6. XXe siècle: de l’arrêté de 1901 au rapport de 1990. Tendances évolutives de l’orthographe. 4. Conclusion : orthographe et pédagogie de la faute. 5. Bibliographie. 6. Annexe : Rapport du Conseil Supérieur de la Langue Française concernant les recommandations pour la nouvelle orthographe 1. Introduction: système phonologique et norme d’orthographe ; phonèmes et graphèmes. Lorsque nous pensons à l’orthographe, un certain nombre d’idées nous viennent soudain à l’esprit : difficulté, norme, faute..., toutes apparemment opposées à la simplicité et la souplesse de l’oral. Un premier trait saillant, dans les relations entre système phonologique et système orthographique est en effet celui de la différence, du décalage existant entre les deux. C’est en fait ce décalage qui sera le fil conducteur de notre étude. Nous aurons ainsi l’occasion de revenir, tout au long de ce chapitre, sur la question de la complexité de l’orthographe, sur ses manifestations et ses sources, mais il convient tout d’abord de cerner l’idée de norme, de la portée de cette norme par rapport à l’oral et par rapport à l’écrit : Le terme de « norme » se caractérise par un flottement […] entre un sens objectif, qui renvoie à la moyenne des productions et des usages (normal), et un sens subjectif qui concerne le fait d’édicter la façon dont on devrait s’exprimer (normatif). Les deux ne sont pas sans rapport : la norme autoritaire exploite l’évaluation sociale à laquelle tout locuteur se livre. Cette confusion se redouble d’un flou sur « usage » (souvent confondu avec « bon usage »), et se satisfait de l’effacement du processus historique de standardisation (Gadet, 1999 : 636). La norme renvoie donc de façon générale à ce qui est communément admis et acceptable en tant que production langagière (orale ou écrite). La norme de la prononciation a été progressivement fixée, depuis 1850, où l’on a pris comme référence la prononciation de la bourgeoisie parisienne, puis recueillie dans divers ouvrages, dictionnaires de prononciation et traités d’orthoépie se chargeant de définir la « bonne prononciation du français standard». Il n’en demeure pas moins que cette prononciation n’est en général pratiquée que par une partie des locuteurs: les Français sont loin de parler tous de façon identique, l’héritage des diverses langues vernaculaires exerce toujours une influence qui détermine des différences de ce qu’il est convenu d’appeler « accent ». La situation se complique encore de par l’existence d’un autre trait, caractéristique de notre époque, la coexistence de diverses normes et usages : dans chaque région du monde où l'on parle le français, il s'est développé une prise de conscience de la langue comme instrument d'identification nationale. Les Wallons, les Suisses romands, les Québécois francophones, les Maghrébins, les Sénégalais, les Ivoiriens, les Antillais, etc., ne veulent pas parler exactement comme les Français. Chaque pays a tendance à cultiver sa propre norme locale, c'est-à-dire une variété de français qui a conservé un certain nombre de traits originaux (Leclerc, 20003 : 8). Il serait donc naïf de prétendre qu’il est possible, voire souhaitable d’imposer une norme de prononciation à tous les francophones. Tout au plus, semble-t-il que les efforts devraient s’orienter à éviter que ces particularismes ne se développent au point d’entraver la communication entre interlocuteurs de régions différentes. En ce qui concerne l’écriture, la norme a été traditionnellement établie par l’Académie française dans les successives éditions de son Dictionnaire et diffusée par les institutions scolaires, chargées de perpétuer « un modèle élaboré au XIXe siècle […], prenant appui sur l’écrit considéré comme point de référence absolu, et sur la maitrise de l’orthographe » (Gadet, 1999 : 636-637). Norme d’écriture signifie ainsi norme d’orthographe, « une et indivisible » : chaque Français aura beau parler avec l’accent propre de sa région, à l’écrit, il se soumettra à la même norme que tous les autres. Admis à l’oral, l’écart est impossible à l’écrit, où il se trouve vite apparenté à la faute. Force est donc de constater que les deux systèmes se montrent bien différents dans leurs rapports à la norme. Le français standard à l’oral permet de mesurer des variantes de prononciation, mais elles n’en sont pas pour autant bannies ; l’orthographe par contre, entourée d’un halo prescriptif, censure et interdit toute déviation, la faute d’orthographe devenant symbole d’inculture : « On ramène en France le discours réalisé [...] au bon usage, le bon usage à la norme, la norme à la simple orthographe, et l’orthographe à la culture et à l’éducation, en oubliant tout le reste. Le code langagier devient le Code pénal » (Catach, 1989: 78). L’orthographe doit par conséquent faire l’objet d’un apprentissage conscient. Les modèles de prononciation sont acquis en langue maternelle par imitation, on apprend tout naturellement à parler en parlant, mais l’écriture exige un effort constant de par la complexité du système orthographique français, très éloigné de la prononciation et comportant un trop grand nombre de possibilités pour transcrire un nombre assez restreint de sons. En effet, le système phonologique du français possède 12 voyelles orales, 4 voyelles nasales, 17 consonnes (sans compter /˜/) et 3 semi-consonnes. Soit, un total de 36 phonèmes lui appartenant en propre (bien que certaines oppositions tendent de plus en plus à se réduire, comme celle entre /a-å/) et un phonème introduit par des emprunts à l’anglais. Les traités de phonétique renvoient normalement aux différentes graphies censées transcrire ces phonèmes. On établit ainsi, inconsciemment, une relation entre graphies, lettres et orthographe. Or, le système graphique se compose, en réalité, de graphèmes (eux-mêmes composés de lettres), et non pas de graphies. Nous nous arrêterons brièvement sur ces distinctions de base1, afin de cerner les différences entre ces notions dont nous emprunterons les définitions à N. Catach (1989: 333-337). Les graphies sont les diverses manières d’écrire les mots d’une langue : cognoistre, connoistre, connoître sont diverses graphies historiques du mot connaitre ; ortographe est une graphie fautive du mot orthographe. Les lettres sont les unités de base de l’alphabet hérité du latin, mais étant donné qu’il n’y a que rarement correspondance entre phonèmes et lettres, celles-ci doivent se combiner à l’écrit, ces combinaisons constituant des graphèmes : « les plus petites unités distinctives et / ou significatives de la chaîne écrite », qui peuvent se composer d’une seule lettre (b, d, g), 1 Pour les questions concernant le système phonologique, cf. Chapitre 1er. d’un groupe de lettres – digramme (ai, oi, au, ou) ou trigramme (eau, ill) –, de lettres accentuées (à, é, è, ê, etc.) ou pourvues de signes diacritiques (ç, tréma). De même que deux ou plusieurs phonèmes peuvent être groupés sous la catégorie d’un archiphonème qui représente l’ensemble des traits phoniques pertinents qui leur sont communs, le même critère permet de regrouper divers graphèmes sous la catégorie plus générale des archigraphèmes : « graphèmes fondamentaux, représentant un ensemble de graphèmes, qui sont par rapport aux autres ensembles dans un rapport exclusif, et correspondent au même phonème ou au même archiphonème. Ex. O pou o, ô, au, eau, etc ». D’après N. Catach, il existe en français 33 archigraphèmes: A E I O U EU OU AN IN ON UN ILL Y OI OIN P B - T D - C G - F V – S Z - X - CH J - L R – M N – GN Certains archigraphèmes n’ont pas un rapport terme à terme avec le phonème : X, OI, et OIN sont ce qu’elle appelle des « idiotismes graphiques », puisqu’ils ne correspondent pas à un seul phonème mais à une suite de deux phonèmes (X = /ks/, /gz/, OI = /wa/, etc.) Or, ce qui montre sans doute le plus nettement la complexité des rapports entre phonèmes et graphèmes, c’est que les phonèmes en français ne correspondent pas toujours à l’écrit à une seule lettre (graphème simple) : sur 33 archigraphèmes, 11 comprennent plus d’une lettre (EU, OU, AN, IN, ON, UN, ILL, OI, OIN, CH, GN) ; sur 45 graphèmes de base, 19 sont complexes (digrammes, trigrammes) : ai, au, eau, eu, ou, an, en, in, on, un, ill, oi, oin, qu, gu, ss, ch, ge, gn, sans compter les signes pourvus de diacritiques comme ç ou les voyelles accentuées. D’autre part, sont également considérés graphèmes les signes de ponctuation qui ne renvoient plus à des phonèmes, mais à des faits prosodiques (exclamation, interrogation, points de suspension, etc.) uploads/Litterature/ systeme-phonologique-et-norme-orthograph.pdf

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