Paul Ricoeur, Temps et récit 1, Paris, Seuil (Coll. « L’ordre philosophique »),

Paul Ricoeur, Temps et récit 1, Paris, Seuil (Coll. « L’ordre philosophique »), 1983. Temps et récit 2. La configuration du temps dans le récit de fiction, Paris, Seuil (Coll. « L’ordre philosophique »), 1984. Temps et récit 3 : Le temps raconté, Paris, Seuil (coll. «L’ordre philosophique»), 1985. Temps et récit 1, Paris, Seuil (Coll. « L’ordre philosophique »), 1983. Objet de la démonstration Dans cette première partie de son ouvrage, Ricoeur expose, à travers une lecture croisée des écrits sur le temps de Saint- Augustin et de la Poétique d’Aristote, ses conceptions sur le temps et la mimésis, lesquels constituent les deux concepts à la base de la réflexion présentée dans son livre. Le temps est considéré par Ricoeur comme une expérience de distensio animi et de « concordance discordante », tandis que la mimésis – que Ricoeur apparente à la mise en intrigue – est vue comme une structuration de l’expérience chaotique du temps à travers l’acte de configuration narrative. La mimésis opère une synthèse de l’hétérogène, et peut en ce sens être considérée comme l’opposant structuré de l’expérience temporelle, laquelle est vue comme étant discordante et chaotique. Une fois ces concepts mis en place, Ricoeur procède à une catégorisation des différents niveaux de la mimésis (Mimésis 1, 2 et 3). Le premier niveau est lié à la « précompréhesion » de l’agir humain à travers sa sémantique, sa symbolique et sa temporalité. Ricoeur parle donc de préfiguration de l’expérience temporelle vivre. Le second niveau constitue la mise en intrigue proprement dite, soit la configration de l’expérience temporelle à travers l’acte narratif. C’est ce niveau de la mimésis que Ricoeur analyse le plus en détails. Le dernier 1 niveau est celui de la réception de l’intrigue ou du récit par le lecteur, que Ricoeur nomme la refiguration de l’expérience temporelle. Une fois ce travail de déblayage complété, Ricoeur, à travers l’étude détaillée des différents courants théoriques de la discipline historique, démontre les liens que cette dernière entretient avec le récit, et plus particulièrement avec les notions de mimésis et de configuration narrative. Définitions du récit et de la narrativité Ricoeur définit d’abord le récit dans son sens le plus large et englobant, c’est-à-dire comme tout acte de parole ou d’écriture opérant une forme de configuration temporelle. Il peut contenir à la fois le roman, le théâtre, la poésie, le film, mais aussi l’histoire et les conversations. Plus spécifiquement par contre, Ricoeur en arrive, à mesure que son enquête progresse à affirmer que le récit est indissociable de la mimesis, laquelle est conçue comme un acte de synthèse de l’hétérogène, et du temps, lequel est vu comme une expérience de distension de l’âme et de concordance discordante. À la lumière de cette approche plus spécifique, le récit constitue donc un acte de narrativisation de l’expérience temporelle vive du sujet. Cette narrativisation s’accomplit à travers le geste de la mise en intrigue, laquelle constitue une opération de configuration de l’expérience temporelle. Faudrait-il donc comprendre que tous les types de récits contenus dans la large définition qu’en donne Ricoeur opèrent une telle configuration? Et si tel est le cas, quelle est la spécificité de l’acte narratif écrit? Le roman, ou le récit vu comme une forme narrative, agissent-ils autrement que le cinéma ou le bavardage dans leurs visées configuratrices? Telles sont les questions qui naissent de cette approche préliminaire du récit. Il faudra attendre la seconde partie du livre – laquelle est consacrée uniquement à l’acte de configuration littéraire du temps narratif – pour que Ricoeur propose des éclaircissements. 2 Autres thèmes centraux Dans ce tome de Temps et récit, l’histoire occupe un rôle prépondérant. Ricoeur opère une analyse profonde et complexe portant sur les liens que cette discipline a tissé avec le récit et la mise en intrigue. Il démontre notamment que les historiens, dans leurs tentatives de logicisation, de rationalisation de l’événement historique, adoptaient – peut-être sans même le savoir – une démarche similaire à celle du récit, étant donné que les deux « disciplines » cherchent à effectuer une configuration de l’expérience temporelle. Paradoxalement – c’est ce qui ressort de la longue étude de Ricoeur sur les différents courants historiques – le récit a longtemps été jugé par les historiens comme inapte – parce que non scientifique – à rendre compte de l’Histoire. Au terme de l’argumentation de Ricoeur, on finit par découvrir que les deux – histoire et récit – agissent selon une optique similaire de configuration. Quelle fonction attribuée au récit La fonction principale du récit est la configuration de l’expérience temporelle vive, donc de l’expérience du temps vécu par le sujet. Le récit, selon Ricoeur, ne diffère pas de la mimésis en ce qu’il constitue un acte de synthèse de l’hétérogène, et permet donc d’ordonner, de donner un sens à cet événement insaisissable qu’est l’appréhension du temps par le sujet percevant. Cet acte de configuration débute avec l’appréhension du monde temporel dans sa totalité (préfiguration), trouve son point milieu lorsque le sujet opère une configuration narrative et temporelle de son expérience, et se termine lorsque cette même expérience racontée, écrite et donc configurée, trouve écho chez un lecteur ou un récepteur potentiel. C’est là refiguration, à partir de laquelle le cycle de la configuration narrative peut se répéter à nouveau. 3 Lien avec la fiction La fiction est considérée comme un agencement de faits, elle est le résultat de la mimésis. Elle est le produit de la configuration narrative, et représente en ce sens un temps configuré. Ricoeur place souvent le temps de la fiction en opposition avec le temps réel, ce qui pose, comme je l’exprimais plus haut, la question de sa validité scientifique dans le cadre des études historiques. Pourtant, étant donné que la fiction n’est pas séparable du temps dans lequel elle puise sa matière, étant donné également que le temps fictif configuré ne diffère du temps de l’expérience vive que par le fait de son organisation et de sa synthèse, on pourrait être conduit à avancer que la fiction entretient des liens étroits avec le réel, et ne se situe ainsi pas complètement en opposition avec celui-ci. Quelle approche de la théorie du récit L’approche préconisée est résolument basée sur la philosophie de l’événement, ou phénoménologie, en ce qu’elle ne perd jamais de vue que le seul temps observé et observable est celui de l’individu, de l’être, du sujet percevant. Ce tome n’analyse pas l’acte mimétique en lui-même ni à travers ses manifestations textuelles ou plus proprement littéraires, mais l’aborde principalement dans une optique plus vaste (la définition du récit donnée plus haut en fait foi) ainsi que dans ses relations avec l’histoire. La portion de l’ouvrage dans laquelle Ricoeur examine les liens entre l’histoire et le récit possède également une teneur épistémologique, étant donné que Ricoeur y examine l’autorité scientifique conférée par les historiens aux récits des événements historiques. 4 Temps et récit 2. La configuration du temps dans le récit de fiction, Paris, Seuil (Coll. « L’ordre philosophique »), 1984. Objet de la démonstration L’ouvrage reprend l’analyse là où le premier tome l’avait laissée, c’est à dire à la frontière entre le domaine de l’histoire et celui de la littérature. Dans un premier temps, Ricoeur prend soin de rappeler au lecteur les définitions des différents types de mimésis qui forment les récits historiques et les récits de fiction. Le concept de mise en intrigue, tel qu’il est exposé dans le premier tome, se modifie légèrement avec le passage de l’histoire à la fiction. Ricoeur y affirme notamment que c’est le roman moderne, avec le souci de réalisme, la polyphonie bakhtinienne et l’exploration de l’inconscient, qui remet le plus en question la notion de mise en intrigue, tout en l’approfondissant (la complexité du roman moderne n’est-elle pas issue, au fond, du désir de configurer de manière plus authentique l’expérience temporelle humaine?). Le second chapitre de l’ouvrage s’attache à examiner les différents types d’analyse structurales du récit (plus spécifiquement celles de Propp, de Bremond, et de Greimas), en se penchant notamment sur leur capacité à déchronologiser le récit grâce au découpage de ses éléments en fonctions ou en concepts. Ricoeur se propose ensuite, dans un troisième chapitre, d’analyser les divers jeux avec le temps que permet le récit. Il oriente son analyse autour de quatre grands axes : celui du temps du verbe et de l’énonciation, celui du temps du raconter et du temps raconté, celui des rapports entre l’énonciation et l’énoncé, et finalement celui du point de vue et de la voix narrative. Dans une dernière section, Ricoeur applique à trois œuvres littéraires (Mrs. Dalloway, Der Zauberberg et À la recherche du temps perdu) les différentes notions dégagées précédemment, dans le but non seulement de tester l’opérativité de sa démarche, mais aussi de 5 démontrer l’étendue des différentes expériences temporelles susceptibles d’être configurées et données à lire par le récit de fiction. Définitions du récit et de la narrativité Ce tome conserve la même définition du récit que le précédent. Par contre, ses analyses se situent davantage du côté uploads/Litterature/ synthese-de-quot-temps-et-re-cit-quot-paul-ricoeur.pdf

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