Selon Henri Mitterand, l’article de Zola sur Balzac, publié le 13 mai 1870, aur
Selon Henri Mitterand, l’article de Zola sur Balzac, publié le 13 mai 1870, aurait déplu à Hugo et à ses amis parce qu’il était dithyrambique pour Balzac – ce qui aurait porté ombrage à la suprématie du Maître – et attaquait vivement la bourgeoisie. Sur ce dernier point, l’argument me paraît peu convaincant, Hugo ne s’étant pas privé d’attaquer cette bourgeoisie qui, comme le chante Gavroche, « s’enrhume du cerveau ». D’autre part, l’analyse de Balzac par Zola a bien des points communs avec celle que fit Hugo pour les funérailles du romancier en 1850. Comme Hugo, Zola pense que Balzac, même s’il n’en a pas eu conscience, est un auteur révolutionnaire. Comme Hugo, il est convaincu que l’auteur de La Comédie humaine laissera des traces dans l’avenir. Très hugolienne également apparaît la comparaison par Zola de l’œuvre de Balzac avec une tour de Babel inachevée. On sait que Hugo est hanté par cette image de la Tour de Babel, formée, dans Notre-Dame de Paris, des livres de tous les temps et de tous les pays, « prodigieux édifice […] toujours inachevé », qui apparaît aussi dans ses dessins et qu’il a développée en 1857 dans « La Vision d’où est sorti ce livre », qui servira de préface à la nouvelle série de La Légende des siècles. Le texte de Zola avait donc de quoi le séduire. Sa susceptibilité et celle de ses amis auraient-elles été froissées parce que cette étude de Balzac suggère ici ce que Zola dira plus tard : que Balzac est le grand romancier du XIXe siècle et pas Hugo ? Je n’ai pas trouvé trace, dans la Correspondance de Hugo, d’une remarque sur l’article de Zola et ne peux donc affirmer si cet article a vraiment marqué un point de rupture entre le romancier et l’entourage du poète. On fait remarquer que cet article est le dernier de la collaboration de Zola au Rappel mais la guerre est déclarée deux mois plus tard et la place de la littérature va considérablement régresser dans les colonnes du journal. D’après Roger Ripoll, auteur d’une excellente étude intitulée « Zola juge de Victor Hugo (1871- 1877) » parue dans Les Cahiers naturalistes (n°46, 1973) c’est « sous la Commune et à propos de la Commune que Zola s’est tourné franchement contre Hugo et son groupe ». La divergence, explique Roger Ripoll, est sensible : « lorsque Zola parle de conciliation, il demande que la Commune se soumette et que des franchises municipales soient accordées à Paris ; pour la rédaction du Rappel la conciliation sera obtenue pas la dissolution de l’Assemblée de Versailles et l’élection d’une Constituante ». Zola en commentant les poèmes de Hugo sur la Commune ou ses mésaventures à la suite de l’écrasement du mouvement commence, en effet, à se moquer méchamment du poète qu’il appelle ironiquement « le grand pontife ». Il l’accuse d’être orgueilleux et de prendre des poses, dénonce le caractère ostentatoire de son attitude politique. Aussi se réjouit-il, le 10 janvier 1872, que Hugo soit battu aux élections par Vautrain, proche de Thiers. Voit-il dans le nom balzacien du vainqueur le symbole de la victoire du réalisme contre le romantisme ? Il ne va pas cesser de dire, dans ses articles, que le romantisme et Hugo appartiennent au passé. Après avoir éreinté Marie Tudor, à l’occasion de la reprise de la pièce en 1873, il attaque Quatrevingt-treize l’année suivante. En 1876, l’appel à l’amnistie des Communards par le sénateur Hugo et Le Rappel déclenchent sa fureur car, s’il a lui-même été pour l’amnistie en 1871, il considère à présent que cette revendication risque de troubler le calme instauré par le ministère Dufaure. Comme le fait remarquer Ripoll, Zola attaque sur le même plan l’homme politique et l’écrivain. Il commente ainsi le discours de Hugo aux obsèques de Frédérick Lemaître : « Ah ! tout cela est de la bien mauvaise politique, et il n’est plus certain que ce soit de la bonne poésie ! » (1.2.1876). En 1877 à l’occasion de la sortie de la Nouvelle Série de La Légende des siècles, Zola rend d’abord hommage au génie de Victor Hugo et à la place qu’il a occupée dans le siècle puis peu à peu entreprend une démolition du Victor Hugo philosophe, historien, romancier, et n’épargne pas le poète ; car si Zola accorde à Hugo qu’il est un grand poète lyrique – poncif de la critique qui continue encore à servir – il trouve que la Nouvelle Série de La légende des Siècles est de la fort mauvaise poésie, et il analyse, pour les dénigrer, « Petit Paul » et « L’Aigle du casque ». En fait, ce que reproche surtout Zola à Hugo et aux romantiques, c’est de ne pas vouloir s’effacer devant la nouvelle école, c’est-à-dire le naturalisme. Tout l’article dit en substance : « Vous avez fait votre temps, vous êtes encombrants, débarrassez-nous le plancher… ». Les derniers recueils ne seront pas mieux traités : « …Les Quatre Vents de l’Esprit, fait remarquer Arnaud Laster dans Pleins Feux sur Victor Hugo, jugés pourtant supérieurs » à ce que Zola appelle les « "ouvrages séniles du poète, Le Pape, La Pitié suprême, Religions et religions, L’Âne" sont considérés par Zola comme "faits avec des fond de tiroirs" ; et il parle d’une "humanitairerie finale de bon vieillard gâteux" » Je n’ai donné que quelques exemples de ces attaques de Zola contre Hugo de 1871 à 1883 et, encore une fois, je ne saurais trop recommander la lecture de l’article de Roger Ripoll qui cite abondamment les textes et en fait une analyse très pertinente. Les premières réactions de Hugo aux œuvres de Zola paraissent plutôt favorables. Le 4 avril 1868 – sans doute à cause des extraits de L’Homme qui rit et des commentaires publiés par Zola dans La Tribune – il envoie le premier volume de son roman au jeune écrivain avec cette dédicace : « A l’auteur de Thérèse Raquin, l’auteur de L’Homme qui rit ». La dédicace a pu sembler sommaire à certains, voire dédaigneuse ou désinvolte dans sa brièveté et son apparente indifférence. Pourtant, quand on y réfléchit bien, on peut en faire une tout autre analyse. Hugo, auteur confirmé de L’Homme qui rit, ne met-il pas le jeune débutant, auteur de Thérèse Raquin – roman que Zola lui a envoyé – sur le même plan que lui ? Le 21 mai 1869, il envoie à Zola La Voix de Guernesey avec une dédicace dont le caractère élogieux est cette fois incontestable : « À un robuste et noble esprit ». Le livre et la dédicace semblent une réponse à l’envoi par Zola de Madeleine Férat. Plus éloquente sera la lettre du 25 octobre 1871 écrite par le poète à propos de La Fortune des Rougon : Votre comédie est tragique. Je vous lis, mon éloquent et cher confrère, et je vous relirai. Le succès, c’est d’être lu ; le triomphe, c’est d’être relu. Vous avez le dessin ferme, la couleur franche, le relief, la vérité, la vie. Continuez ces études profondes./ Je vous serre la main. / Victor Hugo. Nous sommes loin, ici, d’un simple mot de courtoisie et les termes choisis par Hugo pour définir l’œuvre sont justes et précis et témoignent de son intérêt très vif pour le roman de ce jeune « confrère ». La « couleur franche » remarquée par Hugo annonce les couleurs plus violentes, rouges et noires, de L’Assommoir, le « dessin ferme », le refus d’un flou artistique, le besoin de montrer les êtres et les choses sans atténuer le trait, « le relief, la vérité, la vie », la volonté de se rapprocher du réel, de le donner à voir. L’Assommoir, qui commence à paraître en feuilleton en 1876, puis est publié en volume en 1877 lui fait, semble-t-il, une tout autre impression. Il faut dire qu’une partie de la gauche et des journaux républicains reprochent à Zola sa vision pessimiste d’un prolétariat passif, qui se vautre dans la débauche et ne fait rien pour échapper à sa condition. D’autre part, il est évident que Hugo a lu les articles de Zola contre lui. Le poète ne peut donc plus juger sereinement et objectivement son jeune confrère. On commence par rapporter des commentaires de Hugo dans un entretien – l’entretien était alors un genre tout nouveau. Cet entretien est le compte rendu d’une visite faite à Hugo par un rédacteur de la Withehall Review de Londres et reproduit par Le Figaro du 19 octobre 1879 sous le titre « La Presse étrangère : C’est à l’Angleterre que nous avons emprunté le nouveau mode de reportage qui consiste à trouver accès auprès des personnages politiques ou littéraires en renom, à les faire parler et à reproduire ensuite plus ou moins exactement leur conversation. L’application de ce procédé se fait depuis quelque temps avec une fécondité qui menace de devenir épidémique. Mais comme le public semble y prendre goût, on nous pardonnera de mettre sous les uploads/Litterature/ supreme-religions-et-religions-l-x27-ane-quot-sont-consideres-par-zola-comme-quot-faits-avec-des-fond-de.pdf
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- Publié le Dec 17, 2022
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