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« Dan Sperber. 2002. Il futuro della scrittura. Convegno virtuale “text-e” Home Dan Sperber. 2002. The future of writing. Virtual symposium “text-e” » Dan Sperber. 2002. L’avenir de l’écriture. Colloque virtuel ““text-e” Texte écrit en anglais, français et italien pour le colloque virtuel text-e, organisé par l’Association Euro-Edu, la Bibliothèque Publique d’Information du Centre Pompidou et la Société GiantChair, colloque consacré à explorer l’impact de l’Internet sur la lecture, l’écriture et la diffusion du savoir. Le colloque s’est déroulé du 15 octobre 2001 jusqu’à fin mars 2002; les débats peuvent être consultés sur le site du colloque ou dans Text-e: Le texte à l’heure de l’Internet, Gloria Origgi & Noga Arikha eds., 2003 Paris: Bibliothèque Publique d’Information. L’avenir de la lecture et de l’écriture Dan Sperber Si vous lisez ce texte, il est probable que vous vous servez avec la même facilité de la parole et de l’écrit. Vous et moi vivons dans un environnement où le langage est omniprésent sous la forme de stimuli acoustiques ou visuels. Chaque jour, nous traitons sans doute plus de texte écrit que de parole. Nous avons tendance à donner autant de valeur à notre capacité de lire et d’écrire qu’à des capacités perceptuelles et motrices plus fondamentales. Nous concevons l’écriture comme essentielle à la réalisation de soi. Nous oublions facilement que l’écriture est une invention récente dans l’histoire d’Homo sapiens, que le savoir lire et écrire pour tous est devenu un objectif il y a seulement quelques générations, et que cet objectif est loin d’être entièrement atteint. Même quand nous nous souvenons du fait que l’écriture est récente et que le savoir lire et écrire ne s’est répandu que tout dernièrement, nous ne doutons pas qu’ils sont là pour de bon. Mais est-ce bien le cas ? La thèse la plus sujette à controverses que je défendrai ici est qu’avec la révolution des technologies de l’information et de la communication, l’écriture pourrait bientôt n’être plus qu’une relique du passé, tandis que la lecture restera. Mon but, cependant, n’est pas de prophétiser, mais d’emprunter des moyens aux sciences cognitives et sociales pour mieux réfléchir sur l’avenir. Aussi provocante que soit la thèse que je défendrai, je dois souligner qu’une thèse encore plus radicale a ses défenseurs. Selon cette thèse l’écriture et aussi la lecture seront bientôt choses du passé, une paire encombrante de prothèses comportementales qui, rétrospectivement, apparaîtront comme une parenthèse dans l’histoire de l’humanité. C’est ce que soutient en particulier William Crossman qui écrit : « En nous donnant accès par la parole et par l’ouïe aux informations enregistrées, les ordinateurs parlant nous permettront enfin de remplacer toute la langue écrite par la langue parlée. Nous serons capables d’enregistrer et de récupérer l’information simplement en parlant, en écoutant et en regardant des graphiques, mais pas des textes. Avec ce pas de géant en avant vers le passé, nous sommes sur le point de recréer une culture orale sur des bases technologiques plus efficaces et plus fiables » (dans “The coming age of talking computers” The Futurist, Déc. 1999). Je soutiendrai cependant qu’il existe une asymétrie pertinente entre l’écriture et la lecture qui devrait assurer la survie de cette dernière. Le passé et le présent Avant de scruter l’avenir, un regard sur le passé et le présent. Dans la plupart des sociétés humaines ayant jamais existé, les enfants sont devenus des adultes compétents sans l’aide d’aucune éducation formelle. Ils y ont acquis une langue, la connaissance de leur environnement naturel et social, des techniques, un savoir-vivre, des contes, des chants, et d’autres compétences culturelles sans école ni enseignement organisé. Ils ont sans doute été aidés par des adultes et par d’autres enfants qui leur ont donné des conseils et qui ont corrigé leurs erreurs, mais ce genre d’assistance pédagogique est très différent de toute éducation institutionnelle. L’éducation institutionnelle sert typiquement à transmettre des savoirs et des compétences qui ne sont presque jamais acquis par un processus spontané, et qui donc, si on ne les enseignait pas systématiquement, sans doute ni n’émergeraient ni ne se stabiliseraient comme des ingrédients de la culture. Il y a un contraste frappant entre l’acquisition du langage et celui de l’écriture. Dans des conditions ordinaires, le langage est spontanément acquis par le très jeune enfant. Le soutien pédagogique des adultes (qui fait presque entièrement défaut dans certaines sociétés) joue au mieux un rôle marginal. L’acquisition de l’écriture et de la lecture en revanche consiste en un processus long et intensif d’entraînement délibéré en interaction avec un maître. Est-ce parce que les systèmes d’écriture Dan Sperber — Dan Sperber. 2002. L’avenir de l’écriture. Col... http://www.dan.sperber.fr/?p=77 1 of 7 20/11/13 19:16 sont plus complexes que les langues parlées ? C’est le contraire. Une langue comme l’anglais, l’amharique ou le chinois est un objet bien plus complexe qu’un système d’écriture alphabétique, syllabique ou même logographique. En fait, les linguistes ne sont pas encore parvenus à donner une grammaire complètement explicite d’aucune langue humaine, tandis que les systèmes d’écriture comportent, eux, des règles entièrement explicites. Cette remarquable différence entre l’acquisition du langage d’une part et de l’écriture d’autre part tient à des prédispositions psychologiques : les humains sont prédisposés à acquérir spontanément la langue de leur communauté. Ils n’ont aucune prédisposition à acquérir l’écriture. Ce sont les systèmes d’écriture qui ont dû s’adapter plutôt à des dispositions perceptuelles et motrices qui avaient émergé bien avant l’invention de l’écriture. Comment se fait-il, dans ces conditions que des systèmes d’écriture soient apparus et se soient répandus et stabilisés ? L’écriture n’a pas été d’emblée ce composant de la culture commune qu’elle constitue désormais dans les sociétés modernes. Elle a été d’abord un savoir-faire spécialisé pratiqué par des scribes professionnels au service de l’État. De tels savoir-faire spécialisés émergent lorsque la demande pour les produits de ces savoir-faire est assez forte et entraîne la constitution d’un groupe de spécialistes (soit parce qu’ils y sont économiquement motivés, soit parce qu’ils y sont contraint par les utilisateurs finaux de leurs produits). Les difficultés cognitives que peut comporter l’acquisition de ces savoir-faire professionnels sont surmontées, à l’intérieur du petit groupe de spécialistes, par un investissement important dans la formation d’apprentis. L’enseignement du savoir-faire devient typiquement la matière d’un savoir-faire didactique de second ordre. L’accumulation et la diversification de textes écrits rendues possibles par le développement de l’écriture et les transformations économiques et politiques associées ont rendu les coûts impliqués dans l’acquisition de l’écriture et de la lecture inférieurs aux bénéfices de cette acquisition pour une proportion croissante de la population. Dans les sociétés modernes, les bénéfices sont plus grands que les coûts pour la majorité, et l’analphabétisme est devenu quelque chose de honteux et donc un coût en lui-même. Il y a un autre facteur important qui contribue à expliquer la généralisation de l’écriture et de la lecture. Une fois le savoir-faire véritablement acquis, écrire devient un genre d’automatisme : on peut écrire sans prêter aucune attention consciente aux mouvements de sa main (et cela est vrai aussi de la dactylographie). De même, pour le vrai lecteur, la lecture est un genre de reconnaissance visuelle automatique de formes parmi d’autres. Les premières formes d’écriture, comme l’écriture cunéiforme des Sumériens avec ses matériaux et ses instruments encombrants, ne permettaient pas le même degré d’automatisme. Deux faits expliquent ainsi le succès de l’écriture : le fait que les bénéfices sont devenus, pour un nombre croissant de personnes, plus grand que les coûts, et le fait que, une fois payé les coûts initiaux d’acquisition du savoir-faire, les coûts d’utilisation du savoir-faire acquis sont comparativement négligeables. Ces deux faits sont liés. Si la distribution des coûts et des bénéfices était plus également répartie dans le cours de la vie, ou, en d’autre termes, si les coûts marginaux de l’écriture et de la lecture ne s’effondraient pas une fois la compétence vraiment acquise, on lirait et on écrirait beaucoup moins (telle était d’ailleurs la situation quand on écrivait sur la pierre ou la glaise). Avec un usage moins fréquent de la lecture et de l’écriture, il y aurait moins d’écrits à lire et moins de personnes disposés à les lire. Les bénéfices de l’écriture et de la lecture en seraient d’autant diminués, et pourraient ne plus en justifier les coûts, si ce n’est pour un petit groupe de scribes professionnels. Ce qui se passe en fait, c’est qu’une fois maîtrisées, l’écriture et la lecture sont généralement profitables. Plus grand est le nombre de gens qui lisent et écrivent, plus il est avantageux de le faire soi-même, et plus grande est la motivation pour faire apprendre le savoir-faire à ses enfants. Dans ces conditions, comment l’avenir de l’écriture et de la lecture pourrait-il être incertain ? C’est, en un mot, qu’écrire n’est pas la seule façon de produire des écrits. Il y a peu encore, bien des gens riches ou puissants préféraient dicter à un secrétaire plutôt qu’écrire eux-mêmes. Certaines œuvres littéraires ou historiques comme le Paradis Perdu de Milton ou le Mémorial de Saint Hélène de Las Cases et Napoléon ont été dictées. Il peut uploads/Litterature/ sperber-l-x27-avenir-de-l-x27-ecriture-pdf.pdf
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- Publié le Nov 01, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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