Séquence 1 Séquence 1 : : lecture analytique de Rousseau, lecture analytique de

Séquence 1 Séquence 1 : : lecture analytique de Rousseau, lecture analytique de Rousseau, extrait des Confessions extrait des Confessions « « Je déclare à la face du ciel que j’en étais innocent… Je déclare à la face du ciel que j’en étais innocent… » » Texte Texte : : « Je déclare à la face du ciel que j’en étais innocent… » J’étudiais un jour seul ma leçon dans la chambre contiguë à la cuisine. La servante avait mis sécher à la plaque les peignes de Mlle Lambercier. Quand elle revint les prendre, il s'en trouva un dont tout un côte de dents était brisé. A qui s'en prendre de ce dégât ? Personne autre que moi n’était entré dans la chambre. On m'interroge ; je nie d'avoir touché le peigne, M. et Mlle Lambercier se réunissent, m’exhortent, me pressent, me menacent ; je persiste avec opiniâtreté. Mais la conviction était trop forte remporta sur toutes mes protestations, quoique ce fût la première fois qu’on m’eût trouvé tant d'audace à mentir. La chose fut prise au sérieux; elle méritait de l'être. La méchanceté, le mensonge l'obstination parurent également dignes de punition : mais pour le coup ce ne fut pas par Mlle Lambercier qu'elle me fut infligée. On écrivit à mon oncle Bernard ; il vint. Mon pauvre cousin était chargé d'un autre délit non moins grave : nous fûmes enveloppés dans la même exécution. Elle fut terrible. Quand, cherchant le remède dans le mal même, on eût voulu pour jamais amortir mes sens dépravés, on n'aurait pu mieux s'y prendre. Aussi me laissèrent-ils en repos pour longtemps. On ne put m'arracher l'aveu qu'on exigeait. Repris à plusieurs fois et mis dans l’état le plus affreux, je fus inébranlable. J'aurais souffert la mort et j'y étais résolu. Il fallut que la force même cédât au diabolique entêtement d'un enfant ; car on n'appela pas autrement ma constance. Enfin je sortis de cette cruelle épreuve en pièces, mais triomphant. Il y a maintenant prés de cinquante ans de cette aventure, et je n’ai pas peur d'être aujourd'hui puni derechef pour le même fait. Hé bien ! Je déclare à la face du ciel que j'en étais innocent, que je n'avais ni cassé ni touché le peigne, que je n'avais pas approché de la plaque, et que je n'y avais pas même songé. Qu'on ne me demande pas comment ce dégât se fit; je l'ignore, et ne puis le comprendre : ce que je sais très certainement, c'est que j'en étais innocent. Qu'on se figure un caractère timide et docile dans la vie ordinaire, mais ardent, fier, indomptable dans les passions ; un enfant toujours gouverné par la voix de la raison, toujours traité avec douceur, équité complaisance ; qui n'avait pas même l'idée de l'injustice, et qui, pour la première fois, en éprouve une si terrible, de la part précisément des gens qu'il chérit et qu'il respecte le plus. Quel renversement d'idées ! Quel désordre de sentiments ! Quel bouleversement dans son cœur, dans sa cervelle dans tout son petit être intelligent et moral ! Je dis, qu'on s'imagine tout cela, s'il est possible ; car pour moi, je ne me sens pas capable de démêler, de suivre la moindre trace de ce qui se passait alors en moi. Je n'avais pas encore assez de raison pour sentir combien les apparences me condamnaient, et pour me mettre à la place des autres. Je me tenais à la mienne, et tout ce que je sentais, c'était la rigueur d'un châtiment effroyable pour un crime que je n'avais pas commis. La douleur du corps, quoique vive, m'était peu sensible, je ne sentais que l'indignation, la rage, le désespoir. Mon cousin, dans un cas à peu près semblable, et qu'on avait puni d'une faute involontaire comme d'un acte prémédité, se mettait en fureur à mon exemple, et se montait, pour ainsi dire, à mon unisson. Tous deux dans le même lit nous nous embrassions avec des transports convulsifs, nous étouffions ; et quand nos jeunes cœurs un peu soulagés pouvaient exhaler leur colère, nous nous levions sur notre séant, et nous nous mettions tous deux à crier cent fois de toute notre force : Carnifex, Carnifex, Carnifex. Je sens en écrivant ceci que mon pouls s'élève encore ; ces moments me seront toujours présents quand je vivrais cent mille ans, Ce premier sentiment de la violence et de l'injustice est resté si profondément gravé dans mon âme, que toutes les idées qui s'y rapportent me rendent ma première émotion ; et ce sentiment, relatif à moi dans son origine, a pris une telle consistance en lui-même, et s'est tellement détaché de tout intérêt personnel, que mon cœur s'enflamme au spectacle ou au récit de toute action injuste, quel qu'en soit l'objet et en quelque lieu qu'elle se commette, comme si l'effet en retombait sur moi. Quand je lis les cruautés d'un tyran féroce, les subtiles noirceurs d'un fourbe de prêtre, je partirais volontiers pour aller poignarder ces misérables, dussé-je cent fois y périr. Je me suis souvent mis en nage, à poursuivre à la course ou à coups de pierre un coq, une vache, un chien, un animal que j'en voyais tourmenter un autre, uniquement parce qu'il se sentait le plus fort Ce mouvement peut m'être naturel, et je croîs qu'il l'est ; mais le souvenir profond de la première injustice que j'ai soufferte y fut trop fortement lié pour ne l'avoir pas beaucoup renforcé. Rousseau, Les confessions, Livre I. Réf Réf : p.1, texte 3 : p.1, texte 3 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 Auteur Auteur : : Jean-Jacques Rousseau (1712 – 1778) Jean-Jacques Rousseau (1712 – 1778) : : - - Ecrivain et philosophe genevois de langue française, auteur des Confessions, l’une des principales figures Ecrivain et philosophe genevois de langue française, auteur des Confessions, l’une des principales figures du siècle des lumières. Né dans la république calviniste de Genève, Rousseau perd sa mère quelques jours du siècle des lumières. Né dans la république calviniste de Genève, Rousseau perd sa mère quelques jours après sa naissance. Il commença un apprentissage de graveur mais s’enfui à seize ans chez Mme de Warens après sa naissance. Il commença un apprentissage de graveur mais s’enfui à seize ans chez Mme de Warens qui devient sa maîtresse. A trente ans, il se rend à Paris pour y gagner sa vie en tant que maître de musique, qui devient sa maîtresse. A trente ans, il se rend à Paris pour y gagner sa vie en tant que maître de musique, copiste et secrétaire particulier. Il rédige par la suite des articles sur la musique pour l’encyclopédie. copiste et secrétaire particulier. Il rédige par la suite des articles sur la musique pour l’encyclopédie. Thérèse Levasseur devient sa compagne en 1745 avec qui il eut cinq enfants. La vocation littéraire de Thérèse Levasseur devient sa compagne en 1745 avec qui il eut cinq enfants. La vocation littéraire de Rousseau ne survient qu’en 1749, puis remporta un prix qui le plaça au centre des cercles intellectuels. Rousseau ne survient qu’en 1749, puis remporta un prix qui le plaça au centre des cercles intellectuels. L’ouvrage « L’ouvrage « Emile ou de l’éduction Emile ou de l’éduction » écrit en 1762 est condamné par le parlement, il mena une vie errante » écrit en 1762 est condamné par le parlement, il mena une vie errante pendant huit ans pour échapper à son arrestation. Il rencontrera en Angleterre un philosophe David Hume. pendant huit ans pour échapper à son arrestation. Il rencontrera en Angleterre un philosophe David Hume. - Certains de ces livres paraîtront qu’après sa mort. Rousseau était considéré comme un précurseur du - Certains de ces livres paraîtront qu’après sa mort. Rousseau était considéré comme un précurseur du romantisme en raison du caractère révolutionnaire de ses idées. romantisme en raison du caractère révolutionnaire de ses idées. Œuvre Œuvre : : Le livre I, est une œuvre autobiographique paru en 1782 (1789 pour le second livre). Ce texte est Le livre I, est une œuvre autobiographique paru en 1782 (1789 pour le second livre). Ce texte est l’épisode des peignes. C’est un texte clef. C’est la découverte de l’injustice et de la cruauté des adultes. l’épisode des peignes. C’est un texte clef. C’est la découverte de l’injustice et de la cruauté des adultes. C’est d’abord un texte très représentatif de la manière utilisé par Rousseau pour écrire C’est d’abord un texte très représentatif de la manière utilisé par Rousseau pour écrire Les Confessions Les Confessions. En . En effet c’est un récit mené avec vivacité, avec de nombreux détails, suivit de plusieurs passages d’analyse, de effet c’est un récit mené avec vivacité, avec de nombreux détails, suivit de plusieurs passages d’analyse, de fonctions différentes et d’analyse plus développées. fonctions différentes et d’analyse plus développées. - Le texte permet de percevoir la spécificité de l’écriture autobiographique - Le texte permet de percevoir la spécificité de l’écriture autobiographique uploads/Litterature/ seq1-txt03-rousseau-confessions.pdf

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