PIERRE DE RONSARD (1524-1585) Poème: « Quand vous serez bien vieille » Explicat

PIERRE DE RONSARD (1524-1585) Poème: « Quand vous serez bien vieille » Explication de texte INTRODUCTION Situation Le poème qui nous intéresse est extrait d’un recueil intitulé Sonnets pour Hélène, écrit suite à la rencontre à la cour d’Hélène de Surgères. Forme Il s’agit d’un sonnet traditionnel de 14 vers qui se compose d’alexandrins (ABBA ABBA CC DEED). Sujet : Ronsard évoque le « dédain » de la dame et profite de ce thème amoureux classique pour parler du temps qui passe. Il se présente également en poète virtuose et profite du sonnet pour célébrer la poésie. En effet, la jeunesse et la vie passent, mais la poésie est immortelle. Nous verrons donc comment ce sonnet présente d’abord un tableau nostalgique et réaliste de la vieillesse tout en étant une déclaration d’amour originale et enfin comment il constitue une célébration de la poésie. Nous avons donc annoncé le plan suivant: I. Un tableau nostalgique et réaliste de la vieillesse II. Une déclaration d’amour originale III. Célébration et immortalité de la poésie ANALYSE DU TEXTE I. Un tableau nostalgique et réaliste de la vieillesse 1. La projection dans le futur Le poète se projette dans le temps : le premier quatrain est une description de la vie monotone d'une femme âgée. Le poète insiste sur l'âge (« bien vieille ») et les occupations calmes de la femme en question (« dévidant et filant » ; les participes présents créent un rythme lent). L'évocation de la fin de journée (« au soir ») fait penser à la fin de la vie. L'opposition futur / passé (« serez », « direz » / « célébrait » (la femme était la muse du poète), « j'étais ») souligne la différence entre la beauté (propre à la jeunesse) et la vieillesse. 2. Evocation de la vieillesse et la mort Le premier tercet et le premier vers du second tercet opposent la mort du poète (champ lexical de la mort : « sous la terre », « fantôme », « sans os » et « repos ») et la vieillesse d'Hélène qui regrettera de ne pas l'avoir aimé (« regrettant [...] votre fier dédain »). La succession de rimes pauvres dans le sizain final accentue la triste réalité de la mort. II. Une déclaration d'amour particulière 1. Une image peu flatteuse de la femme aimée Le poète n'hésite pas à évoquer la vieillesse de manière cruelle. Sa beauté est passée. Ce sonnet a été écrit pour Hélène, or il ne cherche pas à la célébrer mais lui renvoie plutôt une image peu flatteuse d'elle-même. Sa beauté n'apparaît qu'à l'imparfait : "Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle" (v.4). Son dédain. Au moral non plus, Hélène n'est pas célébrée. Son attitude en face de Ronsard est évoquée pour être regrettée. Elle apparaît en effet dans une attitude de dédain en face de l'amour qui lui est offert " regrettant mon amour et votre fier dédain " (v.12). Sa vieillesse, non sans une certaine cruauté, Ronsard préfère envisager l'heure des souvenirs mélancoliques. A deux reprises, il se plait à faire envisager à Hélène sa vieillesse : " Quand vous serez bien vieille " (v.1), " vous serez au foyer une vieille accroupie " (v.11). 2. Nostalgie de l’amour perdu (amour célébré dans le regret et la nostalgie) - Regret (passé « me célébrait » + « regrettant mon amour ») - Verbes impératifs : Vivez, n’attendez, cueillez  urgence de profiter du temps présent. - Métaphore finale : « cueillez les roses de la vie »  éphémère 3. Un amant narcissique On remarque qu'Hélène, contrairement au poète (qui se nomme ; abondance des pronoms personnels de la première personne et des possessifs), n'est jamais citée. Du coup, le poète semble un peu narcissique (il fait même parler sa bien-aimée au vers 4 et évoque sa célébrité au vers 5 : Ronsard est également connu de la servante). III. Célébration et immortalité de la poésie 1. La présence du poète (rappel et transition avec ce qui précède) D'une part, Ronsard se consacre à peu près autant de vers qu'à Hélène. Dautre part, il a soin de ne pas se mettre en scène au moment crucial de sa vieillesse. De plus, alors qu'Hélène n'a pas droit à être nommée dans ce poème (elle n'acquerra ce droit que si elle cède à l'amour de Ronsard), le poète se cite deux fois. Enfin, les seules rimes riches que nous trouvons dans le sonnet appartiennent à des vers évoquant Ronsard et établit un contraste entre la monotonie de la vie et l’ennui (« sommeillant ») à l’effet revitalisant d’un poète déjà mort (« réveillant »). La poésie non seulement immortalise, mais aussi rend à la vie, réveille. 2. Une mort très douce  Utilisation de la l’euphémisme (v.9 et v.10). Atténue la réalité de la mort. Plus que sa vieillesse, c'est son fantôme qu'il met en scène et sa mort même semble légère. Là où Hélène était accroupie, Ronsard se repose parmi des arbres symboles de la gloire. Certes le poète meurt, mais il continue à vivre dans les mémoires. Chacun sur terre se souvient de lui, Hélène bien sûr : " Direz chantant mes vers " (v.3) mais encore l'ensemble de ses servantes se souviennent de Ronsard. L'expression " lors vous naurez servante " (v.5) a un caractère absolu. Elle signifie toutes les servantes. Ronsard est au cœur du dialogue qu'il imagine entre Hélène et ses servantes, et c'est la force de son seul nom qui les tire de leur sommeil. 3. La gloire du poète L'orgueil du poète ici ne manque pas de finesse puisqu'il envisage sa gloire pour la faire rejaillir sur Hélène : " bénissant votre nom de louange immortelle " (v.8). Ne pouvant plus célébrer Ronsard mort, la servante transfère son admiration à celle qui lui a inspiré des poèmes, ce qui permet à Ronsard, écrivain de ce texte, de célébrer Hélène. Ainsi Ronsard a vaincu la mort. Au nom de la poésie Hélène devrait donc répondre de son amour : " Vivez si m'en croyez, n'attendez à demain ". CONCLUSION Ce poème peut faire penser à une fable en raison des allusions à la mythologie et à la présence d’une morale. Il s’agit donc bien d’inscrire le sonnet dans un héritage littéraire. La poésie et le poète y sont célébrés autant que la femme aimée. La déclaration d’amour est un peu particulière dans la mesure où elle se fait sur le mode négatif du regret et prépare la chute finale : il faut profiter de la vie. Pour Ronsard, seule l’écriture poétique permet de garder le souvenir et donc d’immortaliser l’amour. QUAND VOUS SEREZ BIEN VIEILLE Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle, Assise auprès du feu, dévidant et filant, Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant : Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle. Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle, Déjà sous le labeur à demi sommeillant, Qui au bruit de mon nom ne s'aille réveillant, Bénissant votre nom de louange immortelle. Je serai sous la terre et fantôme sans os : Par les ombres myrteux je prendrai mon repos : Vous serez au foyer une vieille accroupie, Regrettant mon amour et votre fier dédain. Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain : Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie. Sonnets pour Hélène, 1587WHEN YOU ARE TRULY OLD When you will be truly old, at evening, by the candle, Sat with the fire, unwinding and spinning, You will say, singing my verses, in filling you with wonder: Ronsard celebrated me the time that I was beautiful. Then, you will not have servant hearing such news, Already under the toil to half dozing, That to the noise of my name not go itself awakening, Blessing your name of immortal praise. I will be under the earth and ghost without bone: By the myrtles' shadows I will take my rest: You will be at the home an old squatting one, Regretting my love and your trust to scorn. Live, if you believe me of it, do not await to tomorrow: Gather as early as today the roses of life. Sonnets for Helen. 1587 uploads/Litterature/ ronsard.pdf

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