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1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze Revue de l'association française de recherche sur l'histoire du cinéma 73 | 2014 Varia Une amitié en cinéma : Amédée Ayfre et André Bazin A friendship in film: Amédée Ayfre and André Bazin Philippe Roger Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/1895/4830 DOI : 10.4000/1895.4830 ISSN : 1960-6176 Éditeur Association française de recherche sur l’histoire du cinéma (AFRHC) Édition imprimée Date de publication : 1 septembre 2014 Pagination : 80-99 ISBN : 978-2-37029-073-1 ISSN : 0769-0959 Référence électronique Philippe Roger, « Une amitié en cinéma : Amédée Ayfre et André Bazin », 1895. Mille huit cent quatre- vingt-quinze [En ligne], 73 | 2014, mis en ligne le 01 septembre 2017, consulté le 23 septembre 2019. URL : http://journals.openedition.org/1895/4830 ; DOI : 10.4000/1895.4830 © AFRHC L’abbe ´ Ame ´de ´e Ayfre sur le plateau de Te ´le ´-Paris, le 16 de ´cembre 1958 (avec l’animateur Jacques Chabannes et l’artiste Elvire Jan) 80 Une amitie ´ en cine ´ma : Ame ´de ´e Ayfre et Andre ´ Bazin par Philippe Roger On connaı ˆt mal la nature des relations que noue `rent Andre ´ Bazin et l’abbe ´ Ame ´de ´e Ayfre apre `s une premie `re rencontre en 1949 qui se re ´ve ´la de ´cisive pour leur amitie ´ de neuf anne ´es. La figure d’Ayfre s’est quelque peu estompe ´e en de ´pit de la place qu’il a occupe ´e entre 1949 et 1964 ; au mieux l’envisage-t-on comme un disciple de Bazin quand ce n’est pas un imitateur. C’est pourquoi les vingt lettres que Bazin adressa a ` Ayfre (conserve ´es dans les papiers de ce dernier 1 et que nous publions dans ce nume ´ro en rubrique Archives), comme l’examen des agendas de l’abbe ´, sont de nature a ` enrichir la connaissance des deux hommes. Mais elles viennent aussi bouleverser l’image simpliste qu’on a de leurs relations : elles se re ´ve `lent faites de proximite ´ de pense ´e et de conviction et aussi d’e ´changes mutuels, la formation philosophique de l’abbe ´ apportant a ` Bazin ce qu’il reconnaı ˆt lui « manquer ». Cette correspondance Bazin-Ayfre (dont les courriers d’Ayfre ne nous sont malheureusement pas parvenus) voudrait ainsi contribuer a ` une meilleure connaissance d’un aspect de l’histoire de la critique de cine ´ma en France. Ces vingt lettres se trouvent re ´parties de fac ¸on presque constante, de 1949 a ` 1958. Pe ´riode de ´cisive pour la cine ´philie franc ¸aise en ge ´ne ´ral, et pour Andre ´ Bazin en particulier (cette de ´cennie correspond a ` sa grande e ´poque, depuis sa participation au Festival du film maudit de Biarritz jusqu’a ` son de ´ce `s pre ´mature ´). Pour l’abbe ´ Ayfre, c’est aussi une pe ´riode essentielle : ce passionne ´ d’art moderne ne commence a ` e ´crire sur le cine ´ma qu’en 1949, a ` vingt-sept ans, faisant parvenir son tout premier texte a ` celui qu’il conside `re de ´ja ` comme son interlocuteur privile ´gie ´, son fre `re aı ˆne ´ en cine ´ma, un Bazin de trente-et-un ans, de ´part d’une amitie ´ profonde. Si cette correspondance permet d’approcher du critique et de l’homme Andre ´ Bazin, elle fera de ´couvrir a ` beaucoup la figure attachante d’Ame ´de ´e Ayfre. Attachante et oublie ´e : en 1997 son nom ne figure me ˆme pas dans le dictionnaire de Michel Ciment et Jacques Zimmer sur la critique de cine ´ma en France. Quant a ` la re ´e ´dition, en un volume, de textes d’Ayfre (Un cine ´ma spiritualiste) re ´unis en 2004 par Rene ´ Pre ´dal et pre ´face ´s par Henri Agel aux e ´ditions du Cerf, lieu historique d’e ´dition de la le ´gendaire anthologie des articles de Bazin, on ne peut pas dire qu’elle ait suscite ´ un vaste e ´cho. La correspondance Bazin-Ayfre va permettre des regards neufs, pour reprendre le titre d’un ce ´le `bre ouvrage auquel participa Bazin, sur ces deux grands critiques de l’apre `s-guerre, ces deux penseurs majeurs du cine ´ma, qui se re ´ve `lent si comple ´mentaires dans leur approche. On rappellera d’abord quelques lignes d’un autre grand critique, un certain Franc ¸ois Truffaut, te ´moin privile ´gie ´ de cette amitie ´ en cine ´ma. En 1967, lorsqu’un livre consacre ´ a ` l’abbe ´ Ayfre se pre ´pare, Truffaut e ´crit ces quelques lignes intitule ´es Reconnaissance : 1. Fonds Ayfre de ´pose ´ aux Archives de la CSS (Compagnie Saint-Sulpice), Paris. 81 E ´ TUDES 1 8 9 5 R E V U E D ’ H I S T O I R E D U C I N E ´ M A n o 7 3 A U T O M N E 2 0 1 4 J’ai rencontre ´ pour la premie `re fois l’homme doux et intelligent qu’e ´tait Ame ´de ´e Ayfre dans la maison d’Andre ´ Bazin qui e ´tait, lui aussi, doux et intelligent. Ce n’est pas seulement a ` cause de cela que chaque fois que je pense a ` l’ami que vous ce ´le ´brez, les deux visages d’Andre ´ Bazin et Ame ´de ´e Ayfre se surim- pressionnent devant mes yeux, mais aussi parce que tous les deux aimaient le cine ´ma, aimaient les gens, aimaient la vie. J’e ´prouve en pensant a ` eux une tristesse que le temps est impuissant a ` adoucir 2. Pour notre part, afin de pallier l’absence des lettres d’Ayfre a ` Bazin, nous avons donc puise ´ dans les agendas si pre ´cis d’Ame ´de ´e Ayfre 3, ces petits carnets qui prennent la forme d’un journal lapidaire, pour restituer le contrechamp du champ si vivant de cette belle correspondance. Ayfre ne croisa la route de Bazin qu’a ` la fin de l’anne ´e 1949 ; il n’assista pas au mythique Festival du film maudit de Biarritz 4, ou ` Bazin prit une part de ´terminante. On notera, de fac ¸on emble ´matique, qu’au moment me ˆme ou ` Bazin anime les de ´bats du festival, Ayfre suit en Suisse, a ` l’universite ´ de Fribourg, en aou ˆt 1949, le cours d’Alphonse de Waelhens sur l’existentialisme ; professeur de philoso- phie a ` l’universite ´ de Louvain, de Waelhens, spe ´cialiste de Husserl et de Heidegger, ami de Maurice Merleau-Ponty, est l’une des grandes figures de la phe ´nome ´nologie. C’est le 27 octobre de cette anne ´e 1949 qu’Ayfre de ´couvre dans un cine ´ma parisien le film de Roberto Rossellini, Germania anno zero (Allemagne anne ´e ze ´ro), neuf mois apre `s sa sortie franc ¸aise. Dans la nuit, il e ´crit son premier essai sur le cine ´ma, qualifiant l’approche du cine ´aste italien de description phe ´nome ´nologique. Re ´dige ´ le 28 octobre, le papier est envoye ´ le 4 novembre a ` la Revue internationale du cine ´ma 5. C’est un mois plus tard, le 2 de ´cembre, qu’il le fait parvenir a ` Andre ´ Bazin par l’interme ´diaire de la revue Esprit, ou ` Bazin a publie ´ dans le nume ´ro de mai un article consacre ´ au film de Rossellini. Ce mois de novembre 1949 est de ´terminant pour Ame ´de ´e Ayfre. Il y fait plusieurs rencontres qui vont le marquer en profondeur : celles, en Sorbonne, de Gaston Bachelard (venant a ` son cours de rentre ´e du 16 novembre 6) et d’E ´tienne Souriau (qui deviendra son directeur dans ses recherches universitaires), celle enfin de Gabriel Marcel, figure de proue de l’existentialisme chre ´tien. Le 20 novembre, Ayfre assiste a ` la repre ´sentation de sa pie `ce Un homme de Dieu au the ´a ˆtre de l’Œuvre ; dix jours plus tard, le 30 novembre, il est pre ´sent a ` sa confe ´rence en Sorbonne consacre ´e au livre re ´cent de Virgil Gheorghiu, la Vingt-cinquie `me Heure qu’il a pre ´face ´. Ayfre entretiendra des rapports privile ´gie ´s avec le philosophe, et l’on sait que la dernie `re photographie d’Ayfre, devenue une ico ˆne, prise lors d’un colloque sur le Temps a ` Cerisy-la-Salle quelques jours avant sa mort en 1964, le montre en conversation avec Gabriel Marcel. Bachelard, Souriau, Marcel et Bazin : c’est le 21 de ´cembre 1949 que ce dernier re ´pond a ` l’abbe ´ Ayfre. Cette premie `re lettre est d’une grande importance. Bazin reconnaı ˆt d’emble ´e en Ayfre son fre `re 2. Franc ¸ois Truffaut, « Reconnaissance » dans Alain Bandelier et Patrick Giros, Ame ´de ´e Ayfre interpre `te de l’image, Paris, Fleurus, 1968, p. 59. 3. Fonds Ayfre. 4. Alors me ˆme qu’Ayfre se rendra re ´gulie `rement a ` partir de 1951 a ` l’universite ´ d’e ´te ´ d’Ustaritz, proche de Biarritz. 5. Revue internationale du cine ´ma, publication trimestrielle de l’Office Catholique International du Cine ´ma (OCIC). 6. Un autre futur critique de cine ´ma assiste au uploads/Litterature/ roger-p-une-amitie-en-cinema-amedee-ayfre-et-andre.pdf

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