Conserveries mémorielles Numéro #6 (2009) La Part de fiction dans les images do
Conserveries mémorielles Numéro #6 (2009) La Part de fiction dans les images documentaires ............................................................................................................................................................................................................................................................................................... Cécile Tourneur Les dispositifs de fiction cinématographique au sein du documentaire Récits d’Ellis Island, de Georges Perec et Robert Bober (1980) ............................................................................................................................................................................................................................................................................................... Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Cécile T ourneur, « Les dispositifs de fiction cinématographique au sein du documentaire Récits d’Ellis Island, de Georges Perec et Robert Bober (1980) », Conserveries mémorielles [En ligne], #6 | 2009, mis en ligne le 26 décembre 2009. URL : http://cm.revues.org/357 DOI : en cours d'attribution Éditeur : Chaire de recherche du Canada en histoire comparée de la mémoire http://cm.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://cm.revues.org/357 Document généré automatiquement le 15 novembre 2010. © Conserveries mémorielles Les dispositifs de fiction cinématographique au sein du documentaire Récits d’Ellis Islan (...) 2 Conserveries mémorielles, #6 | 2009 Cécile Tourneur Les dispositifs de fiction cinématographique au sein du documentaire Récits d’Ellis Island, de Georges Perec et Robert Bober (1980) 1 Entre 1978 et 1980, Robert Bober et Georges Perec réalisent Récits d’Ellis Island 1, un documentaire sur le centre de réception des émigrants venus de toute l’Europe dans la baie de New York, lieu symbole de l’exil, qui accueillit la plus grande vague d’immigration mondiale entre 1892 et 1954. Les deux parties de ce film, Traces et Mémoires, sont diffusées à la télévision française en novembre 1980 2. Nous sommes en face d’une œuvre cinématographique singulière, dont le caractère historique, incontournable, est perçu à travers le point de vue des deux auteurs-cinéastes et de leur quête autobiographique motivée par un questionnement sur leurs origines juives polonaises. Cela apparaît très clairement dans le texte écrit et lu par Georges Perec en voix off, notamment par l’utilisation de la première personne du pluriel « nous », ainsi que par le fait de décliner explicitement leurs identités : « Georges Perec et Robert Bober ». Leur but n’est pas l’exhaustivité (malgré le goût de Perec pour les énumérations) ni la rigueur historique (même s’ils y sont attachés), car ces deux aspects sont essentiellement pris en charge par le discours du guide d’Ellis Island, dont nous suivons la visite des bâtiments durant la première partie, Traces. L’objectif avoué de Perec et Bober est de proposer une approche personnelle de ce lieu qualifié par Perec – dans le texte qui accompagne les images filmées et qui fait sens avec elles – de « non-lieu, d’absence de lieu » et de poser un questionnement plus large sur la façon de comprendre et d’aborder certains lieux dits « de mémoire 3. » 2 Le rapport à l’Histoire, aux origines et à la mémoire, se traduisent cinématographiquement par les dispositifs de fiction pensés et mis en œuvre par les deux auteurs-cinéastes, qui participent à faire exister, au sein d’un documentaire, l’objet qu’ils ont souhaité filmer, notamment dans la première partie du film Traces. André S. Labarthe pointe ce procédé en invitant à une prise de « conscience du moment précis (…) où le spectateur va plonger dans un élément de fiction, et savoir qu’à tel moment on va utiliser tel ou tel élément pour le retirer de là par des effets documentaires » (Labarthe, 1992 : 184).La frontière entre documentaire et fiction est très souvent l’objet de discussions, de démonstrations, de manifestations, et de nombreux cinéastes ont contribué à montrer à quel point celle-ci pouvait être fragile et remise en cause. Pour ne prendre qu’un exemple, Labarthe, lors d’un entretien avec Jean-Louis Comolli en 1998, expose comment, selon lui, dès les premiers films des Frères Lumière, les rapports documentaire/ fiction sont déjà présents. Pour cela, il s’appuie sur La Sortie des Usines Lumière (1895) et sa seconde version (qu’il désigne comme le premier remake de l’histoire du cinéma). Dans ce dernier, les Frères Lumière ont dirigé l’action de telle sorte que celle-ci (de l’ouverture de la porte de l’usine à sa fermeture après le départ des ouvriers) corresponde parfaitement à la durée de la bobine. Labarthe souligne, à partir de cette observation, le besoin de fiction dans le documentaire dès les débuts du cinéma : « Je vois dans cette intervention le germe de tout le cinéma à venir. Les Frères Lumière ont dirigé une figuration. Direction d’acteurs, maîtrise calculée de l’espace et du temps : dès le premier film le cinéma a eu besoin de la fiction. » (Comolli / Labarthe, 1998 : 19-20) 3 Robert Bober dit lui-même, à propos de la différence entre fiction et documentaire : Les dispositifs de fiction cinématographique au sein du documentaire Récits d’Ellis Islan (...) 3 Conserveries mémorielles, #6 | 2009 « Je n’aime pas beaucoup l’idée que le documentaire ce serait le « cinéma du réel ». Il y a la même médiation du récit dans la fiction que dans le documentaire. » (Delage et Guigueno, 2004 : 252) 4 Si cette problématique est éminemment sous-jacente ici, l’attention sera particulièrement portée sur l’observation et l’analyse des limites du traitement documentaire dans la première partie de Récits d’Ellis Island, Traces, ayant pour objet un lieu historique et sur ce que peut apporter la fiction pour, comme le souligne Perec dans le commentaire, « aller-au-delà, aller derrière ». L’image documentaire prend comme référent le monde réel, une certaine réalité à un moment donné, mais par la démarche qui conduit à filmer cette réalité, celle-ci est forcément médiatisée et révèle le point de vue singulier d’un cinéaste. 5 De nombreuses études privilégient l’aspect historique et littéraire de Récits d’Ellis Island, en donnant notamment la parole à Perec et en resituant ce projet dans son œuvre, mais nous pouvons noter que Robert Bober intervient davantage sur l’aspect proprement cinématographique de Récits d’Ellis Island. Robert Bober, documentariste (Réfugié provenant d’Allemagne, apatride d’origine polonaise, 1975, En remontant la rue Vilin, 1992), devient romancier plus tardivement à partir des années 1990 (Quoi de neuf sur la guerre ? P.O.L 1993). Lorsque Perec se lance dans ce projet, il n’en est pas à sa première expérience cinématographique puisqu’il a déjà co-réalisé avec Bernard Queysanne Un homme qui dort en 1974, à partir de son roman éponyme (Denoël, 1967) et qu’il a réalisé Les lieux d’une fugue en 1976. Je m’appuierai aussi largement sur les propos de Robert Bober, cinéaste-écrivain, que sur ceux de Georges Perec, écrivain-cinéaste, afin d’aborder la question du « lieu de mémoire » : par leur approche d’abord et leur intérêt pour le quotidien à Ellis Island et ce, à partir de traces recueillies, observées, mais aussi à partir de l’imaginaire que cet endroit véhicule et provoque ; et à la mise en scène et en espace de l’objet photographie. Un lieu de mémoire pour une mémoire potentielle L’intention, la réalisation et sa réception 6 Nous pouvons dès à présent souligner les différences entre le projet tel qu’il a été conçu, l’œuvre aboutie ainsi que sa réception critique, grâce aux commentaires qu’elle a pu susciter après sa diffusion. Lors d’entretiens regroupés autour du thème « Les traces et la mémoire » (Beuchot…[et al.], 2003 : 9-73) confrontant l’historien Henry Rousso à trois cinéastes, parmi lesquels Robert Bober 4, celui-ci revient sur la façon dont a été pensée cette approche d’Ellis Island, lieu cristallisant à lui seul une part importante de l’Histoire des Etats-Unis. A la question posée par François Caillat : « Robert Bober, si on considère qu’Ellis Island est un lieu de mémoire, qu’est-ce que ça représente pour vous ? C’est votre lieu, ou le lieu des autres ? » (idem : 22) – qui met l’accent sur le problème d’appropriation par les auteurs d’un lieu par lequel ont transité des millions de personnes et leur légitimité à développer un discours personnel sur cette période historique – Robert Bober évacue très rapidement ce problème en répondant : « Avec Perec on ne s’est pas demandé si ce lieu est un lieu de mémoire. Je ne sais même pas si le lieu, ou le concept, nous est passé par la tête… » (Ibidem : 22) 7 Il faut préciser ici que cette notion de « Lieu de mémoire » a par ailleurs pris un sens particulier à partir de la publication en 1984 du premier tome des Lieux de Mémoire (La République) sous la direction de Pierre Nora, donc postérieurement à la réalisation et diffusion de Récits d’Ellis Island. Dans la présentation, puis l’introduction uploads/Litterature/ re-ussir-une-pre-sentation.pdf
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- Publié le Oct 19, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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