ALMA MATER STUDIORUM - UNIVERSITÀ DI BOLOGNA UNIVERSITÉ DE STRASBOURG Master Er
ALMA MATER STUDIORUM - UNIVERSITÀ DI BOLOGNA UNIVERSITÉ DE STRASBOURG Master Erasmus Mundus en Cultures Littéraires Européennes - CLE INTITULÉ DU MÉMOIRE PHILIPPE JACCOTTET ET LA PEINTURE DE GIORGIO MORANDI: POUR UNE EKPHRASIS DE L’INSAISISSABLE Présenté par Ilaria MADONNA Directeur Prof. Pascal DETHURENS Co-directeur Tesi di laurea in Prof. Stefano COLANGELO Metrics and contemporary verse theory 2013/2014 Master Erasmus Mundus en Cultures Littéraires Européennes – CLE ALMA MATER STUDIORUM - UNIVERSITÀ DI BOLOGNA UNIVERSITÉ DE STRASBOURG Master Erasmus Mundus en Cultures Littéraires Européennes - CLE INTITULÉ DU MÉMOIRE PHILIPPE JACCOTTET ET LA PEINTURE DE GIORGIO MORANDI: POUR UNE EKPHRASIS DE L’INSAISISSABLE Présenté par Ilaria MADONNA Directeur Prof. Pascal DETHURENS Co-directeur Tesi di laurea in Prof. Stefano COLANGELO Metrics and contemporary verse theory 2013/2014 1 All’amore della mia vita, alle possibilità, al senso di realtà (che è meraviglia). 2 INTRODUCTION Nous pouvons commencer notre mémoire en nous appuyant sur un fait étymologique. Nous parlerons des arts, des visions d’art d’un poète, des rencontres et échanges entre deux médiums différents. D’un côté les formes et les couleurs qui se déploient dans l’espace, de l’autre, les mots, lisibles et audibles, prenant corps dans le temps. Vision, écriture, pensée : ces termes ont, dans la tradition occidentale, toujours été très proches et échangeables. Examinons plus attentivement l’étymologie, l’histoire du verbe « voir ». Du latin « videre », il provient de la racine indo-européenne « vid » qui nous achemine vers une autre valeur, celle de « savoir », « distinguer », c’est-à-dire « voir avec les yeux de la pensée ». Pour aller encore plus loin, le mot grec « eidos », signifiant « voir » ou « apparaître », contient la racine « id », retrouvée dans les langues romanes, comme par exemple dans le mot « idée »1. Recevoir les images par la vue, regarder, observer, comprendre avec les yeux de l’esprit. Toutes ces expressions ont en effet la même origine. Pratiques visuelles et intellectuelles sont en dialogue continu, elles se complètent et se confondent. Comme nous le démontrerons dans ce mémoire, ce dialogue constant n’a jamais cessé d’exister et nous retrouvons dans la contemporanéité des exemples de valeur extraordinaire. Dans le mot « voir », on retrouve bien déjà une connotation épistémologique. En effet, le regard ne se suffit pas à lui-même. Dans son introduction du livre Le texte de l’œuvre d’art : la description, l’historien de l’art Roland Recht affirme : « Le regard n’est pas, on le sait, une donnée première : la description n’est pas le résultat de l’exercice du regard, mais c’est tout au contraire en faisant l’effort de la description qu’on finit par bien voir. En mobilisant conjointement les facultés visuelles et la capacité 1 Manlio Cortelazzo, Paolo Zolli, DELI : Dizionario etimologico della lingua italiana, Bologna, Zanichelli, 1999. 3 de trouver un équivalent linguistique à des formes plastiques, nous transformons l’œuvre d’art en objet de connaissance ».2 Afin d’être bien comprises, les facultés visuelles et l’action même d’observer et de voir requièrent une réflexion, une intériorisation dans un autre langage, celui de la pensée qui se concrétise dans l’écriture. En réalité, il s’agit d’une véritable traduction qui, dans le domaine littéraire, prend le nom de « description » ou, plus précisément, d’ekphrasis. Il s’agit donc, d’après Roland Recht, de « comprendre le sujet ». La description possède une forte connotation herméneutique dans la mesure où c’est le langage qui rend possible la compréhension d’une œuvre d’art. Ainsi, il n’est guère curieux de tenter de comparer ces deux formes par lesquelles la voix artistique s’exprime, la page écrite et la toile peinte. Dans notre cas, il s’agira de montrer comment l’ekphrasis, la description, ou mieux encore la traduction d’une œuvre d’art dialogue avec la littérature du XXe siècle ; comment la poésie contemporaine décrit la peinture, comment les poètes, par leur parole et leur sensibilité poétique, peuvent reproduire des touches et des couleurs. Plus spécifiquement, la question sur laquelle notre mémoire s’appuiera sera de prouver en quoi les proses de Philippe Jaccottet, un des plus célèbres poètes suisses, peuvent être considérées comme faisant partie de plein droit du genre de l’ekphrasis. Mais, avant tout, nous pouvons proposer une hypothèse que nous chercherons à résoudre au fur et à mesure de notre avancée dans ce mémoire. En lisant attentivement les textes poétiques et les proses de Philippe Jaccottet, nous nous rendons compte que son intérêt, sa fascination pour la peinture sont plutôt circonscrits et qu’il est attiré par deux ou trois thèmes picturaux sur lesquels il revient plusieurs fois. Ces thèmes pourraient être individualisés dans l’utilisation des couleurs et de la lumière. Si sa production poétique est en majorité dirigée vers des fragments de nature, de monde extérieur, vers les choses simples qui, selon le poète, cachent le secret de l’existence, dans sa réflexion sur l’art il s’adressera à ces peintres qui ont abordé des thèmes proches avec une méthode ou un style comparable à celui utilisé par Jaccottet dans sa poésie. Le poète, en effet, réfléchit sur le fait que la nature enferme une leçon ne pouvant être comprise 2 Roland Recht (études réunies par), Le texte de l’œuvre d’art : la description, Strasbourg, Presses Universitaires, Colmar, Musée d’Unterlinden, 1998, p. 11. 4 qu’obscurément, par tâtonnement, comme un souffle ou un murmure. Cette vérité, Jaccottet la retrouve dans les sites même, dans le monde, mais il entend aussi sa voix quand il regarde des œuvres où la lumière semble dévoiler un secret, transfigurer les choses ou, simplement, indiquer un chemin. De ce fait, il avoue subir la fascination de ces œuvres représentant les choses qui l’entourent, dépouillées de toute « figure », de toute présence humaine, parce qu’il les sent plus proches de sa sensibilité, aussi plus proches de ce qu’il appelle l’ « Origine », le mystère original caché sous les choses. Quantité de peintres répondent à cette recherche silencieuse et subtile. Chez Cézanne tout d’abord, mais aussi chez certains peintres contemporains, on retrouve la même attention envers ces thèmes et la même sérénité contemplative, par exemple dans l’œuvre de Gérard de Palézieux, Alexandre Hollan, Nasser Assar, Jean-Claude Hesselbarth et, naturellement, dans les aquarelles de sa femme Anne-Marie. Mais l’artiste auquel Jaccottet a dédié le plus de commentaires et qui l’a le plus inspiré, est certainement le peintre italien Giorgio Morandi, vers qui il « se dirige » en quelque sorte dans un essai, appelé Le bol du pèlerin, qui sera l’objet principal de notre mémoire. La question sera ici de se demander encore pourquoi le poète suisse se sent proche, dans sa réflexion poétique, de ces peintures du « presque rien », hors de tout genre et des mouvements artistiques, presque insaisissables. En lisant et en analysant attentivement le texte, nous pourrions retracer sa façon personnelle de concevoir l’ekphrasis. La finalité ne sera plus de limiter les écrits à la simple description ou imitation des peintures, mais de voir plutôt une intériorisation dans sa propre poétique de ces peintures, un étonnement qu’il veut essayer de comprendre, comme les raisons et le sens de cette émotion. Les œuvres d’art de Morandi deviennent un autre moyen afin de chercher à s’approcher de l’énigme, une fente sur le mystère des formes et des choses. Dans l’optique de ces objectifs, notre mémoire comportera trois chapitres. Dans le premier, plus théorique, nous approfondirons la notion d’ekphrasis en retraçant son évolution à partir de l’Antiquité, d’Homère, jusqu’au XXe siècle. Le point le plus intéressant pour nous sera de comprendre comment la modernité se pose par rapport à l’art 5 contemporain, et nous nous interrogerons sur la manière dont la littérature peut exprimer le peint lorsqu’on n’est plus face à une peinture figurative ou narrative. Par le deuxième chapitre, composé de trois parties, nous entrerons dans le vif de la problématique. La première partie cherchera à explorer les thèmes et les traces littéraires auxquelles l’auteur fait appel dans son œuvre, en cherchant à ne pas le délimiter à un seul genre, mais en proposant un parcours qui puisse appuyer notre propos. De plus, l’entreprise de saisir les contours de son art poétique pourrait nous éloigner de la volonté, plusieurs fois déclarée par notre auteur, de rester loin des définitions, des grandes vérités, des critiques ayant l’arrogance de vouloir « fixer les contours, d’en embrasser la totalité, d’en saisir l’essence », en privant la poésie « du mouvement et de la vie »3. La deuxième partie sera consacrée à un regard plus proche au rapport que Jaccottet a vécu avec la peinture, comment l’art l’a influencé dans ses choix poétiques et dans ses goûts. La place que l’art occupe dans la vie et l’œuvre de ce peintre est considérable et, à partir d’un entretien avec Sébastien Labrousse publié récemment, nous retrouverons les pistes de lectures que nous suivrons pour analyser le texte de référence de notre mémoire. En effet, la troisième partie sera dédiée à l’étude attentive de l’œuvre de Jaccottet Le bol du pèlerin, qui est en même temps une œuvre de poésie, un essai sur la peinture de Giorgio uploads/Litterature/ philippe-jaccottet-et-giorgio-morandi-po.pdf
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- Publié le Jul 24, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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