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Patrick Charaudeau - Livres, articles, publications http://www.patrick-charaudeau.com/Les-conditions-de-comprehension-du,62.html Les conditions de compréhension du sens de discours in Langage en FLE Texte et compréhension, Revue ICI et LÀ, Madrid, Soc. General Española de Librería Le thème de ce colloque — “Texte et compréhension” — exige que l’on ait à proposer une définition de ce qu’est le “texte” et une position quant à la façon de traiter le phénomène de la “compréhension”. Pour ce faire il faudrait passer en revue les différents définitions et points de vue qui courent dans notre vaste domaine scientifique psycho-socio-sémio-linguistique (de la psychologie cognitive à la linguistique du discours en passant par la sémantique cognitive, la sémiotique et une certaine sociolinguistique) sur ces deux réalités empiriques, et, comme pour la rédaction d’une thèse, en faire une critique raisonnée avant de présenter sa propre vision des choses. Loin de moi cette idée, dans le cadre d’une communication de colloque. Je voudrais seulement pointer les problèmes qui, de mon point de vue, se posent pour le traitement de chacune de ces deux questions : « qu’est-ce que le texte ? », « qu’est-ce que le problème de compréhension ? ». Pour le “texte”, il m’apparaît que depuis longtemps — je veux dire depuis au moins le temps de la Rhétorique — se pose le problème de savoir si le sens dont celui-ci est porteur (je ne touche pas ici à l’autre problème qui concerne les critères de segmentation du texte) existe en lui-même, indépendamment de ses conditions de production, ou au contraire s’il dépend intrinsèquement de celles-ci et donc de son producteur, le sujet parlant ou écrivant. Autrement dit, se pose le problème de savoir si l’on considère que le texte parle par lui-même ou s’il témoigne de la parole de quelqu’un. Roland Barthes, naguère, dans sa présentation du numéro 19 de la revue Communications consacré au “Texte” (1979) opposait le « ça parle » qui caractériserait un texte sans auteur au « je parle » qui serait le résultat de « cette longue opération à travers laquelle un auteur (un sujet énonciateur) découvre (ou fait découvrir au lecteur) l’irréparabilité de sa parole… » (p.5). J’aurais envie de dire pour ma part qu’un texte considéré hors de ses circonstances de production est en effet porteur de sens, mais d’un sens ouvert, pluriel, non encore domestiqué, témoignant de multiples voix (le “ça” de R. Barthes). En revanche, un texte considéré dans les circonstances qui l’ont produit est porteur de sens, encore pluriel, mais cette fois filtré, organisé, ordonnancé, bref domestiqué par le projet de parole de celui qui en est le géniteur (le “je” de R. Barthes). Dans le premier cas nous aurions affaire à du discours, nous serions en pleine “discursivité”, dans le second à un texte, nous serions en pleine “textualité”. S’agissant du phénomène de la “compréhension”, il m’apparaît que se pose un double problème : — d’une part se pose le problème qui consiste à se demander s’il existe, ou non, une structuration de la perception du monde avant la structuration linguistique, et donc une compréhension du monde indépendante du langage verbal. Autrement dit, si la transformation des perceptions sensorielles en représentations mentales à propriétés symboliques se fait indépendamment du langage verbal ou à travers celui-ci. Évidemment, même lorsque l’on met en regard les positions des psycho-cognitivistes et des sémanticiens cognitivistes celles-ci ne sont pas aussi tranchées, du moins dans les déclarations d’intention. Il n’empêche que quand on lit les travaux des uns et des autres, on voit bien, au-delà d’une certaine alliance objective, ce qui les sépare : d’un côté est visée une expérimentation qui cherche à neutraliser le plus possible les propriétés spécifiques au langage comme discours, pour rendre compte de propriétés cognitives générales, de l’autre est visée une description qui cherche à rendre compte des propriétés du langage pour lui-même [1]. — d’autre part se pose le problème qui consiste à se demander si le sens dont on rend compte lors de la description d’énoncés effectivement produits doit tenir compte, ou non, de la situation dans laquelle a été produit cet énoncé. Ce qui nous ramène à la problématique du “texte” ci-dessus évoquée, mais ici en termes légèrement différents : est-on fondé à procéder à une première analyse du “sens hors situation” avant d’en arriver à un “sens en situation”. Autrement dit : existe-t-il un sens de langue indépendant d’un sens de discours ? Les sciences du langage, qui au départ ne se posaient pas ce genre de problème (malgré la dichotomie “langue/parole” de Saussure, dans laquelle la “parole” a un statut d’extériorité par rapport à la langue, puisque celle-ci est complètement conformée avant son utilisation comme parole), se divisent sur ce point : celles qui étudient les systèmes de la langue dans leur conceptualisation, sans tenir compte des situations particulières de mise en discours — même lorsque ces systèmes sont étudiés dans une perspective pragmatique [2] —, celles qui étudient les relations entre les énoncés et les conditions sociales dans lesquelles ils ont été produits. Le débat sur ces deux questions est loin d’être clos, mais il me faut maintenant dire quelle est ma propre position dans celui-ci, position qui n’a que la force des postulats qui la sous-tendent. Le texte Le texte, sans préjuger de ce que pourrait être son unité ni ses critères de délimitation, est la résultante (au sens que la physique donne à ce terme) des diverses composantes d’un processus qu’on appelle processus de communication et qui consiste en une transaction de sens entre deux partenaires liés, en partie, par une même finalité actionnelle, ce qui me fait dire — avec d’autres [3] — que ce sens est le résultat d’une co-construction et qu’il ne se réalise pleinement que finalisé. Cette définition permet de proposer une première simulation de ce processus dans lequel chacun de ces partenaires joue un rôle qui lui est propre :  d’un côté un partenaire qui se trouve devant le problème d’avoir à signifier, à certaines fins, un monde à l’adresse d’un autre, en le configurant (sens-forme) à travers un acte de discours. Il s’agit d’un producteur-metteur en scène de sens. On l’appelle sujet communiquant.  de l’autre côté, un partenaire qui se trouve devant le problème d’avoir à reconnaître, à certaines fins, un monde déjà signifié par un autre, en le décryptant (forme-sens) à travers un acte d’interprétation. Il s’agit d’un récepteur-décrypteur. On l’appelle sujet interprétant. Cette première simulation correspond aux quatre principes sur lesquels repose le postulat d’intentionnalité, et que j’ai déjà défini par ailleurs [4], à savoir : le principe d’altérité qui pose que tout processus de communication se construit à travers une interaction (réelle ou supposée) entre deux partenaires, le principe d’influence qui pose que chacun de ces partenaires cherche à modifier les comportements ou les pensées de l’autre, le principe de régulation qui pose que chacun de ceux-ci doit gérer l’échange de manière à le rendre possible, enfin le principe de pertinence qui pose que les partenaires, pour rendre le processus valide, doivent avoir un certain savoir en commun. Ce sont ces quatre principes qui expliquent que l’on soit amené à définir le processus de communication en termes de “co-construction du sens” et de “sens finalisé”. Le texte, comme résultante, est donc une configuration de sens réalisée au terme du processus de communication ; il s’institue en objet de transaction dans un cadre d’intentionnalité qui détermine une finalité interactionnelle ; il est donc gros d’une part des “conditions de réalisation” de ce processus, lesquelles surdéterminent, en partie les deux partenaires (« ça parle »), d’autre part du “projet de parole” propre à chacun d’eux (« je parle »). Les opérations des sujets de la communication Dans une deuxième simulation j’essaierai de présenter les opérations de construction du sens auxquelles se livrent, chacun à sa façon, ces deux types de sujets. Le “sujet communiquant” Pour signifier le monde à l’adresse d’un autre, à certaines fins, on dira que le sujet communiquant doit intervenir dans deux espaces d’organisation du sens : un espace de “thématisation” et un espace de “relation”. a) Dans l’espace de “thématisation”, il se livre à plusieurs types d’opérations langagières qui consistent à rendre compte d’un mode d’existence des êtres du monde (opération d’identification), de leurs propriétés (opération de qualification), de leurs changements d’état (opération de représentation des faits et actions), de leur raison d’être et de faire (opération d’explication). Pour mettre en œuvre ces différentes opérations qui articulent sens et formes— c’est cela la “sémiotisation du monde” —, il lui faut : — d’une part, mobiliser le sens des mots et leurs règles de combinaison. Le sens des mots résulte d’un processus sémantico-cognitif d’ordre catégoriel qui consiste, dans un mouvement centripète de structuration du sens, à attribuer aux mots des traits distinctifs les caractérisant, étant donné le réseau de relations dans lequel ils se trouvent insérés. Cette activité classificatoire détermine les “instructions de sens” (ou, comme le propose F.Rastier-1991, les “molécules sémiques”) descriptives et fonctionnelles qui s’attachent aux mots selon un certain degré de “typicalité” [5]. Ainsi, en uploads/Litterature/ patrick-charaudeau.pdf

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