OuLiPo Ouvroir de littérature potentielle Mot « ouvroir » = atelier de travail,
OuLiPo Ouvroir de littérature potentielle Mot « ouvroir » = atelier de travail, lieu réservé à des ouvrages de couture dans une communauté féminine ; le terme est choisi non sans humour Ce groupe se propose d’expérimenter des formes littéraires nouvelles. Fondé en 1960 par Raymond Queneau et François le Lionnais. Il part de l’idée que toute poétique (ancienne et classique y comprises) est fondée sur des règles strictes. Les premiers travaux de littérature potentielle ont été publiés par le Collège de Pataphysique (mot créé par Alfred Jarry pour désigner la science des solutions imaginaires). Les oulipiens = « rats qui ont à construire le labyrinthe dont ils se proposent de sortir ». Ils organisent des conférences, des émissions télévisées ou radiophoniques, des stages de créativité. Ils refusent le hasard, l’inspiration « magique » et appliquent rigoureusement des règles qu’ils inventent eux-mêmes. Les représentants les plus connus et les correspondants à l’étranger sont : Georges Perec Jesn Lescure Italo Calvino Harry Mathews Jacques Roubaud Ross Chambers. Deux recueils importants : Bâtons, chiffres et lettres (1965) de R. Queneau et Oulipo, la Littérature potentielle (collectif, 1973). Un exemple magistral de littérature potentielle et combinatoire : R. Queneau, Cent Mille Milliards de Poèmes Stratégies et techniques pour la création de nouveaux textes littéraires: la méthode S plus n : consiste à remplacer dans un texte source chaque substantif par le énième substantif qui le suit dans un dictionnaire donné ; exemple : La Cigale et la Fourmi de La Fontaine devient chez R. Queneau La Cimaise et la Fraction la théorie des ensembles : faire des poèmes booléens, à métamorphose la théorie du ruban de Möbius (faces distinctes, bords distincts même après la coupure) : faire un texte selon la technique de la distorsion ; exemple : Ernest Vincent Wright, Gadsby, 1939. le lipogramme : consiste à rédiger un texte sans utiliser une ou plusieurs lettres de l’alphabet. Exemple tiré de l’Atlas de littérature potentielle (1981) La phrase proustienne « Longtemps je me suis couché de bonne heure. » devient en traductions lipogrammiques : sans A : Longtemps je me suis couché de bonne heure. sans I : Longtemps nous nous couchâmes de bonne heure. sans C : Longtemps je me mis au lit de bonne heure. sans S : Enfant, on me mettait au lit tôt. sans R : Longtemps je me suis couché à la tombée de la nuit (avec les poules). sans E : Durant un grand laps, on m’alita tôt, trop tôt pour moi. Une grande originalité présentent les textes combinatoires qui proposent au lecteur de choisir lui-même parmi une gamme de possibilités dans le développement d’une intrigue. Cette technique sera exploité dans les « livres dont vous êtes le héros ». Exemple : Un conte à votre façon de R. Queneau. Georges PEREC (1936-1982) Enfance placée sous le signe des disparitions ; fils unique de Juifs immigrés qui tenaient un salon de coiffure à Paris ; adopté à la Libération par une tante (Elise) et un oncle ; Se consacre corps et âme à l’écriture après des études d’histoire et de sociologie décousues ; poste temporaire de documentaliste dans la recherche médicale ; débuts littéraires difficiles Son premier roman : Les Choses (1965) – roman « sociologique » de facture flaubertienne, connaît un grand succès, couronné par le prix Renaudot. C’est une réécriture de L’Education sentimentale, c’est le roman d’une génération perdue qui se voie en proie de la société de consommation. Perec vit d’un salaire, des sommes dues à la création des mots croisés pour Le Point Personnalité pleine d’humour, généreuse et discrète Fin des années ’60 : consécration dans la vie littéraire parisienne Ses romans sont le résultat d’un pari qu’il se lance à lui-même : La Disparition – roman où manque la voyelle e ; Les Revenantes – roman où la seule voyelle employée est e ; La Vie mode d’emploi - roman-puzzle aux pièces disparates, dispersées, à reconstituer par le lecteur Travail d’orfèvre sur la langue, selon des règles, et des plans rigoureux : Perec – un grand virtuose de la langue française La Disparition roman lipogrammique ; disparition de la voyelle e ; la voyelle la plus utilisée de toute la langue française ; 315 pages sans E Le héros : Anton Voyl (Voyelle ?) disparaît brusquement ; il tombe dans le « trou » du chapitre 5 (5 = la place de la voyelle e dans l’alphabet ; ses amis se lancent à sa recherche, mais ils disparaissent mystérieusement ; le coupable est introuvable ; à la fin, on apprend qu’il peut être « un individu pourvu d’un poil châtain trop abondant, barbu mais point moustachu », Perec lui-même qui est assassin de ses personnages. Les Revenantes (1972) – récit ; antithèse de La Disparition ; c’est a qui sombre ; e revient en force ; texte en monovocalisme ; se lit comme un roman policier La Vie mode d’emploi (1978) 700 pages ; roman bâti comme le plan en coupe d’un immeuble ; 100 chapitres décrivent chacun une pièce ; au début de chaque chapitre, la description d’un lieu, des anecdotes tragiques ou cocasses ; le héros Winckler, faiseur de puzzles, sorte de double de l’auteur ; autour de lui gravitent artisans, savants, collectionneurs ; exemple : 60e chapitre : Cinoc, le « tueur des mots » (ce métier existait, dans chaque équipe de recherche il y avait qqn qui signalait les mots en voie de disparition) Un homme qui dort – court roman de début sur la dépression d’un jeune étudiant qui sombre dans sa chambre de bonne parisienne après avoir rompu tous les ponts avec les monde extérieur (ses copains de la faculté de sociologie par exemple). Le tableau des fantasmes et des songes déviants devient intéressant. Avènement du Postmodernisme – réconciliation entre l’illusion référentielle retrouvée et le jeu du langage, entre l’histoire et sa forme. La voyelle "e" est la lettre la plus utilisée en français. Georges Perec a décidé d'écrire un roman sans se servir de la lettre "e". Il s'impose une contrainte formelle titanesque : celle de produire une histoire équilibrée sans la lettre pivot de l`alphabet français. C'est un peu comme conduire une voiture sans les roues. Partant de cette situation, Georges Perec a d'une certaine manière inventé l'hélicoptère. L'essence première de cet appareil littéraire est la richesse de lexical de l'auteur. Risque et Réussite Le risque d'un pareil procédé est d'adopter un style heurté en remplaçant les mots proscrits par d'autres, moins adaptés. L'oulipien créatif réussit à faire couler sa prose sur plus de 300 pages et construit un récit habilement centré sur la disparition. Face à l'énormité de la contrainte, l'auteur a contourné ce qui paraissait infranchissable en innovant. Il transforme les expressions, tire la langue par les cheveux et crée ainsi un décalage humoristique plaisant. Ce livre sans "e", qui séduit par sa forme, nous attache également au fil de son enquête. L`absence de voyelle <<e>> Par l'occultation de cette voyelle, Georges Perec suggéra à ses lecteurs de ne pas prendre la lettre d'un texte — fut-elle absente — pour l'esprit de ce texte. Il s'agissait d'une invitation à lire autrement, de manière infra-textuelle. C'est également ce que pointe la célèbre citation, tirée du roman Michel Strogoff de Jules Verne, « Regarde de tous tes yeux, regarde », placée en tête de La Vie mode d'emploi. Il s'agit de ne pas perdre de vue le fil conducteur — le fil télégraphique coupé chez Verne. uploads/Litterature/ ou-li-po.pdf
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- Publié le Jul 29, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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