Aux racines du FN L ’histoire du mouvement Ordre nouveau Aux racines du FN. L’h

Aux racines du FN L ’histoire du mouvement Ordre nouveau Aux racines du FN. L’histoire du mouvement Ordre nouveau Préface de Jean-Yves Camus Nicolas Lebourg I Jonathan Preda I Joseph Beauregard Aux racines du FN L ’histoire du mouvement Ordre nouveau Nicolas Lebourg Jonathan Preda Joseph Beauregard Préface de Jean-Yves Camus AUX RACINES DU FN. L’HISTOIRE DU MOUVEMENT ORDRE NOUVEAU 3 S O M M A I R E Préface .......................................................................................... 5 Introduction ................................................................................. 11 Structurer l’extrême droite radicale ......................................... 17 Origines .................................................................................... 17 Structures ................................................................................. 28 Influences ................................................................................ 36 Entre subversion et contre-subversion ..................................... 47 Le modèle léniniste .................................................................. 47 Esthétique et actions ................................................................ 54 Subculture politique ................................................................. 62 La stratégie du Front national ................................................... 69 Une litanie d’échecs ................................................................. 69 Le processus de 1972 ................................................................ 77 Unité et instabilité .................................................................... 90 Violence et politique ................................................................... 97 L’activisme publicitaire ............................................................. 97 Une identité politique ................................................................ 103 Dissolutions .............................................................................. 108 Conclusion .................................................................................. 117 AUX RACINES DU FN. L’HISTOIRE DU MOUVEMENT ORDRE NOUVEAU 5 Préface Jean-Yves Camus Le texte qui suit arrive, d’une certaine manière, comme un rappel d’anniversaires importants dans l’histoire des droites radicales en France. Voici en effet quarante-cinq ans, à l’automne 1969, naissait le mouve- ment Ordre nouveau (ON), auquel revient l’idée initiale d’élargir l’assise électorale de l’opposition nationaliste au gaullisme en promouvant la création du Front national (FN), qui se concrétisera le 5 novembre 1972. Véritable colonne vertébrale idéologique et militante d’un FN dont Jean- Marie Le Pen n’était initialement que le président coopté, ON suivait depuis le départ sa voie propre, celle du nationalisme-révolutionnaire. Le projet frontiste n’était pour lui qu’une tactique susceptible de faire sortir l’extrême droite de la marginalité dans laquelle elle était enfermée, ou plutôt s’était enfermée depuis les années 1950, tout en assurant une base de repli à un groupe dont la surenchère activiste violente n’allait pas tarder à causer sa dissolution le 28 juin 1973. La rupture qui suivit entre les anciens cadres du mouvement et Jean-Marie Le Pen allait aboutir le 5 novembre 1974, il y a donc juste quarante ans, à la fondation d’un Parti des forces nouvelles (PFN) dont l’histoire reste à écrire et qui fut, à bien des égards, une continuation d’un Ordre nouveau devenu Jean-Yves Camus est directeur de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean- Jaurès, chercheur associé à l’Iris AUX RACINES DU FN. L’HISTOIRE DU MOUVEMENT ORDRE NOUVEAU 7 Il existe plusieurs manières d’appréhender la trajectoire historique et l’idéologie d’Ordre nouveau. La première, non dénuée d’intérêt et uti- lisée par le journaliste Frédéric Charpier3, consiste à mettre l’accent sur l’aspect générationnel du groupe et sa fonction comme lieu de sociali- sation où se créent des liens perdurant jusqu’à nos jours4 entre des militants se considérant comme des « réprouvés »5. La seconde, trop méconnue, insiste sur la dimension esthétique déterminante d’ON (et du GUD), « grand amateur d’autoreprésentation narcissique » comme le souligne Zvonimir Novak dans son ouvrage sur l’histoire visuelle de la droite et de l’extrême droite6. La troisième, enfin, est celle qui souligne le rôle du « groupuscule fasciste » comme « matrice » du FN, optique dernièrement choisie par Valérie Igounet dans son histoire de ce parti7. Nicolas Lebourg, Jonathan Preda et Joseph Beauregard, à partir d’archives très riches et le plus souvent inédites, ont choisi une voie qui synthétise toutes ces approches complémentaires. Ils ne tombent évidemment pas dans le travers propre aux hagiographies par lesquelles des militants nationalistes ont construit la légende d’ON8. En même AUX RACINES DU FN. L’HISTOIRE DU MOUVEMENT ORDRE NOUVEAU 6 aussi mythique que son pseudopode, le Groupe union droit (GUD, devenu Groupe union défense). Ordre nouveau a été, affirment avec raison Serge Berstein et Pierre Milza, le « fer de lance du néofascisme français » des années 19701. Placé sous l’égide de « grands anciens » qui s’étaient engagés en politique au sein des mouvements nationalistes d’avant 1940 ou du côté de la Révolu- tion nationale, il s’était choisi un nom qui évoquait sans doute davantage pour ses membres le « message aux Français » prononcé par le Maréchal Pétain le 11 octobre 1940 que les personnalistes des années 1930. Toutefois, ON fut un mouvement de jonction générationnelle entre cette vieille garde et une extrême droite de jeunes gens nés après 1945, arrivés à la conscience politique lors de la guerre d’Algérie et de la Guerre Froide et pour qui l’anticommunisme, couplé avec l’antigaullisme, était la raison principale de l’engagement. Le « style » ON était ainsi un mélange détonnant entre idées fondamentalement droitières et phraséologie révo- lutionnaire, attitude anti-bourgeoise (sincère ou affectée) et rôle d’acteurs, à la fois conscients et manipulés, de la contre-subversion étatique dans la période de l’après-Mai 68. On y retrouvait en somme cette situation, décrite par Emilio Gentile dans son livre Qu’est-ce que le fascisme ?2, où des rejetons de la bourgeoisie assument leur condition sociale tout en appelant au renversement de l’ordre libéral pour le remplacer par le sentiment d’appartenance à une « communauté militaire », non pas au sens de régiment mais de communauté organique de combat politique. 1. Cf. Dictionnaire des fascismes et du nazisme, André Versaille, 2010, p. 422. 2. Cf. Qu’est-ce que le fascisme ? Histoire et interprétation, Folio Histoire, 2004. 3. Cf. Génération Occident, Le Seuil, 2005. 4. Une « Amicale des anciens élèves de la Croix-des Gaules », autrement dit de la croix celtique, se joignant aux « Amis de Robert Allo et de Pierre Versini », regroupe chaque année pour un moment convivial « tous les camarades pour qui les rues Vandrezanne, aux Ours, Serpente, des Lombards, d’Assas, des Vertus, du boulevard de Sébastopol ou d’Achrafieh évoquent quelques souvenirs ». Soit, « sans distinction de géné- ration, ni d’affiliation passée ou présente », les militants de la Fédération des étudiants nationalistes (FEN) et d’Europe-Action ; ceux d’Occident, d’ON et du GUD ; du PFN et les nationalistes ayant combattu au Liban dans les rangs des groupes armés chrétiens. 5. Référence aux combattants des corps-francs allemands, sujet du livre éponyme d’Ernst Von Salomon (1931). Une des publications du GUD portera le même titre en 1992. 6. Cf. Tricolores, une histoire visuelle de la droite et de l’extrême droite, L’Echappée, 2011. 7. Cf. Le Front national de 1972 à nos jours, le parti, les hommes, les idées, Le Seuil, 2014. 8. Ainsi de la réédition en 2009, chez Déterna et aux bons soins d’Alain Renault, des textes programma- tiques d’ON et des Rats maudits, histoire des étudiants nationalistes (éditions des Monts d’Arrée, 1995), livre- culte réalisé sous la direction de Frédéric Chatillon, Thomas Lagane et Jack Marchal. AUX RACINES DU FN. L’HISTOIRE DU MOUVEMENT ORDRE NOUVEAU 9 une récente publication consacrée à François Duprat, des similitudes dans les programmes9. Selon lui, « le nationalisme révolutionnaire est un nationalisme populiste antilibéral menant la lutte de libération nationale et sociale contre ce qu’on nomme aujourd’hui le mondialisme »10. C’est tout l’intérêt de l’Étude qui suit de permettre la compréhension des permanences et des changements de la droite radicale française des quarante dernières années. AUX RACINES DU FN. L’HISTOIRE DU MOUVEMENT ORDRE NOUVEAU 8 temps, et bien que traitant à fond la question de l’instrumentalisation du groupe par une partie de la droite de gouvernement, ils évitent pareillement le simplisme du prisme gauchiste qui faisait à l’époque d’ON une simple « bande armée du capital ». Nous l’avons dit : ON fut à l’origine du FN. Mais peut-on encore parler en 2014 de filiation autre que chronologique ? Il reste dans la formation de Marine Le Pen d’anciens militants d’Ordre nouveau. Leur fidélité à l’engagement nationaliste est intacte mais le parti dans lequel ils militent ne peut plus être un calque de celui de leur jeunesse : la violence politique a drastiquement diminué ; les lois réprimant le racisme et la xénophobie rendraient certainement illégaux nombre d’éléments de langage d’ON ; l’anticommunisme et l’antigaullisme ne sont plus des déterminants majeurs du combat politique ; enfin, la « dédiabolisation » voulue par l’actuelle direction passe par l’élimination de la visibilité du « folklore » nationaliste (mais non des fondamentaux nationalistes). Toutefois, à bien y regarder, le FN « mariniste » a peut-être davantage appris et retransmis d’ON que sous la présidence de Jean-Marie Le Pen et, en tout cas, la filiation ne se réduit absolument pas aux trajectoires individuelles de quelques conseillers ou proches de la présidente. Parmi les éléments de continuité, on citera la mise en avant de la jeunesse comme avant-garde militante, l’omniprésence de la détestation du « système » et, avant tout, un programme économique et social dont on ne peut nier que, ayant rompu avec le poujadiste libéral antérieur, il présente des similitudes avec le projet nationaliste-révolutionnaire. État intervention- niste et fort, justice sociale, appel constant à la libération du pays de l’emprise du « mondialisme » : Alain Renault n’a pas tort d’évoquer, dans 9. « François Duprat et le nationalisme-révolutionnaire », Cahiers d’Histoire du nationalisme, n° 2, juin-juillet 2014. 10. Entretien au quotidien Présent, 25 septembre 2014. Alain Renault ajoute uploads/Litterature/ ordrenouveau.pdf

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