1 5 • Le Romantisme • La méditation et la rêverie L ’autorité et l’obéissance D

1 5 • Le Romantisme • La méditation et la rêverie L ’autorité et l’obéissance Don Salluste fait passer son valet Ruy Blas pour Don César et lui ordonne de séduire la reine, qui l’a humilié et disgracié. Le scandale public qu’il veut faire éclater lui permet­ tra, pense-t-il, d’éliminer la reine et de retrouver son rang auprès du roi. Le jeune valet ignore les intentions de son maître. Il aimait déjà la reine en secret et parvient à se faire aimer en retour, sous l’identité de Don César. Alors que Ruy Blas est nommé premier ministre, Don Salluste vient lui rappeler sa condition de domestique. Don Salluste L’air me semble un peu froid. Faites-moi le plaisir de fermer la croisée. (Ruy Blas, pâle de honte et de désespoir, hésite un moment ; puis il fait un effort et se dirige lentement vers la fenêtre, la ferme, et revient vers don Salluste, qui, as­ sis dans le fauteuil, le suit des yeux d’un air indifférent.) Ruy Blas, reprenant et essayant de convaincre don Salluste. Daignez voir à quel point la guerre est malaisée. Que faire sans argent ? Excellence, écoutez. Le salut de l’Espagne est dans nos probités1. Pour moi, j’ai, comme si notre armée était prête, Fait dire à l’empereur que je lui tiendrais tête... Don Salluste, interrompant Ruy Blas et lui montrant son mouchoir qu’il a lais­ sé tomber en entrant. Pardon ! ramassez-moi mon mouchoir. (Ruy Blas, comme à la torture, hésite encore, puis se baisse, ramasse le mouchoir et le présente à don Salluste.) (Don Salluste, mettant le mouchoir dans sa poche.) – Vous disiez ?... Ruy Blas, avec effort. Le salut de l’Espagne ! – oui, l’Espagne à nos pieds, Et l’intérêt public demandent qu’on s’oublie. Ah ! toute nation bénit qui la délie2. Sauvons ce peuple ! Osons être grands, et frappons ! Ôtons l’ombre à l’intrigue et le masque aux fripons3 ! Don Salluste, nonchalamment4. Et d’abord ce n’est pas de bonne compagnie. – Cela sent son pédant5 et son petit génie Que de faire sur tout un bruit démesuré. Un méchant million, plus ou moins dévoré, Voilà-t-il pas de quoi pousser des cris sinistres ! Mon cher, les grands seigneurs ne sont pas de vos cuistres6. V . Hugo, Ruy Blas, Paris, Larousse, 1971, III, 5 1 dans nos probités : de nos devoirs d’hommes honnêtes. 2 délie : affranchit. 3 fripons : personnes malhonnêtes. 4 nonchalamment : sans y prêter attention, mollement. 5 pédant : prétentieux. 6 cuistres : valets ; le mot cuistre désigne également un homme vaniteux et grossier. 5 10 15 20 25 30 Victor Hugo • Ruy Blas • 1838 2 5 • Le Romantisme • La méditation et la rêverie ANALYSONS LE TEXTE Première lecture 1 Les protagonistes n Qui sont les deux protago­ nistes du texte ? Quelle est leur relation ? Relevez dans le texte l’expression de la hiérarchie. Lecture analytique 2 Le maître n Don Salluste rappelle cruellement à Ruy Blas sa position de domestique. a Comment se dévoile l’autorité grotesque du maître ? Quel est le mode verbal qui la ca­ ractérise ? b Quel pronom utilise-t-il pour parler de Ruy Blas ? Quel est l’effet produit ? c Quel rôle jouent les adverbes de manière et les adjectifs dans les didascalies ? d Comment se manifeste l’humiliation infligée à Ruy Blas ? 3 Le valet n Ruy Blas essaie de jouer son rôle de ministre malgré le comportement de Don Salluste. a Quels arguments avance Ruy Blas pour dé­ montrer son implication politique ? b Quel pronom personnel sujet et quels adjec­ tifs utilise-t-il lorsqu’il s’adresse à Don Sal­ luste ? Qu’apporte ce procédé dans son ar­ gumentation ? 4 Les portraits du noble et du domestique n Relevez les caractéristiques morales des deux personnages. Réflexion et interprétation 5 Commentaire n Dans cet extrait, peut-on qua­ lifier Ruy Blas de héros romantique ? Faites un commentaire du texte pour répondre à cette question (200-250 mots). Dans le développe­ ment, vous pouvez suivre ce plan : •  Ruy Blas, un personnage déchiré, valet et ministre, domestique et idéaliste ; • Ruy Blas écrasé par la tyrannie d’un maître autoritaire ; •  grandeur de Ruy Blas, symbole du peuple et porteur de l’espérance démocratique. uploads/Litterature/ miroirs-testo-25089-c05-lautorite-et-lobeissance.pdf

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