Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz 1877 – 1939 POÈMES 1895-1927 Paris, J. O. Four
Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz 1877 – 1939 POÈMES 1895-1927 Paris, J. O. Fourcade, 1929. LA BIBLIOTHÈQUE RUSSE ET SLAVE — — — — LITTÉRATURE POLONAISE — — — — 2 TABLE PREMIÈRE PARTIE — 1895-1906 ...................................... 5 KAROMAMA.......................................................................... 5 DANS UN PAYS D’ENFANCE.............................................. 8 TOUS LES MORTS SONT IVRES....................................... 10 AUX SONS D’UNE MUSIQUE............................................ 12 GRINCEMENT DOUX... ...................................................... 13 IL NOUS FAUT..................................................................... 14 L’ANNÉE... ........................................................................... 15 UNE ROSE POUR................................................................. 17 ET SURTOUT QUE... ........................................................... 19 VIEILLES GRAVURES........................................................ 20 DANSE DE SINGE ............................................................... 22 LE VIEUX JOUR................................................................... 23 QUAND ELLE VIENDRA.................................................... 26 LA BERLINE ARRÊTÉE DANS LA NUIT.......................... 28 DEUXIÈME PARTIE — 1913-1927....................................... 31 CANTIQUE DU PRINTEMPS.............................................. 31 SYMPHONIE DE SEPTEMBRE .......................................... 36 SYMPHONIE DE NOVEMBRE ........................................... 42 SYMPHONIE INACHEVÉE................................................. 45 H............................................................................................. 51 LES TERRAINS VAGUES ................................................... 54 LA CHARRETTE.................................................................. 57 INSOMNIE ............................................................................ 60 TALITA CUMI...................................................................... 63 NIHUMIM ............................................................................. 66 CANTIQUE DE LA CONNAISSANCE................................ 71 LA CONFESSION DE LÉMUEL.......................................... 82 LA NUIT DE NOËL DE 1922 DE L’ADEPTE..................... 91 PSAUME DU ROI DE BEAUTÉ .......................................... 96 PSAUME DE LA MATURATION........................................ 98 PSAUME DE LA RÉINTÉGRATION ................................ 101 PRIÈRES.............................................................................. 103 3 À RENAISSANCE 4 LES poèmes de la première partie de la présente antho- logie, écrits entre 1895 et 1906, appartiennent aux deux premiers recueils de vers de M. O. V. de L. Milosz, le Poème des Décadences et les Sept Solitudes. Ces deux ouvrages, peu répandus dans le public, conformément à la volonté de l’auteur, n’ont pas laissé d’exercer sur la période poétique 1900-1914, une influence que Guillaume Apollinaire signalait depuis 1906 dans une conférence qu’il leur consacra au Salon des Poètes. Les idées et les événements qui ont présidé à leur composi- tion se trouvent exposés dans un roman de M. Milosz, l’Amoureuse Initiation, paru en 1910 chez Bernard Gras- set. Les pièces de la deuxième partie représentent toute la production poétique de M. Milosz, entre 1913 et 1927. Elles sont comme l’accompagnement lyrique d’une évolu- tion spirituelle dont les phases principales sont marquées par la publication des deux mystères Miguel Manara (Nouvelle Revue Française) et Méphiboseth (E. Fi- guière), ainsi que des ouvrages métaphysiques de M. Milosz, Ars Magna (Presses Universitaires de France) et les Arcanes (Librairie Teillon, 83, rue des Saints-Pères). 5 PREMIÈRE PARTIE — 1895-1906 KAROMAMA Mes pensées sont à toi, reine Karomama du très vieux temps, Enfant dolente aux jambes trop longues, aux mains si faibles Karomama, fille de Thèbes, Qui buvais du blé rouge et mangeais du blé blanc Comme les justes, dans le soir des tamaris. Petite reine Karomama du temps jadis. Mes pensées sont à toi, reine Karomama Dont le nom oublié chante comme un chœur de plaintes Dans le demi-rire et le demi-sanglot de ma voix ; Car il est ridicule et triste d’aimer la reine Karomama Qui vécut environnée d’étranges figures peintes Dans un palais ouvert, tellement autrefois, Petite reine Karomama. Que faisais-tu de tes matins perdus, Dame Karomama ? Vers la raideur de quelque dieu chétif à tête d’animal 6 Tu allongeais gravement tes bras maigres et maladroits Tandis que des feux doux couraient sur le fleuve matinal. O Karomama aux yeux las, aux longs pieds alignés, Aux cheveux torturés, morte du berceau des années... Ma pauvre, pauvre reine Karomama. Et de tes journées, qu’en faisais-tu, prêtresse savante ? Tu taquinais sans doute tes petites servantes Dociles comme les couleuvres, mais comme elles indolen- tes ; Tu comptais les bijoux, tu rêvais de fils de rois Sinistres et parfumés, arrivant de très loin, De par delà les mers couleur de toujours et de loin Pour dire : « Salut à la glorieuse Karomama. » Et les soirs d’éternel été tu chantais sous les sycomores Sacrés, Karomama, fleur bleue des lunes consumées ; Tu chantais la vieille histoire des pauvres morts Qui se nourrissaient en cachette de choses prohibées Et tu sentais monter dans les grands soupirs tes seins bas D’enfant noire et ton âme chancelait d’effroi. Les soirs d’éternel été, n’est-ce pas, Karomama ? — Un jour (a-t-elle vraiment existé, Karomama ?), On entoura ton corps de jaunes bandelettes, On l’enferma dans un cercueil grotesque et doux en bois de cèdre. La saison du silence effeuilla la fleur de ta voix. Les scribes confièrent ton nom aux papyrus Et c’est si triste et c’est si vieux et c’est si perdu... C’est comme l’infini des eaux dans la nuit et dans le froid. 7 Tu sais sans doute, ô légendaire Karomama ! Que mon âme est vieille comme le chant de la mer Et solitaire comme un sphinx dans le désert, Mon âme malade de jamais et d’autrefois. Et tu sais mieux encor, princesse initiée, Que la destinée a gravé un signe étrange dans mon cœur, Symbole de joie idéale et de réel malheur. Oui tu sais tout cela, lointaine Karomama, Malgré tes airs d’enfant que sut éterniser L’auteur de ta statue polie par les baisers Des siècles étrangers qui languirent loin de toi. Je te sens près de moi, j’entends ton long sourire Chuchoter dans la nuit : « Frère, il ne faut pas rire, » — Mes pensées sont à toi, reine Karomama. 8 DANS UN PAYS D’ENFANCE... Dans un pays d’enfance retrouvée en larmes, Dans une ville de battements de cœur morts, (De battements d’essor tout un berceur vacarme, De battements d’ailes des oiseaux de la mort, De clapotis d’ailes noires sur l’eau de mort). Dans un passé hors du temps, malade de charme, Les chers yeux de deuil de l’amour brûlent encore D’un doux feu de minéral roux, d’un triste charme ; Dans un pays d’enfance retrouvée en larmes... — Mais le jour pleut sur le vide de tout. Pourquoi m’as-tu souri dans la vieille lumière Et pourquoi, et comment m’avez-vous reconnu Étrange fille aux archangéliques paupières, Aux riantes, bleuies, soupirantes paupières, Lierre de nuit d’été sur la lune des pierres ; Et pourquoi et comment, n’ayant jamais connu Ni mon visage, ni mon deuil, ni la misère Des jours, m’as-tu si soudainement reconnu Tiède, musicale, brumeuse, pâle, chère, Pour qui mourir dans la nuit grande de tes paupières ? — Mais le jour pleut sur le vide de tout. Quels mots, quelles musiques terriblement vieilles Frissonnent en moi de ta présence irréelle, Sombre colombe des jours loin, tiède, belle, 9 Quelles musiques en écho dans le sommeil ? Sous quels feuillages de solitude très vieille, Dans quel silence, quelle mélodie ou quelle Voix d’enfant malade vous retrouver, ô belle, O chaste, ô musique entendue dans le sommeil ? — Mais le jour pleut sur le vide de tout. 10 TOUS LES MORTS SONT IVRES Tous les morts sont ivres de pluie vieille et sale Au cimetière étrange de Lofoten. L’horloge du dégel tictaque lointaine Au cœur des cercueils pauvres de Lofoten. Et grâce aux trous creusés par le noir printemps Les corbeaux sont gras de froide chair humaine ; Et grâce au maigre vent à la voix d’enfant Le sommeil est doux aux morts de Lofoten, Je ne verrai très probablement jamais Ni la mer ni les tombes de Lofoten Et pourtant c’est en moi comme si j’aimais Ce lointain coin de terre et toute sa peine. Vous disparus, vous suicidés, vous lointaines Au cimetière étranger de Lofoten — Le nom sonne à mon oreille étrange et doux, Vraiment, dites-moi, dormez-vous, dormez-vous ? — Tu pourrais me conter des choses plus drôles Beau claret dont ma coupe d’argent est pleine, Des histoires plus charmantes ou moins folles ; Laisse-moi tranquille avec ton Lofoten, 11 Il fait bon. Dans le foyer doucement traîne La voix du plus mélancolique des mois. — Ah ! les morts, y compris ceux de Lofoten — Les morts, les morts sont au fond moins morts que moi... 12 AUX SONS D’UNE MUSIQUE... Aux sons d’une musique endormie et molle Comme le glouglou des marais de la lune, Enfant au sang d’été, à la bouche de prune Mûre ; Aux sons de miel de tes chevrotantes paroles Ici, dans l’ombre humide et chaude du vieux mur Que s’endorme la bête paresseuse Infortune. Aux sons de ta chanson de harpe rouillée, Tiède fille qui luis comme une pomme mouillée, — (Ma tête est si lourde d’éternité vide, Les mouches d’or font un bruit doux et stupide Qui prennent tes grands yeux de vache pour des fenêtres), Aux sons de ta donnante et rousse voix d’été. Fais que je rêve à ce qui aurait pu être Et n’a pas été... Quels beaux yeux de n’importe quel animal tu as, Blanche fille de juin, grande dormeuse ! Mon âme, mon âme est pluvieuse, D’être et de n’être pas je suis tout las. Tandis que ta voix d’eau coule comme du sable Que je m’endorme loin de tout et loin de moi Entre les trois bouteilles vides sous la table. — Noyé voluptueux du fleuve de ta voix... 13 GRINCEMENT DOUX... Grincement doux et rouillé d’une berline... Le crépuscule pleure de vieille joie... — Il faudrait pourtant aller voir qui est là. — « Bonsoir, comment vous portez-vous, Mylord Spleen ? » Les chevaux, les chevaux du uploads/Litterature/ milosz-poemes.pdf
Documents similaires










-
30
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jui 17, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.3664MB