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ta5'î5^ Va^UutcAAr MEILLET PROFESSEUR AU COLLEGE DE FRANCE DIRECTEUR d'bTUDES A l'ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES LES LANGUES DANS L'EUROPE NOUVELLE PAYOT & C'% PARIS I06, BOULEVARD SAINT-GERMAIN 19 i8 Tous droits réservés. OUVRAGES DU MÊME AUTEUR Recherches sur l'emploi du génitif- accusatif en vieux slave, 1897. Paris (chez Champion). De indo-europaea radice *men-, 1897. Paris (chez Champion). Etudes sur l'étymologie et le vocabulaire du vieux slave, 1902-1905. Paris (chez Champion). Esquisse d'une grammaire comparée de l'arménien classique, 1903. Vienne (Autriche), chez les Pères Mekhitharistes. De quelques innovations de la déclinaison latine, 1906. Paris (chez Klincksieck). Les dialectes indo-européens, 1908. Paris (chez Champion). Armenisches Elementarhtch, 191 j. Heidelberg (chez Winter). Aperçu d'une histoire de la langue grecque , 1 9 1 3 . Paris (chez Hachette). Grammaire du vieux perse. 191 5. Paris (chez Challamel). Introduction à l'étude comparative des langues indo-européennes, Réédi- tion, 1903, — • 4e édition, 191 5. Paris (chez Hachette). Caractères généraux des langues germaniques, 191 7. Paris (chez Hachette). CHARTRES. — IMPRIMERIE DURAND, RUE FULBERT. Tous droits de traduction, de reprodoction et d'adaptation réservés pour tons pays. COPYRIGHT 191 8, Bit P4T0T BT C**. Sans les événements actuels, ce livre n'aurait pas été écrit. Mais il est l'œuvre d'un homme de science, et les idées qui en forment le fond ne sont pas dues aux circonstances. On a voulu y exposer la situation linguistique de l'Europe telle qu'elle est, et non comme les vanités et les prétentions nationales exaspérées depuis le xix= siècle souhaitent qu'elle soit. Le lecteur n'y trouvera pas de solutions toutes prêtes : le rôle du savant n'est pas de mener, mais d'éclairer ceux qui ont la charge d'agir. Cependant l'étude historique des langues conduit à des conclusions précises qu'on a cherché à formuler. Les langues sont ce que les font les sociétés qui les emploient. La volonté de ceux qui les parlent y intervient et contribue à leur dévelop- pement. On s'est efforcé surtout de montrer ici com- ment les langues perdent leur unité, et comment se créent les langues communes. Plusieurs personnes amies ont bien voulu lire des épreuves de ce livre ; elles m'ont donné des conseils utiles dont je me suis efforcé de profiter. 8 Deux petites cartes placées à la fin du volume orienteront le lecteur, l'une sur la répartition des langues parlées en Europe, l'autre sur les limites des parlers français et germaniques. Un index permettra de retrouver les défini- tions et les renseignements qu'offre le présent petit ouvrage. A. M. LES LANGUES DANS L'EUROPE NOUVELLE INTRODUCTION La~situation linguistique de l'Europe d'aujourd'hui est paradoxale. La civilisation matérielle, la science, l'art même s'y unifient de plus en plus. Chaque jour, l'Européen cultivé se sent davantage chez lui dans tous les pays qui ont la civilisation européenne, c'est-a-dire, de plus en plus, dans le monde entier. Tous les civilisés pratiquaient de même, il y a peu d'années, les arts de la paix. Aujourd'hui presque tous font la guerre avtc les mêmes armes Sans cesse les moyens qu'ont les hommes de communiquer entre eux s'améliorent, et par suite la terre semble se rapetisser ; un Parisien est plus près maintenant d'un Anglais ou d'un Alle- mand qu'il n'était il y a cent ans d'un Champenois. Cependant les langues qui servent d'organes à cette civilisation sont très diverses, et elles deviennent A. Meillet. I 10 INTRODUCTION constamment plus nombreuses. La connaissance de l'alltmand, de l'anglais, de l'espagnol, du français de l'italien ne suffit plus à qui veut se tenir au cou- rant de toute la civilisation moderne. Chaque nation, si petite soit-elle, veut avoir sa langue de civilisation à elle. A côté du russe, qui s'impose par la masse des hommes qui le parlent et par l'importance et l'originalité de sa littérature, toutes les nations slaves se donnent leur langue de civilisation particulière ; en face du polonais, du tchèque, du serbo-croate, du bulgare, qui ont de vieux titres de noblesse, se dressent le slovène, le petit-russe, qui n'ont pas de passé. Chaque pays Scan- dinave publie dans sa propre langue et ce qui est destmé aux gens du pays et aussi, de plus en plus, ce qui s'adresse au monde entier. La nation lettone, la nation lituanienne instituent chacune une langue de civilisation. Si chaque nation obtient l'autonomie à laquelle elle prétend, si une fois prévaut le principe des Alliés que « les peuples ont le droit de disposer d'eux- mêmes », la connaissance de vingt langues diverses ne suffira pas pour suivre la civilisation de la seule Europe. Et l'on ne dit rien ici des' peuples d'Asie qui ont acquis ou sont en passe d'acquérir la partie technique de la civilisation européenne, mais qui» naturellement, gardent leurs langues. Le monde tend à n'avoir qu'une civilisation ; mais les langues de civi- lisation s'y multiplient. MULTIPLICITE DES LANGUES DE CIVILISATION II Pour éprouver la gêne qui en résulte, il suffit de franchir une frontière linguistique. Pour ceux, savants ou praticiens, qui doivent se tenir au courant du tra- vail fait dans le monde, la diversité des langues de civilisation complique la tâche d'une manière intolé- rable. A l'apprentissage, chaque jour plus bborieux, d'une science ou d'une technique, la nécessité d'ap- prendre des langues diverses, et toujours plus diverses, ajoute une charge qui ne cesse de s'alourdir. L'acquisition d'une langue nouvelle enrichit la culture de celui qui l'apprend. Mais on a rarement la force qu'il faut pour se donner une élégance qui demande tant d'efforts, et d'ailleurs il devient de moms en moins vrai que l'acquisition d'une langue moderne soit un enrichissement pour l'esprit. Au fur et à mesure que la civilisation devient plus une, les langues sont conduites à exprimer p^r des procédés matériels différents, mais parallèles, des choses qui sont en fait les mêmes ; les notions ne varient pas avec les mots qui les expriment, et, si différentes qu'elles soient par les moyens qu'elles emploient, toutes les langues de l'Europe tendent à être, par ce qu'elles expriment, le calque fidèle les unes des autres. Le nombre des langues de civilisation qu'emploient les hommes cultivés pour exprimer leur culture grandit sans profit pour la culture *universelle, et pourtant le bon droit de ceux qui les créent ou qui les développent ne peut être contesté. Il n'y a, dans 12 INTRODUCTION l'état actuel de l'Europe, aucun remède à cette contra- diction. On se propose ici de marquer les conditions histo- riques et sociales qui ont déterminé cette situation et d'examiner si ces conditions sont assez durables pour rendre impossible d'y remédier, si l'excès du mal n'appellera pas une réaction. La pensée scientifique doit demeurer à l'abri du trouble causé par les événements. On a cherché à ne rien mettre ici à quoi tout savant, même d'une nation ennemie, ne puisse et ne doive souscrire. Mais si, on l'espère, il n'y a dans ce livre aucun parti pris, le lecteur y trouvera une doctrine. Les faits linguistiques n'y sont pas présentés comme une donnée sur laquelle les hommes n'au- raient pas d'action. Une langue est une institution : il ne dépend pas des individus isolés de la modifier; devant servir à tout un groupe, elle ne peut changer qu'en vertu d'un accord, conscient ou inconscient, d'un ensemble d'homme»f Mais la façon dont chaque individu manie sa langue contribue à en déterminer le déve- loppement ultérieur ; ainsi chacun est responsable, pour sa part, du perfectionnement ou de la détériora- tion de la langue qu'il emploie. Il y a, dans chaque groupe, plusieurs manières de parler ; les individus sont souvent maîtres de choisir l'une ou l'autre ; le choix que font les individus, et en particulier certains individus influents, n'est pas sans action. UNIFICATION A PRÉVOIR I3 La langue des élites, et surtout des élites intellec- tuelles, tend à s'imposer, ou, du moins, à fournir des modèles, à exercer une influence. Et, surtout, l'état linguistique est déterminé par l'état social. Il y a une langue savante à part là où les savants forment une sorte de caste. Il y a des langues spéciales là où la société se divise en groupes distincts ayant chacun leur vie propre. Pour prévoir quel état linguistique va s'établir, il faudrait pouvoir deviner quel sera l'état politique et social du monde durant le siècle qui s'ouvre. On ne peut qu'indiquer la situation actuelle et, con- naissant les principes du développement, entrevoir la possibilité d'un état autre que l'actuel. Plus ils prendront conscience de leur pouvoir sur la langue, mieux les citoyens du monde nouveau qui se crée maintenant dans le sang et les ruines sauront, sans t3'ranniser aucune nation, et par le choix libre mais concordant des individus, des groupes sociaux et des peuples, plier la demi-anarchie linguis- tique d'aujourd'hui à la discipline qu'imposera la civilisation universelle de demain. CHAPITRE PREMIER LES LANGUES QUI SE PARLENT EN EUROPE Il se parle en Europe un grand nombre d'idiomes divers, dont l'usage est souvent limité à un domaine exigu. A une date antérieure, beaucoup de ces idiomes aujourd'hui différenciés formaient une unité, et plus on recule dans le uploads/Litterature/ meillet-antoine-les-langues-dans-l-europe-nouvelle.pdf

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