La narratologie Par Lucie Guillemette et Cynthia Lévesque Université du Québec
La narratologie Par Lucie Guillemette et Cynthia Lévesque Université du Québec à Trois-Rivières lucie_guillemette@uqtr.ca 1. RÉSUMÉ Genette Pour bien cerner l’apport de la narratologie, il importe de saisir la distinction entre trois entités fondamentales : l’histoire, le récit et la narration. Globalement, l’histoire correspond à une suite d’événements et d’actions, racontée par quelqu’un, c’est-à-dire le narrateur, et dont la représentation finale engendre un récit. De fait, la narratologie est une discipline qui étudie les mécanismes internes d’un récit, lui-même constitué d’une histoire narrée. L’étude du discours du récit vise à dégager les principes communs de composition des textes, principes qui tendent à l’universalité. On tente ainsi de voir les relations possibles entre les éléments de la triade récit/histoire/narration. Ces relations prennent forme, notamment, au sein de quatre catégories analytiques : le mode, l’instance narrative, le niveau et le temps. Ce texte peut être reproduit à des fins non commerciales, en autant que la référence complète est donnée: Lucie Guillemette et Cynthia Lévesque (2006), « La narratologie », dans Louis Hébert (dir.), Signo [en ligne], Rimouski (Québec), http://www.signosemio.com/genette/narratologie.asp. 2. THÉORIE top 2.1 ORIGINE ET FONCTION Les travaux de Gérard Genette (1972 et 1983) s’inscrivent dans la continuité des recherches allemandes et anglo-saxonnes, et se veulent à la fois un aboutissement et un renouvellement de ces critiques narratologiques. Rappelons que l’analyse interne, à l’instar de toute analyse sémiotique, présente deux caractéristiques. D’une part, elle s’intéresse aux récits en tant qu’objets linguistiques indépendants, détachés de leur contexte de production ou de réception. D’autre part, elle souhaite démontrer une structure de base, identifiable dans divers récits. À l’aide d’une typologie rigoureuse, Genette établit une poétique narratologique, susceptible de recouvrir l’ensemble des procédés narratifs utilisés. Selon lui, tout texte laisse transparaître des traces de la narration, dont l’examen permettra d’établir de façon précise l’organisation du récit. L’approche préconisée se situe, évidemment, en deçà du seuil de l’interprétation et s’avère plutôt une assise solide, complémentaire des autres recherches en sciences humaines, telles que la sociologie, l’histoire littéraire, l’ethnologie et la psychanalyse. REMARQUE : LA NARRATOLOGIE : ENTRE LE TEXTUALISME ET LA PRAGMATIQUE Prenant la forme d'une typologie du récit, la narratologie élaborée par Gérard Genette se pose aux yeux de maints spécialistes de la question comme un appareil de lecture marquant une étape importante dans le développement de la théorie littéraire et de l'analyse du discours. En faisant de la voix narrative une notion autour de laquelle s'articulent toutes les autres catégories, l'auteur fait du contexte de production d'un récit une donnée fondamentale. 2.2 LE MODE NARRATIF L’écriture d’un texte implique des choix techniques qui engendreront un résultat particulier quant à la représentation verbale de l’histoire. C’est ainsi que le récit met en œuvre, entre autres, des effets de distance afin de créer un mode narratif précis, qui gère la « régulation de l’information narrative » fournie au lecteur (1972 : 184). Selon le théoricien, tout récit est obligatoirement diégésis (raconter), dans la mesure où il ne peut atteindre qu’une illusion de mimésis (imiter) en rendant l’histoire réelle et vivante. De sorte, tout récit suppose un narrateur. Pour Genette, donc, un récit ne peut véritablement imiter la réalité ; il se veut toujours un acte fictif de langage, aussi réaliste soit-il, provenant d’une instance narrative. « Le récit ne “ représente ” pas une histoire (réelle ou fictive), il la raconte, c’est-à-dire qu’il la signifie par le moyen du langage […]. Il n’y a pas de place pour l’imitation dans le récit […]. » (1983 : 29) Ainsi, entre les deux grands modes narratifs traditionnels que sont la diégésis et la mimésis, le narratologue préconise différents degrés de diégésis, faisant en sorte que le narrateur est plus ou moins impliqué dans son récit, et que ce dernier laisse peu ou beaucoup de place à l’acte narratif. Mais, insiste-t-il, en aucun cas ce narrateur est totalement absent. 2.2.1 LA DISTANCE L’étude du mode narratif implique l’observation de la distance entre le narrateur et l’histoire. La distance permet de connaître le degré de précision du récit et l’exactitude des informations véhiculées. Que le texte soit récit d’événements (on raconte ce que fait le personnage) ou récit de paroles (on raconte ce que dit ou pense le personnage), il y a quatre types de discours qui révèlent progressivement la distance du narrateur vis-à-vis le texte (1972 : 191) : 1. Le discours narrativisé : Les paroles ou les actions du personnage sont intégrées à la narration et sont traitées comme tout autre événement (- distant). Exemple : Il s’est confié à son ami ; il lui a appris le décès de sa mère. 2. Le discours transposé, style indirect : Les paroles ou les actions du personnage sont rapportées par le narrateur, qui les présente selon son interprétation (- + distant). Exemple : Il s’est confié à son ami ; il lui a dit que sa mère était décédée. 3. Le discours transposé, style indirect libre : Les paroles ou les actions du personnage sont rapportées par le narrateur, mais sans l’utilisation d’une conjonction de subordination (+ - distant). Exemple : Il s’est confié à son ami : sa mère est décédée. 4. Le discours rapporté : Les paroles du personnage sont citées littéralement par le narrateur (+ distant). Exemple : Il s’est confié à son ami. Il lui a dit : « Ma mère est décédée. » 2.2.2 FONCTIONS DU NARRATEUR À partir de la notion de distance narrative, Genette expose les fonctions du narrateur en tant que telles (1972 : 261). En effet, il répertorie cinq fonctions qui exposent également le degré d’intervention du narrateur au sein de son récit, selon l’impersonnalité ou l’implication voulue. 1. La fonction narrative : La fonction narrative est une fonction de base. Dès qu’il y a un récit, le narrateur, présent ou non dans le texte, assume ce rôle (impersonnalité). 2. La fonction de régie : Le narrateur exerce une fonction de régie lorsqu’il commente l’organisation et l’articulation de son texte, en intervenant au sein de l’histoire (implication). 3. La fonction de communication : Le narrateur s’adresse directement au narrataire, c’est-à-dire au lecteur potentiel du texte, afin d’établir ou de maintenir le contact avec lui (implication). 4. La fonction testimoniale : Le narrateur atteste la vérité de son histoire, le degré de précision de sa narration, sa certitude vis-à-vis les événements, ses sources d’informations, etc. Cette fonction apparaît également lorsque le narrateur exprime ses émotions par rapport à l’histoire, la relation affective qu’il entretient avec elle (implication). 5. La fonction idéologique : Le narrateur interrompt son histoire pour apporter un propos didactique, un savoir général qui concerne son récit (implication). Le mode narratif de la diégésis s’exprime donc à différents degrés, selon l’effacement ou la représentation perceptible du narrateur au sein de son récit. Ces effets de distance entre la narration et l’histoire, notamment, permettent au narrataire d’évaluer l’information narrative apportée, « comme la vision que j’ai d’un tableau dépend, en précision, de la distance qui m’en sépare […]. » (1972 : 184) 2.3 L’INSTANCE NARRATIVE L’instance narrative se veut l’articulation entre (1) la voix narrative (qui parle ?), (2) le temps de la narration (quand raconte-t-on, par rapport à l’histoire ?) et (3) la perspective narrative (par qui perçoit-on ?). Comme pour le mode narratif, l’étude de l’instance narrative permet de mieux comprendre les relations entre le narrateur et l’histoire à l’intérieur d’un récit donné. 2.3.1 LA VOIX NARRATIVE Si le narrateur laisse paraître des traces relatives de sa présence dans le récit qu’il raconte, il peut également acquérir un statut particulier, selon la façon privilégiée pour rendre compte de l’histoire. « On distinguera donc ici deux types de récits : l’un à narrateur absent de l’histoire qu’il raconte […], l’autre à narrateur présent comme personnage dans l’histoire qu’il raconte […]. Je nomme le premier type, pour des raisons évidentes, hétérodiégétique, et le second homodiégétique.» (1972 : 252) En outre, si ce narrateur homodiégétique agit comme le héros de l’histoire, il sera appelé autodiégétique. 2.3.2 LE TEMPS DE LA NARRATION Le narrateur est toujours dans une position temporelle particulière par rapport à l’histoire qu’il raconte. Genette présente quatre types de narration : 1. La narration ultérieure : Il s’agit de la position temporelle la plus fréquente. Le narrateur raconte ce qui est arrivé dans un passé plus ou moins éloigné. 2. La narration antérieure : Le narrateur raconte ce qui va arriver dans un futur plus ou moins éloigné. Ces narrations prennent souvent la forme de rêves ou de prophéties. 3. La narration simultanée : Le narrateur raconte son histoire au moment même où elle se produit. 4. La narration intercalée : Ce type complexe de narration allie la narration ultérieure et la narration simultanée. Par exemple, un narrateur raconte, après-coup, ce qu’il a vécu dans la journée, et en même temps, insère ses impressions du moment sur ces mêmes événements. 2.3.3 LA PERSPECTIVE NARRATIVE Une distinction s’impose entre la voix et la perspective narratives, cette dernière étant le point de vue adopté par le narrateur, ce que Genette appelle uploads/Litterature/ lucie-guillemette-et-cynthia-levesque-2006-la-narratologie.pdf
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- Publié le Nov 12, 2022
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