LOIS DE MANOU TRADUITES DU SANSKRIT PAR G. STREHLY ANCIEN ÉLÈVE DE L'ÉCOLE NORM

LOIS DE MANOU TRADUITES DU SANSKRIT PAR G. STREHLY ANCIEN ÉLÈVE DE L'ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE PROFESSEUR AU LYCÉE MONTAIGNE ERNEST, LEROUX, ÉDITEUR 28, RUE BONAPARTE, 28 ------ 1893 LOIS DE MANOU TRADUITES DU SANSKRIT PAR G. STREHLY PRÉFACE. Le Code des Lois de Manou est le premier livre sanskrit qui ait été traduit dans une langue européenne. Dès la fin du siècle dernier, en 1794, Sir William Jones en donnait une traduction anglaise qui, malgré l'état imparfait où se trouvait alors la philologie sanskrite, est une œuvre d'un très grand mérite. Les défauts qu'on pourrait lui reprocher sont imputables à l'époque où elle a été écrite, plutôt qu'à l'auteur lui-même, et ne l'ont pas empêchée de rester la base de tous les travaux postérieurs concernant le Mânava Dharma Sâstra. En 1833, un savant français, Loiseleur-Deslongchamps, publiait à son tour une traduction du Code de Manou, la seule qui ait paru en notre langue jusqu'à ce jour. Elle est généralement exacte et fidèle, à part quelques erreurs de détail, et d'une allure élégante ; parfois même les difficultés du texte y sont rendues avec un rare bonheur d'expression. On pourrait souhaiter seulement pour la commodité des lecteurs non indianistes, que l'intelligence des passages obscurs fût facilitée par un commentaire plus suivi et plus abondant. Cette publication,[1] bien que rééditée en 1850, a disparu de la circulation, et il est difficile aujourd'hui de se la procurer. Le professeur Jolly a donné dans la Zeitschrift für vergleichende Rechtswissenschaft (vol. III), une version allemande du livre VIII et du début du livre IX (vers 1-102). Ces dernières années ont vu éclore encore deux nouvelles traductions en langue anglaise. La première a paru dans la Trübner's Oriental Series en 1884. Elle est due à M. Arthur Coke Burnell que la mort a malheureusement empêché de mettre la dernière main à son ouvrage. Ce soin a été confié à M. Edward W. Hopkins, qui l'a complété en traduisant les cinq derniers livres. Malgré les inconvénients d'une collaboration posthume, qui semble devoir nuire à l'unité de l'œuvre, celle-ci n'en est pas moins appelée à rendre de précieux services ; le texte est serré de très près et traduit avec une fidélité et une concision extrêmes. D'autre part, en 1886, M. Bühler a publié une traduction dans la collection dirigée par le professeur Max Müller et connue sous le nom de « Sacred Books of India », Oxford, Clarendon-Press. Comme il fallait s'y attendre de la part d'un indianiste aussi éminent, ce travail est un chef-d'œuvre, tant par la netteté et l'élégance d'une interprétation impeccable, que par l'érudition riche et variée du commentaire perpétuel qui l'accompagne. Après tant d'excellents ouvrages suscités par le livre de Manou, c'était le cas de répéter un mot célèbre : « Tout est dit, il ne reste plus rien qu'à glaner après les anciens et les habiles d'entre les modernes. » Aussi lorsque mon maître et ami M. Regnaud, le savant professeur de l'Université lyonnaise, me proposa de la part de M. de Milloué d'insérer dans les Annales du Musée Guimet une nouvelle traduction du Mânava Dharma Sâstra, destinée à remplacer celle de Loiseleur-Deslongchamps, j'hésitai d'abord à me charger de cette entreprise, tant par une juste défiance de mes propres forces, que parce que je sentais que j'aurais toujours à lutter contre le bien dire de mes devanciers, et que même si je réussissais à faire une œuvre à peu près satisfaisante, je n'aurais jamais que le mérite secondaire d'avoir suivi sans m'égarer la voie qu'ils m'avaient si magistralement tracée. Mes scrupules ont cédé pourtant aux considérations suivantes. Le Code des Lois de Manou est un de ces livres d'un caractère universel et en quelque sorte humanitaire, qui n'intéressent pas seulement l’érudit, le philologue, l'indianiste; les questions qu'il traite méritent d'attirer l'attention du grand public. Le philosophe peut y chercher des matériaux pour l'histoire des idées morales dans l'antiquité ; le jurisconsulte peut lui demander des renseignements sur la conception du droit civil et criminel dans le pays qui passe pour avoir été le berceau des races européennes.[2] Or, comme on l'a dit, l'ouvrage de Loiseleur-Deslongchamps est dès longtemps épuisé, et malgré les mérites réels de sa traduction, il y a lieu, après celles qui ont paru depuis, de faire autre chose qu'une simple réimpression de l'édition de 1850. D'autre part, les traductions en langues étrangères, pour excellentes qu'elles soient, ne sont pas accessibles aux personnes qui n'ont de ces langues qu'une connaissance imparfaite, voire même nulle, et ne laissent apercevoir l'original qu'à travers un double décalque, ce qui en affaiblit encore davantage l'impression. On a donc pensé qu'une nouvelle traduction française, mettant à profit les résultats acquis et accompagnée d'un commentaire explicatif un peu moins sobre que celui de Loiseleur- Deslongchamps, pourrait obtenir un accueil favorable auprès du grand public. Voici les principes qui m'ont guidé dans l'exécution de mon travail. Voulant avant tout que mon interprétation fût intelligible à tous, j'ai évité autant que possible d'émailler le texte français de mots sanskrits, bien qu'il soit parfois plus commode et plus sûr de transcrire purement et simplement un terme spécial de droit ou de religion[3] que de lui chercher en notre langue un équivalent qui risque d'être inexact et insuffisant. Tout en serrant de fort près le texte de Manou, il m'a fallu remédier presque constamment à sa désespérante concision par des explications et des paraphrases tirées du commentaire hindou; ces additions à l'original sont indiquées par l'emploi de parenthèses. Enfin, pour ne pas dérouter le lecteur, j'ai adopté dans la transcription des noms propres ou autres un système qui n'est pas à l'abri de la critique et que je crois devoir justifier. Dans le texte même de ma traduction je me sers de la graphie la plus simple et la plus naturelle, c'est-à-dire celle qui reproduit le son traditionnel[4] de la lettre sanskrite quand il y a lieu, et ne tiens aucun compte des phonèmes propres à l'alphabet hindou, pour lesquels le nôtre ne possède point d'équivalents. Ainsi je transcris richi et non rshi, Soudra[5] et non Çudra, Tchândâla et non Cândala, Vichnou et non Vishnu. Par contre, dans les notes, qui ont un caractère plus savant et où j'ai été amené parfois à reproduire à titre d'éclaircissement des mots et des expressions du texte ou du commentaire sanskrits, il m'a bien fallu recourir au système artificiel généralement admis pour la transcription des caractères dévanâgaris en lettres latines. Il en résulte qu'on verra le même mot figurer avec deux orthographes légèrement différentes, suivant qu'il se trouve dans la traduction ou dans une citation faite en note. On me pardonnera, je l'espère, cette apparente contradiction dont je donne par avance la raison. Les notes qui accompagnent pas à pas la traduction tantôt fournissent les notions mythologiques qui peuvent n'être pas connues de tous et pour le complément desquelles on pourra recourir au Dictionnaire de Dowson (Classical Dictionary of hindu Mythology), tantôt apportent des explications et des exemples empruntés au célèbre exégète hindou Koullouka dont j'ai presque toujours suivi l'interprétation. Enfin, pour faire profiter dans une certaine mesure le lecteur des travaux de mes devanciers, dans tous les passages (et ils sont nombreux) qui admettent plusieurs sens, j'ai reproduit en regard de celui que j'adoptais, les diverses interprétations suivies par les autres traducteurs.[6] Il me reste à dire quelques mots du Livre des Lois et à résumer brièvement la question des origines et de la date probable du Mânava Dharma Sâstra, telle qu'elle a été posée et résolue par les divers savants qui s'en sont occupés. M. Max Müller, M. Fr. Johœntgen dans un travail intitulée Ueber das Gesetzbuch des Manu (Berlin, 1863), M. Burnell et surtout M. Bühler, dans l'important et instructif Mémoire dont il a fait précéder sa traduction, ont réuni en un faisceau tous les arguments intrinsèques et extrinsèques qui pouvaient éclairer cette obscure question. Il faut bien l'avouer, aucun de ces arguments pris à part n'est tout à fait péremptoire et de nature à apporter une certitude absolue; mais leur réunion donne aux hypothèses de ces savants un caractère de vraisemblance d'autant plus acceptable, qu'ils sont arrivés par des voies un peu diverses à des conclusions assez analogues, surtout en ce qui concerne les sources de l'ouvrage. Loin de nous fournir aucun renseignement sur son véritable auteur, le Mânava Dharma Sâstra débute par une attribution tout à fait fantaisiste du livre au Créateur lui- même. Il est dit en effet dans le préambule que les grands richis ou sages vont trouver Manou, fils de Svayambhou, l'être existant par lui-même, et le prient de leur exposer en détail la loi des quatre castes. Manou consent à leur requête, et après avoir tracé dans les cinquante-sept premiers vers une sorte de cosmogonie, il cède la parole au grand sage Bhrigou, lequel a appris de sa bouche le livre révélé à lui Manou par Brahmâ, et va le leur réciter en entier. Sans voir dans cette attribution mythologique, bien conforme aux habitudes et aux traditions de l'Inde, une intention arrêtée de surprendre uploads/Litterature/ lois-de-manu.pdf

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