LAURA MARIN ANCA DIACONU (dir.) USAGES DE LA FIGURE, RÉGIMES DE FIGURATION 2017

LAURA MARIN ANCA DIACONU (dir.) USAGES DE LA FIGURE, RÉGIMES DE FIGURATION 2017 SOMMAIRE LAURA MARIN, ANCA DIACONU Introduction ............................................................................................. 9 PARTIE I DISPOSER La figure et ses régimes de sens RALPH DEKONINCK, AGNÈS GUIDERDONI Thinking through Figures: Regimes of Figurability in the Early Modern Period .............................................................................. 17 AGNÈS GUIDERDONI « Ce que c’est la figure » selon Louis Richeome. De la figure à la figurabilité au XVIIe siècle ............................................................. 29 IOANA BOT Figure, figural, figuré. Du misreading et autres (vieux régimes des) figures… ......................................................................................... 43 GIUSEPPE CRIVELLA Carl Einstein, Georges Bataille, Aby Warburg : pour une archéologie du figural ....................................................................................... 55 LAURA MARIN Figurabilité, plasticité : penser la différence ............................................ 69 PARTIE II FIGURER La figure et ses usages esthétiques BERTRAND ROUGÉ L’art comme Figuration. Pour une mimèsis non-mimétique ..................... 81 NIGEL SAINT Figure and Agency in the Work of Georges Didi-Huberman ..................... 97 MACHA OVTCHINNIKOVA L’obraz et le figural dans le cinéma russe : événement d’image et plasticité du temps ......................................................................... 109 ADRIAN TUDURACHI L’allégorie et la « formule ». Puissances politiques de la figure dans la pensée esthétique contemporaine ............................................... 121 PARTIE III DYNAMISER La figure et ses mouvements BART VERSCHAFFEL Jules Champfleury and James Ensor’s View on the Modern Artist ............ 137 LAURA PAVEL The “Beings of Fiction”: Recomposing the Life of Figures with Bruno Latour ............................................................................................ 149 LAURA DUMITRESCU Nouvelles perspectives sur le fonctionnement de l’allégorie médiévale ..... 161 KAMINI VELLODI Tura’s Figure of St Maurelio ................................................................... 171 SJOERD VAN TUINEN Mannerism and Vitalism: Bergson and the Mannerist Image .................... 187 PARTIE IV ÉMERGER La figure et ses objets BARBARA BAERT Répondre à Écho : la dissolution comme régime scopique ....................... 203 VERA-SIMONE SCHULZ Textilia Facta, Textilia Picta: Looking at Figures and Fabrics with a “Period Eye” ................................................................................. 217 VLAD IONESCU The Atlas as a Figure of Memory and the Adaptive Reuse of Architectural Heritage ................................................................... 235 ALEXANDRA IRIMIA Paper-Cut: Figural Theatricality and Archival Practices in Geoffrey Farmer’s Sculptural Photo-Collages .............................................. 249 ALINA MIHAI The Figural Representation of the Hos(ti)pitable Threshold in Pier Paolo Pasolini’s The Theorem ....................................................... 263 PARTIE V FEINDRE La figure et son travail sur l’histoire ANCA DIACONU The Figure and the Archive ...................................................................... 273 MAUD HAGELSTEIN Images et figures. Dispositifs de re-découpage du sensible (Rancière) ..... 289 FILIPPO FIMIANI F comme figura, fiction, falsification. Des images de l’histoire et Shutter Island ................................................................................. 301 ÉRIC MARTY Shoah. Image, nature, allégorie ............................................................... 315 LUCA ACQUARELLI L’histoire au prisme du figural et du contemporain : Pays Barbare de Gianikian et Ricci Lucchi ............................................................... 327 PARTIE VI S’EXPOSER Figurations de soi LAURENT JENNY Énonciation et style photographique ........................................................ 345 ANDREI LAZĂR Intermittences figurales dans Le Filmeur d’Alain Cavalier et La Pudeur ou l’impudeur d’Hervé Guibert .......................................... 355 MONICA TILEA Effet-tableau et figuration de soi chez Marie Ndiaye ................................ 369 MATHIEU BOUVIER Levée des figures. Pour une approche figurale du geste dansé ................. 383 L’OBRAZ ET LE FIGURAL DANS LE CINÉMA RUSSE : ÉVÉNEMENT D’IMAGE ET PLASTICITÉ DU TEMPS MACHA OVTCHINNIKOVA Résumé : Les théories russes dans le champ des arts visuels nous informent sur la proximité conceptuelle entre l’obraz (image ou figure) et la figure. Théorisé par Sergueï Eisenstein, l’obraz est une image virtuelle, naissant du choc entre deux représentations. Influencé par l’icôné orthodoxe et sa puissance auratique, l’obraz eisensteinien semble inspirer Andrei Tarkovski dans ses écrits sur le kinoobraz (image cinématographique) dont la spécificité est le temps, la sensation de son écoulement, sa puissance poétique. L’objectif sera d’articuler quelques aspects de l’obraz soulevés dans les théories des auteurs russes – Paul Florensky, Serguéï Eisenstein et Andrei Tarkovski – au concept du figural élaboré par des auteurs français afin d’identifier les différents modes d’action possibles du kinoobraz sur le tissu visuel et temporel. Il s’agira de montrer comment la dialectique du conflit et de l’attraction des forces contraires propulse ce que Philippe Dubois appelle « événement de l’image »1 et la suspension temporelle de la représentation cristallisée dans l’instant. Mots-clés : obraz, image cinématographique, image de rêve, figural, instant, théorie du cinéma russe, théologie de l’icône orthodoxe. Les théories russes des arts visuels et du cinéma nous informent sur la proximité conceptuelle entre l’obraz (traduit comme image ou figure) et la figure. Théorisé par Sergueï Eisenstein, l’obraz est une image virtuelle, naissant du choc entre deux représentations juxtaposées ou superposées. Influencé par l’icône orthodoxe (sviatoï obraz), par sa puissance auratique, voire miraculeuse, l’obraz eisensteinien semble inspirer à son tour Andrei Tarkovski dans ses écrits sur le kinoobraz (l’image cinématographique) dont la spécificité serait le temps, la sensation de son écoulement, sa puissance poétique. Conflit et attraction sont au fondement de l’izobrajéniyé (traduit par représentation et ayant la même racine que le terme obraz) eisensteinien. Différents types de conflits filmiques sont répertoriés par Eisenstein : a) conflit 1 Philippe Dubois, « La question du figural », in Pierre Taminiaux et Claude Murcia (dir.), Cinéma art(s) plastique(s), Paris, L’Harmattan, « Champs visuels », 2004, p. 66. MACHA OVTCHINNIKOVA 110 à l’intérieur de l’image (« conflit graphique », « conflit des plans », « conflit des volumes », « conflit spatial », « conflit d’éclairage », « conflit de tempo »2, etc.) ; b) conflit entre les images (« le montage n’est pas une pensée composée par des morceaux qui se succèdent, mais une pensée qui naît du choc de deux morceaux indépendants l’un de l’autre (Principe “dramatique”) »3) ; c) Conflit entre différents paramètres cinématographiques (« CONTREPOINT SONORE – VISUEL »4). Dans la théorie d’Andrei Tarkovski, l’izobrajéniyé comme unité visuelle est également pensé en termes de conflit : « Le tout naît de l’union des phénomènes et harmonies contradictoires. La vie naît de la dysharmonie. À son tour, quelque chose d’harmonieux, contenant l’existence des phénomènes en lutte se forme à partir du morcellement de la vie »5. Et ceci : « On atteint l’harmonie seulement par la voie des chocs, des conflits, elle naît du chaos »6. Cette dernière affirmation aurait pu être déclarée par Eisenstein quarante ans plus tôt lorsqu’il élaborait les principes fondamentaux du montage. Le conflit eisensteinien infiltrant les différents paramètres filmiques (la composition de l’image, l’intervalle entre les images, l’articulation de l’image et du son) génère l’attraction qui est définie par le cinéaste soviétique en termes d’efficience sur le spectateur et de désir en général. « Le mouvement comme horizon des formes, le désir comme horizon du mouvement : Eisenstein nomme cela une logique des attractions (c’est-à-dire des contacts désirés). »7 La dynamique de la confrontation, qu’on observe autant chez Eisenstein que chez Tarkovski, semble indissociable de celle de l’attraction. Eisenstein introduit cette notion dès 1923 dans la revue Front gauche de l’art. Provenant du music-hall et du cirque, arts populaires qui passionnent le cinéaste soviétique, l’attraction couvre tout phénomène qui peut agir sur le spectateur et le rallier à la cause de l’auteur. Au cinéma, elle s’oppose au reflet vraisemblable, linéaire et statique d’événement représenté habituellement par l’enchaînement logique des actions. Jacques Aumont soulève les principales caractéristiques de ce concept : « une forte autonomie » et « une existence visuellement frappante »8. Ce système dialectique articulant conflit et attraction trouve son écho dans différentes manifestations de la pensée française du figural : contact et 2 Serguéï M. Eisenstein, « Dramaturgie de la forme filmique », in Cinématisme, trad. fr. Valérie Pozner, Elena Rolland, Anne Zouboff, Danièle Huillet, François Albera, Dijon, Les presses du réel, 2009, p. 28. 3 Ibid., p. 25. 4 Ibid., p. 30. 5 Andrei Tarkovski, entretien avec Nicolas Guibou, « La vie naît de la dysharmonie… » [1967], Kinovedtcheskiye zapiski, n° 50, 2001. URL de référence : http://tarkovskiy.su /texty/Tarkovskiy/Giby1967.html (ma traduction). 6 Ibid. 7 Georges Didi-Huberman, La ressemblance informe, ou le gai savoir visuel selon Georges Bataille, Paris, Macula, 1995, pp. 319-320. 8 Jacques Aumont, Montage Eisenstein, Paris, Images modernes, 2005, p. 68. L’OBRAZ ET LE FIGURAL DANS LE CINÉMA RUSSE 111 déchirure (Georges Didi-Huberman)9, plaie comme déchirure et couture, blessure ouverte et cicatrice (Philippe Dubois)10, accident et souveraineté (Georges Didi-Huberman)11, coupure et intervalle (Gilles Deleuze)12. Il serait pertinent d’articuler ce réseau notionnel constituant de ce que Philippe Dubois appelle « événement de l’image »13 avec le modèle temporel de l’instant théorisé par Gaston Bachelard. L’objectif est d’articuler quelques aspects de l’obraz soulevés dans les théories des auteurs russes – Pavel Florensky, Sergueï Eisenstein et Andreï Tarkovski – au concept du Figural élaboré par des auteurs français afin d’identifier les différents modes d’action possibles du kinoobraz sur le tissu visuel et temporel. Plus précisément, il s’agit de montrer comment la dialectique du conflit et de l’attraction des forces contraires, dialectique centrale dans la théorie eisensteinienne, propulse l’événement de l’image et instaure la suspension temporelle de la représentation. Le concept de figural s’introduit dans le champ des arts visuels avec l’ouvrage de Jean-François Lyotard, Discours, figure (1971). Dans la théorie de Lyotard, le monde se présentant comme une réalité sensible mais opaque, le langage ne serait pas en mesure d’en rendre compte. Dans ce projet d’appréhension du monde, l’approche phénoménologique dont l’horizon serait la connaissance est délaissée au profit uploads/Litterature/ lobraz-et-le-figural-dans-le-cinema-russ.pdf

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