Compte rendu de lecture de l’ouvrage ”Les actes de langage dans le discours” de

Compte rendu de lecture de l’ouvrage ”Les actes de langage dans le discours” de C. Kerbrat-Orecchioni Fr´ ed´ eric Landragin To cite this version: Fr´ ed´ eric Landragin. Compte rendu de lecture de l’ouvrage ”Les actes de langage dans le discours” de C. Kerbrat-Orecchioni. Bulletin de la Soci´ et´ e Linguistique de Paris XCVIII(2). 2003. <halshs-00136501> HAL Id: halshs-00136501 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00136501 Submitted on 14 Mar 2007 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸ cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es. – 1 – Compte rendu de lecture (draft) Catherine KERBRAT-ORECCHIONI. – Les actes de langage dans le discours – Théorie et fonctionnement – « Quand dire, c’est faire » : un travail de synthèse sur la pragmatique conversationnelle. Paris, éditions Nathan Université, 2001. 200 p. Depuis les ouvrages fondateurs des philosophes J.L. Austin (Quand dire c’est faire, 1970) et J.R. Searle (Les actes de langage, 1972), la théorie des actes de langage a fait l’objet de très nombreux travaux, aussi bien en linguistique qu’en logique ou même dans le domaine du traitement automatique des langues. De son côté, l’analyse conversationnelle présente la même diversité et la même pluridisciplinarité dans ses nombreuses approches. Dans des ouvrages antérieurs (Les interactions verbales – tome 1, 1990 ; La conversation, 1996), C. Kerbrat-Orecchioni a souligné cette diversité. Réunir ces deux domaines de recherche en évolution constante et correspondant à des points de vue différents s’avère ainsi délicat. C’est l’objet de plusieurs critiques et débats, deux exemples importants dans le monde anglo-saxon étant ceux de D. Frank (Seven Sins of Pragmatics, 1981) et de S.C. Levinson (Pragmatics, 1983). Dans le monde francophone, un débat célèbre oppose Nancy et Genève, avec d’un côté C. Brassac et A. Trognon, et de l’autre J. Moeschler. Le numéro 13 de la revue Cahiers de Linguistique Française a proposé en 1992 une synthèse sur leurs arguments et leurs positions. Dans son ouvrage, C. Kerbrat-Orecchioni a choisi de ne pas revenir sur ces débats. Plutôt que de citer et comparer les arguments de chacun, elle présente directement des arguments forts, illustrés avec pertinence. Bien que l’ouvrage ne fasse que 200 pages bibliographie et index inclus, il impressionne par la quantité de phénomènes et d’approches détaillés. Il se distingue également par la clarté de présentation. Chaque chapitre délimite parfaitement son sujet et se termine par un ensemble suffisamment réduit de pointeurs bibliographiques, ainsi que par un paragraphe de synthèse toujours clair. Chaque exemple donné vient appuyer un argument, avec une utilité constante. L’ensemble s’avère à la fois très accessible et très précis, aussi bien au niveau du contenu que du vocabulaire, qui n’est pas toujours usuel mais qui n’empêche jamais la facilité de lecture. Certains termes auraient gagné à être explicités davantage (« potlatch » page 138), d’autres n’apportent rien à la démonstration et auraient pas être évités (« commensal » page 41). Le lecteur intéressé dispose dans tous les cas de pointeurs bibliographiques pour approfondir chaque point évoqué. Plusieurs niveaux de lecture sont ainsi possibles, et, bien qu’il s’adresse explicitement à des étudiants en deuxième cycle ou en CAPES de lettres, l’ouvrage semble profitable pour une bien plus large audience. Dans l’introduction, l’auteur propose de distinguer trois types de pragmatique : 1. la pragmatique du premier type ou pragmatique de l’énonciation, qui étudie le langage en situation ; 2. la pragmatique du deuxième type qui envisage le langage comme « un moyen d’agir sur le contexte interlocutif, et permettant l’accomplissement d’un certain nombre d’actes spécifiques » (les actes de langage, c’est-à-dire les actes réalisés au moyen du langage) ; 3. la pragmatique du troisième type ou pragmatique interactionniste qui envisage le langage comme un moyen d’échange et d’évolution par l’échange. Dans les deux parties de l’ouvrage qui sont consacrées respectivement à la présentation des domaines de recherche en confrontation, et à l’illustration de cette confrontation sur quelques actes de langage particuliers, l’auteur va développer son positionnement par rapport à la pragmatique. Elle va ainsi passer de la pragmatique du deuxième type à celle du troisième type, et permettre au lecteur d’appréhender cette dernière avec de plus en plus de matériau. – 2 – La première partie comprend deux chapitres sur les actes de langage et un troisième sur l’approche interactionniste. Le chapitre 1 commence par l’identification d’un certain nombre de précurseurs, plus précisément d’un certain nombre de prises de conscience, d’idées et de distinctions qui ont bâti un cadre de pensée à propos du langage. Parmi elles se trouvent la prise de conscience des rapports entre les formes de phrase (assertive ; interrogative ; impérative) et les comportements fondamentaux de l’homme (transmettre ; obtenir ; intimer un ordre), ainsi que les premières propositions de classification des fonctions du langage, propositions qui ont abouti à la naissance de la pragmatique. On entre dans le noyau de la théorie des actes de langage avec une présentation des résultats de J.L. Austin et de J.R. Searle. La principale découverte du premier est la notion de performatif. Un énoncé performatif « fait ce qu’il dit faire du seul fait qu’il le dise ». Par exemple, on ne peut pas dire « je promets » sans promettre. Les performatifs purs, qui correspondent à quelques verbes à la première personne de l’indicatif présent (comme « je promets »), sont distingués des performatifs implicites comme « ferme la porte », énoncé dans lequel le performatif « je t’ordonne » n’apparaît pas mais est implicite. Les performatifs implicites seront appelés dans la suite actes illocutoires. C. Kerbrat-Orecchioni énumère deux tests pour déterminer si un verbe est performatif ou non, et montre avec l’exemple particulier de la déclaration d’amour que ces tests sont insuffisants. Il en découle que la notion de performatif reste intuitive. Celle de force illocutoire de J.R. Searle est définie comme la composante de l’énoncé qui lui donne sa valeur d’acte et qui vient s’ajouter au contenu propositionnel, c’est-à-dire à la proposition – au sens logique du terme – portée par l’énoncé. L’impératif possède par exemple une force illocutoire d’ordre. La différence entre force illocutoire et acte illocutoire est soulignée, et l’auteur rappelle la distinction de J.L. Austin entre acte locutoire (acte de dire quelque chose), acte illocutoire (effectué en disant quelque chose) et acte perlocutoire (effectué par le fait de dire quelque chose). Ces notions étant définies, l’auteur pose alors l’idée fondamentale de la théorie des actes de langage, à savoir que « tous les énoncés possèdent intrinsèquement une valeur d’acte », et peut aborder les problèmes impliqués : • la délimitation de la frontière entre illocutoire et perlocutoire ; • l’inventaire des actes illocutoires (et l’identification des critères de distinction) ; • l’identification des conditions de réussite ; • le cas des actes de langage indirects. Le deuxième chapitre s’attache à décrire ces actes indirects. L’auteur, reprenant la formule « quand dire, c’est faire », propose les définitions suivantes : 1. « quand dire, c’est faire une chose sous les apparences d’une autre » : un acte de langage peut être formulé « indirectement, sous le couvert d’un autre acte » ; 2. « quand dire, c’est faire plusieurs choses à la fois » : une même réalisation linguistique peut exprimer plusieurs actes. L’idée est qu’il n’y a pas de correspondance entre une réalisation linguistique et un acte. Dans le cadre de la première définition, cette idée est développée avec une distinction entre réalisation directe (« passe-moi le sel ») et réalisation indirecte, celle-ci se distinguant entre conventionnelle (« peux-tu me passer le sel ? »), et non conventionnelle (« ça manque de sel… »). L’auteur décrit quelques marqueurs prosodiques, lexicaux et syntaxiques, ainsi que quelques codes permettant de retrouver le type de réalisation. Dans le cadre de la deuxième définition, elle introduit la notion de trope illocutoire pour désigner l’ajout ou la substitution d’une valeur illocutoire à une autre. Par exemple, l’énoncé « on étouffe ici » possède à la fois une valeur constative et une valeur indirecte de requête qui vient s’y ajouter. Le cas est – 3 – fréquent et les facteurs d’interprétation multiples et hétérogènes. L’auteur voit là une source de négociations et de malentendus, phénomènes sur lesquels elle termine sa présentation. Au cœur de l’ouvrage, le troisième chapitre approfondit la notion d’acte de langage avec la prise en compte de phénomènes conversationnels. Parmi ces phénomènes se trouvent le fait qu’un même acte de langage peut être construit par plusieurs locuteurs, par exemple lorsque l’un complète ou reprend l’énoncé d’un autre ; le fait qu’un même énoncé peut s’adresser à plusieurs interlocuteurs avec un acte particulier pour chacun d’eux, par exemple lorsque le locuteur parle à uploads/Litterature/ les-actes-de-langage-de-discours.pdf

  • 66
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager