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Dialogue http://journals.cambridge.org/DIA Additional services for Dialogue: Email alerts: Click here Subscriptions: Click here Commercial reprints: Click here Terms of use : Click here Le Problème de la perception chez Leibniz Yvon Belaval Dialogue / Volume 8 / Issue 03 / December 1969, pp 385 - 416 DOI: 10.1017/S0012217300041913, Published online: 09 June 2010 Link to this article: http://journals.cambridge.org/ abstract_S0012217300041913 How to cite this article: Yvon Belaval (1969). Le Problème de la perception chez Leibniz. Dialogue, 8, pp 385-416 doi:10.1017/S0012217300041913 Request Permissions : Click here Downloaded from http://journals.cambridge.org/DIA, IP address: 193.140.201.95 on 12 Jul 2014 LE PROBLEME DE LA PERCEPTION CHEZ LEIBNIZ A TTRIBUER la perception a toutes les monades, et pas JLJL seulement aux esprits,1 devait faire aussitot probleme et orienter par la suite l'histoire du leibnizianisme. Le probleme se trouvait posd, en premier lieu, par certaines ambigm'te's de Leibniz, quand il fonde les phenomenes psychologiques sur la ge'omdtrie projective de Yexpressio, transpose les formes d'Aristote dans le contexte d'un siecle cartdsianisd, se sert de l'analogie pour conclure; en second lieu, par la difficult^ intrinseque de la ques- tion; en troisieme lieu, animer toutes les monades ne revenait-il pas a accorder que la matiere peut penser ? ou bien, ne s'exposait- on pas a verser dans le spinozisme? II e'tait done prudent de r&erver la perception aux seuls esprits. Wolff trahissait ainsi la monadologie. Mais a peine croyait-on avoir sauve" la distinction des deux substances en rdduisant les simples monades aux Atomi Naturae de la Monadologia physica, qu'a partir de la mdtaphore des points animes on allait faire de 1'esprit une production de la nature, avec le mate'rialisme, ou de la nature une production de 1'esprit, avec la Naturphilosophie. On essaiera plus loin de donner une ide'e de cette histoire du leibnizianisme. Nous parlions de certaines ambiguiite's. Des la definition de la perception elles apparaissent. Parfois,—mais s'agit-il de notes de lectures ou de l'opinion de Leibniz ?—elle semble impossible:« Perceptio est ex eorum numero, 1 Monad. § 14. Les references a Leibniz sont introduites par des abreviations facilement reconnaissables—Monad. = Monadologie, Nat. Gr. = Principes de la Nature et de la Grace, N.E. = Nouveaux Essais, etc.—ou par certains sigles: P = Die philosophischen Schriften, M = Die mathematischen Schriften, ed. Gerhardt—Op = Opuscules et fragments inedits, ed. Couturat,—Jag = Leibnitiana Elementa Philosophiae arcanae de summa rerum,—T = Leibniz. Textes inedits, ed. G. Grua. 385 TVON BELAVAL quae percipiuntur potius quam definiuntur» (Op., 495). La perceptio se range alors parmi les termes (T, 542) ou formes (Jag. 120) simples, que nous comprenons imme'diatement et que nous ne pouvons pas toujours expliquer. Elle est la presenta- tion du sensible dont 1'analyse nous procure une connaissance plus ou moins claire, plus ou moins obscure, voire totalement obscure. Pour la designer, Leibniz invoque le miroir, la vision, la vue dans le « point de vue ». Or, le miroir rdflete—ou Pceil voit—un objet. La perception est done la conscience d'un objet present: « Omnis perceptio, sensio, sententia, est affectio mentis, quae involvit objecti existentiam» (T, 531). Cet objet peut etre physique, et, en particulier, « semper corpus nostrum percipimus » (T, 542). C'est pourquoi « esse nihil aliud est quam percipi posse » (Jag, 14), et, contre Descartes, il ne serait pas absurde d'admettre que le monde est un reve bien lid. En outre, humain ou surhumain,2 tout esprit se percoit dans la conscience de soi: en l'homme cette conscience se saisit comme inquietude du fini (N. E. II, xx, 6); en Dieu, cette « Perceptio ipsa seu Amor est spiritus sanctus » (T, 178). Qu'il s'agisse d'un objet physique ou de soi, dans les deux cas on a affaire a une existence actuelle: le cogito, le varia a me cogitantur sont des connaissances de fait, relevant a ce titre de la perception, et non des connaissances de raison qu'amenent les enchainements de pure intelligence (T, 580, 583). Notons-le en passant: c'est sans doute parce que le cogito leibnizien est une connaissance perceptive, que Kant a interpre'te' en ce sens le cogito carte"sien.3 En tout cas, et ceci est tres important pour l'avenir du leibnizianisme, la conscience de soi reste, comme le veut la tradition, le privilege des esprits, et, par suite, il ne faut pas confondre en eux Vaperception, qui leur est propre, avec la perception qui leur est commune avec toutes les monades. Dans ce « propre » et dans ce « commun » s'ouvre la double possibility d'un dualisme et d'un monisme. 2 Considerations sur le principe de vie, P. VI, 543: « II est raisonnable . . . qu'il y ait des substances capables de perceptions au dessous de nous, comme il y en a au dessus; et que notre ame, bien loin d'6tre la derniere de toutes, se trouve dans un milieu dont on puisse descendre ou monter; autrement ce serait un defaut d'ordre, que certains philosophes appellent vacuum formarum ». 3 Voir G. Dreyfus: Refutation kantienne de I'idSalisme, dans la Revue Philo- sophique, 1968. 386 LA PERCEPTION CHEZ LEIBNIZ Selon une deuxieme definition, celle-ci leibnizienne, la percep- tion est l'expression d'une multitude dans l'unite. Gdndriquement, « expression» s'applique a toute correspondance re'gle'e par nature ou par convention; mais il ne peut s'agir ici que de cor- respondance naturelle (The'od. §. 356). Spdcifiquement a notre propos, le terme s'applique a la correspondance projective du multiple a une unite, soit unite substantielle percevante (T, 557), soit corre"latif du multiple: l'ame a un point de vue, Tame est un point de vue, et, dans ce dernier contexte, l'accent ne porterait plus sur vue, mais sur point, le ge"ometre pouvant etre aveugle. Presque toujours associe" a la perceptio parmi les formes simples, le Situs determine une relation de coexistence (M. VII, 17-29). En euclidien, il est comparable au point d'accumulation d'une infinite" d'angles au meme sommet,4 et, en calcul infinitesimal, au point caracteristique. Maintenant, si l'ame a un point de vue, sa per- ception, parce qu'elle est expression, ne saurait accdder aux choses elles-memes, elle ne saisit que les modes, c'est-a-dire les relations qu'elle soutient avec elles, bref, leurs facultds d'apparaitre, apparendi facilitates (P. IV, 147; T. 322). L'esprit est la ou il percoit: « Mens potest plura simul cogitare. Mens igitur potest per operationem in pluribus locis esse» (Ak. VI, 510). Ce texte de jeunesse porte en germe 1'ide'alite' de 1'espace: il signifie que la perception de la distance est, en elle-meme, indistante, comme le sera la monade par rapport a une autre; le comprendre, c'est renoncer a la causality physique. L'univers monadologique est un tissu de relations parce que chaque monade est un centre de perception. Representation d'un externe, expression d'une multitude dans l'unite, ces deux definitions—l'une, psychologique, l'autre plus logico-mathematique—loin de s'exclure, se completent, puisqu'il n'y a de qualites sensibles que par la confusion de la multitude dans 4 Michel Serres: La Philosophic de Leibniz selon ses modules mathimatiques, Paris, 1968. Apres avoir parle de la geometrie euclidienne et de la geometrie algebrique, M. Serres explique, p. 350-351: « Que 1'on surcharge cette nouvelle geometrie de la theorie arguesienne du point de vue; que l'on compare 1'espace euclidien qui comprend le point et Vengloutit, et 1'espace perspectif ou le point comprend 1'espace, de son situs,—Vespace, c'est-a-dire la multiplicity qui le constitue—et Ton est ramene tout aussitot a la perception d'ou Ton etait parti». 387 YVON BELAVAL Punke", de l'infini dans le fini. Aussi de nombreux textes passent-ils de l'une a l'autre, par exemple: « Or cette liaison ou cet accommo- dement de toutes les choses cre'e'es a chacune et de chacune a toutes les autres, fait que chaque substance simple a des rapports qui expriment toutes les autres et qu'elle est par consequent un miroir vivant perpdtuel de l'univers» (Monad. §. 50); inversement, pour aller du miroir au rapport: « Non autem putandum est, cum speculum dico, me concipere quasi res externae in organis et in ipsa anima semper depingantur. Sufficit enim ad expressionem unius in alio, ut constans quaedam sit lex relationum, qua singula in uno ad singula respondentia in alio referri possunt » (Op., 15). De toute fagon, la perception est active, sa passivite relative est le correlatif, aussi indispensable que l'envers a l'avers, de Pactivite" monadique. Alors, tantot on parlera en psychologue d'appetitio, tendance, attention, etc., tantot on prelerera le vocabulaire de la Dynamique, et la spontanelte" perceptive se comprendra grace a la force. Apparition ou force, la perception enveloppera toujours l'infini et la vectorialite" du temps. Si les deux definitions se completent, elles ne se recouvrent pas: le passage de l'une a l'autre peut cacher un embarras ou, a Poccasion, le cre"er. Nous comprenons tous ce qu'est une perception par la conscience que nous avons des objets qui nous entourent, mais cette conscience meme semble interdire Phypothese des « petites perceptions », qu'il sera facile d'admettre a partir de la deuxieme definition. Prend-on pour base la premiere definition? il va presque de soi que le mecanisme—le machinisme cartdsien— ne saurait expliquer la perception, par Pargument banal: « rien de commun entre un mouvement et uploads/Litterature/ le-probleme-de-la-perception-chez-leibniz.pdf

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