LES ECRITURES MAGIQUES ET LE REGISTRE DES 2400 NOMS Introduction L'ésotérisme f
LES ECRITURES MAGIQUES ET LE REGISTRE DES 2400 NOMS Introduction L'ésotérisme fait appel à la loi des semblables et de l'analogie pour expliquer le rapport étroit qui naît là où le grand et le petit monde entrent en vibrations sympathiques. "Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas", précise la Table d'Emeraude, soulignant les liens vitaux qui unissent les choses de l'en-deçà et de l'au-delà, les rapports entre le créé et l'incréé, pour "faire des miracles d'une seule chose" et acquérir la connaissance des "rapports qui unissent Dieu, l'homme et l'univers" 1. La relation des deux mondes, induite par la règle des correspondances, trouve dans la théurgie l'une de ses formes privilégiées. Nous n'aborderons ici que l'une des particularités de cette relation, à savoir les signes magiques, révélés ou non, utilisés dans les opérations de "contact" avec le monde angélique par Martinez de Pasqually dans le Registre des 2400 noms. Il existe un lien entre le signe tracé par le mage et la manifestation céleste invoquée, entre le symbole et le résultat sensible de l'opération magique. Plus qu'un simple lien, le signe ou le caractère est un "médium" qui se transforme en une entité hypostatique; il est à la fois le seuil d'accès et la barrière qu'il faut franchir pour entrer dans le monde surcéleste. De simple clé, le signe peut devenir révélation, voire théophanie, manifestation scripturaire de l'incréé chez Pasqually. Toutefois, ce qui émane du signe n'est pas l'incréé, mais le reflet de ce qui appartient à l'invisible. C'est en quelque sorte une manifestation holographique, en ce sens qu'elle est à la fois pluridimensionnelle et seulement reflet. Chez Martinez, qui s’inscrit dans la lignée des grands mages, l'ange et l'homme utilisent rituels et symboles pour marcher l'un vers l'autre, bien qu'il n'y ait pas de cohabitation dans l'un ou l'autre des deux mondes et que ni l'ange ni l'homme ne franchissent jamais totalement la distance qui les séparent. Les lettres, signes ou caractères représentent en quelque sorte la graphie du verbe chez l’Elu- Cohen, ils en sont la première projection dans la matière. A l'image des conceptions de la magie naturelle, ils procèdent du même système de référence, qu’est la théorie des signatures et des correspondances 2. Parmi les différentes formes ou familles d'écritures magiques qui lient les deux mondes matériel et spirituel, nous nous sommes attachés à l'examen de l'une d'elle, au dessin baroque et connue sous le nom générique d'écriture "à lunettes" ou bouletée, utilisés entre autres, dans le Registre des 2400 noms 3. Bref historique Précédant ce Registre des 2400 noms, les signes de tous ordres (signatures ou "caractères faits à la ressemblance des choses célestes" 4) figurent en grand nombre dans les écrits magiques. Ils sont souvent donnés, ou expliqués, à l'occasion des recettes de création de pentacles. Nombre de ces signes sont identiques aux caractères et hiéroglyphes du Registre des 2400 noms, et de l'écriture “des Anges” en général. Les sources possibles, antérieures au XVIIIe siècle, sont nombreuses et présentent une grande homogénéité. 1 Nous pensons bien sûr aussi à l’ouvrage de Louis Claude de Saint-Martin : Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l'homme et l'univers (Edinbourg, 1782). 2 "Chaque chose par son harmonie interne et par l'étoile qui la régit porte un signe ou un caractère" cf. Agrippa in La magie naturelle (s.l., 1529), chap. XXXIII, page 107. 3 Cf. fond Prunelle de Lière, in manuscrit Grenoble T.4188. 4 H.C. Agrippa in La Magie Céleste (1533), page 199. www.Philosophe-inconnu.com En dehors de quelques incidents de parcours à l'époque médiévale, les écritures magiques "à lunettes" restent ancrées dans le système unifiant de la Philosophia occulta 5 sans être altérées par les courants analytiques modernes, sans confusion avec la stéganographie au sens restreint du terme qu’est le cryptage. Elles demeurent un outil de la pratique théurgique, un moyen d'accès au mésocosme. Si les témoignages antiques sont, pour des raisons évidentes, peu nombreux, le moyen âge connaît une large dispersion de ces signes bouletés, mais au détriment parfois, de la philosophia qui normalement les accompagnent. Ils perdent alors progressivement de leur spécificité, noyés dans un amalgame parcellaire d'objets, de mots, de signes et de rituels, portés par le courant que nous appelons ici, au sens générique du terme, salomonien. Les temps modernes sont ensuite le théâtre de la pureté retrouvée des motivations et des pratiques : ils cristallisent, en harmonie, avec la vision globalisante très représentative de cette période 6, le meilleur de ces écritures. La force de cette représentation homogène de l'univers explique que celles-ci passent avec succès les ruptures épistémologiques apparues aux XIVe et XVe siècle 7 pour entrer dans la pensée de la Renaissance sans perte de leur identité. Dans les temps modernes, Martinez de Pasqually se présente en digne héritier de ses prédécesseurs (tout en ne les nommant pas). Il ne se comporte ni en commentateur, ni en critique, mais en praticien de la magie et élabore tout un système de communication avec les entités angéliques, dont la clé de voûte est un registre où sont répertoriés les signes et caractères magiques. L'universalité, en théurgie et en magie au sens large du mot, est une des caractéristiques marquantes des signes bouletés. L’étude de cette forme d’écriture démontre que celle-ci est non seulement fort répandu géographiquement, mais homogène et cohérent au fil des siècles. Pratique de ces signes chez Martinez De Pasqually La théurgie de Martinez de Pasqually se distingue de celles qui l'ont précédée (dont celle de H. C. Agrippa) en ceci qu'elle se présente comme totalement dépouillée et désintéressée sur le plan matériel. Seul le salut du Mage, sa "réconciliation" avec l'au-delà justifie les "passes" 8 au rituel très précis. Sa théurgie, en effet, est une véritable gnose salvifique et purificatrice, dans la lignée de Plotin ou de Proclus 9. Il utilise l'Ecriture des Anges dans ses rituels, afin d'invoquer chaque entité par son nom (signe ou hiéroglyphe). Les "passes" des Elus-Cohen consistent en l'apparition de glyphes lumineux 10, manifestation directe de l'entité céleste. Ce phénomène est dépendant de la pratique du rituel : on trace au sol des cercles et diverses figures géométriques, comportant des caractères ou hiéroglyphes 11, eux-mêmes consignés dans le Cahier des 2400 noms. L'interprétation des glyphes lumineux reçus se fait à l'aide de ce Cahier, et les caractères simples non connus sont mis en correspondance avec les 5 Au sens où H.C. Agrippa l'entendait en son De Occulta Philosophia, sens généralement admis de la fin du XVe au XVIIe. Un univers fait de miroirs analogiques où toutes choses se reflètent, où toute image est renvoyée sans cesse entre les deux mondes. 6 Période où le paracelsisme, qui soigne par "les semblables" va entrer en lutte serrée avec le galiénisme qui lui, non lié à l'hermétisme, soigne par "les contraires". 7 Notamment par l'adoption d'un aristotélisme strict ou les liens ténus qui unissent macrocosme et microcosme tendent à se dénouer. 8 "passe" : opération magique destinée au contact avec les entités angéliques dans le vocabulaire des Elus-Cohens. De même, Martinez de Pasqually nommait "la Chose" sa théurgie : cf. différentes correspondances entre lui et ses disciples, et R. Le Forestier, La Franc-Maçonnerie occultiste au XVIIème siècle – L’Ordre des Elus Coens, Paris : La Table d‘Emeraude, 1987, p. 98. Les passes étaient réservées aux adeptes supérieurs, les Réau-Croix. 9 "Matérielle est l'envie...sans envie est la gent théurge." cf. "Commentaires sur la philosophie chaldaïque" in La Sagesse des Chaldéens (Paris : Budé, 1993), page 60. 10 Ces apparitions lumineuses rappellent fortement celles des Oracles Chaldaïques. cf. note ci-dessus.. 11 Cf. notamment la lettre de Saint Martin du 27 Janvier 1772. - Les écritures magiques et le registre des 2400 noms - Gilles Le Pape - www.philosophe-inconnu.com lettres de l'alphabet hébreu 12. Les lettres de Martinez de Pasqually donnent quelques indications sur "la chose" et les effets produits; on se reportera notamment à sa correspondance du 16 Février 1770 avec Willermoz 13. Classification proposée Préalablement à l’approche du Registre, nous avons proposé, dans des travaux antérieurs une méthode de classification des alphabets magiques 14 bouletés en trois groupes que nous résumons : - Le premier groupe (talismanique ou salomonien) autorise la communication de "bas en haut", du terrestre vers le céleste. Le talisman, en symbolise l'application type (protectionniste). L'homme créé l'objet et les signes qui feront le réceptacle des forces d'en-haut et les concentrerons à la façon d’une loupe avec les rayons du soleil. - Le deuxième groupe (naturel) établit la communication de "haut en bas" par les signes de la nature. C'est en effet là-haut que les anges animent les objets célestes, comètes, étoiles ou planètes, pour faire parvenir des messages aux hommes, que seuls les possesseurs des alphabets sauront décrypter. Cette communication qui, émise par le céleste, à l'attention de l'homme qui possède la clé, a pour but de l'informer des grands événements qui se préparent. Elle est également unilatérale comme dans le premier cas, puisqu'elle ne répond pas à une requête. Ex. écritures Célestes, de Malachim, arcanum etc. - Le uploads/Litterature/ le-pape-gilles-ecritures-magiques-martinez-de-pasqually.pdf
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- Publié le Dec 30, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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