1 Mary Odier, Elena Bretton, Adrien Zulet et Anne Vogt 20.04.2017 La représenta

1 Mary Odier, Elena Bretton, Adrien Zulet et Anne Vogt 20.04.2017 La représentation de soi en littérature 2 Quelle part l'auteur occupe-t-il dans son œuvre ? Une œuvre ne contient-elle pas d'office une part de l'auteur ? Où se situe l'auteur dans une fiction? Voici le genre de questions que pose la représentation de soi en littérature. En effet, la représentation de soi suscite de nombreux questionnements et génère d’innombrables théories. De plus, ce sujet touche de nombreux genres littéraires comme la poésie, l'autofiction ou encore l'autobiographie. Le mot « représentation » vient de l’expression latine repraesentare, qui signifie rendre présent. Le mot « soi » vient du latin se, qui est un pronom personnel. La définition de ce sujet devient donc évidente et se définit comme action de se représenter, d'exposer son soi1. « Ecrire le moi, ce serait donc copier ce moi avec plus ou moins de fidélité, littéralement le re-présenter » 2. En effet, l'auteur dans l'élaboration d'une œuvre représentant le soi, a plusieurs voies possibles. Comment les auteurs de La Chute, de Moravagine, Du côté de chez Swann et Les Confessions procèdent-ils à représenter leur soi ? L’auteur peut tout d’abord parler de son soi dans une œuvre et présenter celle-ci comme un ouvrage autobiographique. Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau en est un bon exemple. Dans son œuvre, il y retrace le cours de sa vie. De sa naissance jusqu’à ses vieilles années, il tente de se montrer tel qu’il est vraiment. L'auteur peut également représenter son soi de manière latente à travers des récits fictifs. Toutefois, la représentation du soi se devine derrière le récit inventé. A travers la triste expérience d’un homme qui a renoncé à tout et qui attend son jugement, Camus, dans La Chute, partage avec nous sa théorie au sujet de l’absurde. Blaise Cendrars écrit en 1926 Moravagine dans un but carpatique. Il prend le pire de lui-même pour le placer dans un seul être, Moravagine, afin de se libérer. Il se représente en effet dans cette œuvre sous différentes formes, en tant qu’auteur, protagoniste, narrateur et même spectateur. Du côté de chez Swann est une autofiction écrite par Marcel Proust. Comme le nom l’indique, son œuvre est un mélange entre une autobiographie et une fiction. Proust retrace des évènements qui se sont réellement passés dans sa vie et les adapte afin de les faire vivre à ses protagonistes. À aucun moment Proust revendique son œuvre en tant qu’autobiographie, contrairement à Rousseau qui lui, le dit explicitement au début de son ouvrage. La première partie du roman Du côté de chez Swann se passe à Combray. L’histoire est focalisée sur l’enfance de Marcel, les différents souvenirs et le drame lorsque Marcel ne reçoit pas le baiser de sa mère avant d’aller se coucher. Dans la seconde partie, c’est une tout autre histoire. Charles Swann vit une histoire d’amour avec Odette de Crécy. 1 Dictionnaire encyclopédique Quillet, Edition Quillet, 1998, Paris 2 Méthodes et problèmes, La figuration de Soi, Laurent Jenny, 2003 2 Méthodes et problèmes, La figuration de Soi, Laurent Jenny, 2003 3 Premièrement, l’auteur d’une œuvre peut exprimer son soi sous la forme d’une autobiographie comme Rousseau l’a fait dans les Confessions. « Vitam impendere vero », « consacrer sa vie à la vérité », telle était la devise de Jean-Jacques Rousseau au XVIIIème siècle. Son exigence était de dire la vérité, d’être sincère. Il désire que son œuvre se démarque des autres grâce à cela. Au début du Livre I, il dit : « Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme ce sera moi. […] Je dirai hautement : " Voilà ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus. J'ai dit le bien et le mal avec la même franchise. […] Je n'ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon, […]. Je me suis montré tel que je fus ; méprisable et vil quand je l'ai été, bon, généreux, sublime, quand je l'ai été : j'ai dévoilé mon intérieur tel que tu l'as vu toi-même. » (p.29) À l’époque, on craint la publication des Confessions, car on a peur qu’il règle ses comptes et, en effet, lorsque l’ouvrage parait, la population est choquée, car Rousseau y raconte son enfance, chose qui ne se fait pas à l’époque, car l’enfant est peu considéré. Il y retrace également les évènements marquants de sa vie comme la fameuse scène de la fessée ou encore celle du peigne ainsi que les rencontres qu’il a pu faire au cours de son existence. Les Confessions peut donc facilement être qualifié d’autobiographie, puisque l’autobiographie est un récit écrit à la première personne et chronologiquement ordonné qu’un auteur fait de sa vie dans lequel il réfléchit sur la formation de sa personnalité. Il faut toutefois garder en tête que le terme « autobiographie » est apparu plusieurs décennies après le projet de Rousseau, c’est pourquoi il est nécessaire d’aborder ce sujet avec une certaine prudence, même si, bien souvent, on attribue la naissance du terme au succès des Confessions. Nous qualifierons l’autobiographie de « saisie logico-temporelle du moi »3. Elle a pour but de retracer l’existence de l’auteur jusqu’au moment où il écrit. Il est toutefois important de comprendre que la signification globale de ce type d’œuvre l’emporte sur sa durée. En plus de raconter les évènements de la vie de l’auteur, l’autobiographie les ordonnent, en trouve la potentielle signification cachée et montre les liens entre effets et causes par rapport à ce que l’auteur a vécu. La définition ci-dessus met donc en avant certaines caractéristiques du genre autobiographique. Tout d’abord, une autobiographie est une narration. En plus d’exposer au lecteur ses idées et sa description physique, Rousseau raconte, tout au long des Confessions, l’histoire de sa vie tout en la romançant quelque peu. Les Confessions serait donc une sorte d’autobiographie romancée. De plus, le personnage principal de l’œuvre est non seulement le héros de l’histoire, le narrateur mais aussi l’auteur, 3 Citation tirée du site web : https://www.unige.ch/lettres/framo/enseignements/methodes/figurationsoi/fsintegr.html#fs033000 4 autre caractéristique du genre autobiographique. Dès le début du récit, le héros nous est présenté: « Je suis né à Genève en 1712, d’Isaac Rousseau, citoyen, et de Suzanne Bernard, citoyenne. » (p. 30) On connaît le nom et prénom de sa mère ainsi que celui de son père qui nous dévoile aussitôt l’identité de son fils : « Quand il me disait : Jean-Jacques, parlons de ta mère. » (p.31) Rousseau se représente donc dans ses jeunes années avec le regard d’un homme devenu vieux. Ce narrateur est le même homme que l’enfant ou le jeune homme qui nous est présenté dans les premiers Livres, il possède simplement plus de recule, d’expérience et peut donc aisément commenter son attitude. Le narrateur des Confessions est en fin de compte Rousseau âgé qui a déjà vécu une grande partie de sa vie, tandis que le héros des premiers Livres est encore jeune et naïf et ne connaît pas encore son futur. Celui qui écrit et signe le livre est l’auteur, c’est donc bien Jean-Jacques Rousseau dans notre cas. Héros principal de l’histoire, narrateur et auteur forment donc une seule et même personne dans cette œuvre. Enfin, l’ultime caractéristique de l’autobiographie est l’accent que l’auteur met sur tel ou tel facette de sa vie. Il peut insister sur des faits dont il a été témoin tout comme il peut s’appuyer sur des moments vécus en personne. On considère une œuvre d’autobiographie seulement si celui qui écrit a une réflexion sur sa personnalité et sur sa formation plus que sur ce que cela produit chez le lecteur. C’est effectivement ce que fait Rousseau avec Les Confessions. Comme dit précédemment, il a, avec cette œuvre, un réel projet de vérité et de sincérité envers ses lecteurs, mais surtout envers lui-même. Jean-Jacques veut dévoiler toutes les facettes de son être. Il prétend se montrer tel qu’il est. Nous remarquons également la chronologie à laquelle opère Rousseau tout au long du livre. Le récit est organisé de la manière suivante : l’auteur défend tout d’abord son projet, puis il dépeint le cours de sa vie de manière chronologique. Il raconte dans le premier Livre sa naissance ainsi que son enfance. Le récit commence à la naissance de Rousseau, c’est-à-dire au commencement de sa vie. La phrase de la page 30 dont nous avons parlé précédemment (« Je suis né à Genève […]. ») met également en avant l’origine de l’auteur. Tel le registre d’état civil, elle prend acte de sa naissance comme la société le fait. Puis, dans le Livre II, il décrit son adolescence jusqu’à l’âge de seize ans. Dans les Livres III et IV, il fait le tableau de ses jeunes années, de la seizième à la vingtième année. Dans les autres Livres, il raconte sa vie d’adulte. Nous constatons donc par tout cela que Les Confessions possède effectivement les caractéristiques uploads/Litterature/ la-reprecc81sentation-de-soi-en-littecc81rature.pdf

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