RETOUR : Ressources communes Patrick Sultan : Cours sur la critique littéraire.
RETOUR : Ressources communes Patrick Sultan : Cours sur la critique littéraire. Première mise en ligne : 26 septembre 2006. Complétée les 6, 18, 23 octobre, et le 17 novembre 2006. Mise en ligne achevée le 26 novembre 2006. © : Patrick Sultan. Ce cours est destiné à des étudiants de 1ère année de Lettres Modernes ; il est donné dans le cadre des cours de Licence de l'Université Antilles-Guyane (premier semestre 2006). Il peut faire l'objet seulement d'un usage personnel : aucune reproduction n'en est permise, sous quelque forme que ce soit. Contacts Tout message envoyé par cette voie à Patrick Sultan lui sera transmis rapidement. LA CRITIQUE LITTÉRAIRE La critique critiquée. Examen du cas français Voir la BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE. Introduction La critique littéraire, cette notion, ou plus exactement ce champ d'étude, n'est pas abordée en tant que telle dans les études littéraires secondaires ; on y enseigne les auteurs de la littérature, on y lit des œuvres, on apprend aussi des éléments d'histoire littéraire et l'on s'initie au classement des œuvres par genre (épistolaire, roman, poésie, théâtre, autobiographie…). On n'a pas à se demander quelle est l'essence de la critique. Cependant si la critique ne fait pas l'objet d'une approche théorique, au terme de laquelle on se demande ce qu'est la critique littéraire, on la pratique cependant sous la forme scolaire du commentaire composé, de la lecture analytique… On parle des œuvres, on écrit sur des textes, La critique littéraire http://pierre.campion2.free.fr/sultancritique_cours.htm 1 de 20 27/10/2018 14:05 on réfléchit à propos d'un poème, d'une scène ou d'un personnage romanesque… Sur, à propos de… — ces prépositions indiquent bien que l'on construit un discours second, on commente, on apprécie, on observe, on juge éventuellement une construction textuelle. Le cours qui débute aujourd'hui et s'adresse à des étudiants de première année de Lettres Modernes, porte non sur la pratique critique mais sur la théorie critique. On ne lira pas une œuvre de Baudelaire, de Victor Hugo… mais on se demandera plutôt comment parler de leurs œuvres, et même plus généralement comment s'organise le discours sur une œuvre littéraire quelle qu'elle soit, quelle en est la finalité. Nul n'ignore que les écrits littéraires ont donné lieu à toutes sortes de commentaires. La seule œuvre de Shakespeare a ainsi suscité une telle pléthore de gloses qu'une vie suffirait à peine pour les lire. Une bibliographie critique des œuvres de Racine occuperait plusieurs volumes entiers. Cette inflation est vertigineuse et pourrait finir par susciter un sentiment de découragement, d'inanité. À quoi bon ? Cette activité critique surabondante et qui s'accroît de jour en jour, est-elle bien utile ? Et ne pourrait-on pas se dispenser de ce long détour ? Que fait-on exactement d'ailleurs lorsque l'on porte un regard critique sur une œuvre ? Qu'est-ce qui fonde la légitimité de ce discours ? Y a-t-il de bonnes ou de moins bonnes manières de soumettre une œuvre à la critique ? ou du moins comment notre discours sur une œuvre peut-il espérer lui apporter ce qu'elle n'a pas ? Il convient de réfléchir à un acte réflexif, un acte de second degré (secondaire ?) que nous pratiquons depuis l'école primaire. Autrement dit, nous nous proposons de soumettre à la critique la critique littéraire : elle qui d'ordinaire juge, elle sera jugée à son tour. Le mot de critique : la problématique du cours Mais arrêtons-nous d'abord sur le mot lui–même de « critique » qui comporte plusieurs acceptions, plusieurs significations, lesquelles ne s'accordent pas toutes entre elles. Tout d'abord remarquons que « critique » est à la fois un adjectif et un nom ; historiquement, c'est d'abord un adjectif, qui vient par le latin criticus du grec krineïn. Krineïn, c'est juger comme décisif. Il appartient au vocabulaire antique de la médecine, ce qui fait rapport à une crise ; l'organisme est en danger, en perturbation et il faut une intervention pour y mettre un terme. Cet état d'urgence suppose de bien diagnostiquer et surtout d'appliquer les règles médicales à bon escient. Cela amène un changement décisif, crucial. On parle ainsi de phase critique de la maladie, ou bien encore de l'« âge critique » pour désigner la ménopause… Il faudra garder à l'esprit ce terme dont le sens ne disparaît pas complètement et qui reste sous-jacent aux sens modernes du vocable. Cependant, ce qui concerne notre propos, il s'agit essentiellement du nom, d'apparition plus récente (XVIIe siècle) : la critique. Il désigne alors un jugement intellectuel c'est-à-dire un acte portant sur l'examen d'un principe, d'un fait, en vue de porter une appréciation. On parle ainsi de la critique artistique ; on juge non pas les œuvres mais des œuvres (analyse, appréciation, examen). Par glissement métonymique, ce sens (activité) se restreint au sens de « résultat » de cette activité judicatoire, de ce jugement : on peut dire alors : « Ce roman/ce spectacle/ce concert a La critique littéraire http://pierre.campion2.free.fr/sultancritique_cours.htm 2 de 20 27/10/2018 14:05 reçu une bonne ou une mauvaise critique. » La critique se teinte d'une signification plus morale, repose sur une axiologie : « Sa conduite mérite une sévère critique. » On finit même par le prendre exclusivement en mauvaise part ; la critique est un jugement négatif, défavorable (blâme, attaque, condamnation, éreintement) : « Il subit des critiques incessantes. » Dans ce cas, on juge les œuvres. Enfin plus spécifiquement la critique littéraire constitue comme un genre littéraire en soi ou si l'on veut, elle est, selon le mot de Ferdinand Brunetière, « la contrepartie de tous les genres littéraires », sous la forme d'articles, de recensions, de recueils d'articles, ou d'essais, de monographies. Le nom féminin, « la » critique, se spécialise dans une fonction, un métier, un état ou une profession : le critique, cette figure apparue dans la vie littéraire française à partir essentiellement du XVIIIe siècle, s'est développée au XIXe siècle (citons parmi des dizaines de noms, illustres mais passablement tombés dans l'oubli, ceux de Jean François de La Harpe (1739-1803), d'Abel François Villemain (1790-1870), de Jules Janin (1804-1874), de Gustave Planche (1808-1857), de Ferdinand Brunetière (1849-1906), de Jules Lemaître (1853-1914), d'Émile Faguet (1847-1916). Seule l'œuvre de Sainte-Beuve (1864-1869) a perduré et gardé des lecteurs malgré de sensibles éclipses. La critique est ainsi une forme d'écriture qui, bien qu'elle prenne appui sur un autre texte, peut avoir son autonomie propre : on ne peut écrire de la critique sans avoir lu une œuvre littéraire mais on peut fort bien en lire sans avoir (encore) lu, ou même sans jamais lire l'œuvre critiquée. En rassemblant tous ces sens distincts, la critique littéraire se délimiterait ainsi : 1/ Par un jugement que l'on porte sur une œuvre : on juge des œuvres ; la critique aurait alors une fonction de connaissance, serait du côté du savoir, de la science. D'où la question : que doit-on savoir d'une œuvre ? quel savoir la critique littéraire peut-elle nous offrir ? 2/ Par un jugement de valeur : on juge les œuvres La critique poserait la question de la valeur esthétique. D'où la question : quels sont les limites et les fondements de ce jugement ? 3/ Par un jugement de goût. La critique arbitrerait la question du goût, permettrait une juste appréciation d'une œuvre. D'où la question : jusqu'à quel point la critique nous permet-elle de goûter, d'apprécier mieux l'œuvre ? Cette distinction donnerait lieu à distinguer trois fonctions : description, interprétation/évaluation, appréciation Cette triple question, si on tente d'y répondre, donnerait les linéaments d'une critique de la critique littéraire. Avant d'aborder directement cette question, il est nécessaire d'analyser ce que peut bien recouvrir « la critique littéraire », son champ, en fait ses champs d'exercice. I - Typologie de la critique littéraire Je vous renvoie pour cette question à la lecture de : - Fabrice Thumerel, La Critique littéraire, Armand Colin, Cursus, 2000. - Albert Thibaudet, Réflexions sur la critique littéraire, Gallimard, 1939, pp. 125-136. - Albert Thibaudet, Physiologie de la critique, Librairie Nizet, s.d., (1930). - Antoine Compagnon, La Critique Littéraire, Article de l'Encyclopaedia Universalis. - Gérard Genette, Figures V, Seuil, 2002, pp. 7-12. La critique littéraire http://pierre.campion2.free.fr/sultancritique_cours.htm 3 de 20 27/10/2018 14:05 Je commenterai seulement et reprendrai les grandes lignes de l'analyse typologique établie par A. Thibaudet (1876-1936), ce critique français de l'entre-deux-guerres qui fut à la fois professeur et journaliste, universitaire, et chroniqueur dans la fameuse Nouvelle Revue Française, fondée par André Gide. En effet, la description géographique qu'il donne de la critique présente l'avantage d'être claire et distincte, mais aussi subtile en ce qu'elle ne fige pas le champ critique, établit des liaisons, des passerelles dans cet univers assez mouvant. Il distingue trois critiques : Je les appellerai […] la critique des honnêtes gens, la critique des professionnels, et la critique des artistes. La critique des honnêtes gens, ou critique spontanée est faite par le public lui-même, ou plutôt par la partie éclairée du public et par ses interprètes immédiats. La critique des professionnels est faite par des spécialistes, dont le métier est de lire des livres, de uploads/Litterature/ la-critique-litteraire 2 .pdf
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- Publié le Dec 27, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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