JORGE LUIS BORGES: L'UNIVERS, LA LETTRE ET LE SECRET Illustration de couverture
JORGE LUIS BORGES: L'UNIVERS, LA LETTRE ET LE SECRET Illustration de couverture: Rodolfo FUENTES, Montevideo, 1995. Edition: Linardi y Risso <C> L'Harmattan, 1999 ISBN: 2-7384-8224-4 Marcel Le Goff JORGE LUIS BORGES: L'UNNERS, LA LETTRE ET LE SECRET Préface de Michel Lafon Professeur à l'Université Stendhal de Grenoble Éditions L'Harmattan 5-7, rue de l'École-Polytechnique 75005 Paris -FRANCE L'Harmattan Inc. 55, rue Saint-Jacques Montréal (Qc) - CANADA H2Y 1K9 Collection Horizons Amériques Latines dirigée par Denis Rolland, Joëlle Chassin Pierre Ragon et Idelette Muzart Fonseca dos Santos Déjà parus ABBAD Y LASIERRA I., Porto Rico, (1493-1778). Histoire géographique, civile et naturelle de l'fie, 1989. BALLESTEROS Rosas L., La femme écrivain dans la société latino-américaine, 1994. GRUNBERG B., Histoire de la conquête du Mexique, 1996. LECAILLON J.-F., Résistances indiennes en Amériques, 1989. LECAILLON J.-F., Napoléon III et le Mexique. Les illusions d'un grand dessein, 1994. MINAUDIER Jean-Pierre, Histoire de la Colombie. De la conquête à nosjours, 1996. ROINA T C., Romans et nouvelles hispano-américains. Guide des oeuvres et des auteurs, 1992. ROLLAND D. (ss la dir.), Amérique Latine, Etat des lieux et entretiens, 1997. ROLLAND D. (dir.), Les ONGfrançaises et l'Amérique Latine, 1997. SARGET M..-Noëlle, Histoire du Chili de la conquête à nos jours, 1996. SEQUERA TAMAYO I., Géographie économique du Venezuela, 1997. CAMUS Michel Christian, L'lIe de la tortue au coeur de la flibuste caraïbe, 1997. ESCALONA Saul, La Salsa, un phénomène socio-culturel, 1998. CAPDEVILA Lauro, La dictature de Trujillo, 1998. BOHORQUEZ-MORAN Carmen L., Francisco de Miranda. Précurseur des Indépendances de l'Amérique latine, 1998. LANGUE Frédérique, Histoire du Vénézuela, de la conquête à nos jours, 1998. A ma femme Nous ne connaissons pas les desseins de l'univers, mais nous savons que raisonner avec lucidité et agir avec justice c'est aider ces desseins, qui ne nous seront pas révélés. J. L. Borges « Une prière », Eloge de l'ombre. J'ai trompé mes parents. Je sais qu'ils m'engendrèrent Pour la vie, pour le risque et la beauté du jeu, Pour la terre et pour l'air, pour l'eau et pour le feu. J. L. Borges « Le Remords », La Monnaie de fer. PREFACE Un siècle borgésien Comment peut-on ne pas être borgésien, à cent ans de la naissance du «mystificateur impénitent », et comment se priver de la lecture (dans quelque langue que ce soit, mais si possible dans sa langue d'origine, tellement elle s'en est trouvée révolutionnée et magnifiée) de quelques-uns des livres qui ont marqué ce siècle: Fictions, L'Aleph ou Le Livre de sable, mais aussi Discussion et Enquêtes (Otras inquisiciones), et encore L'Auteur (El hacedor) et L'Autre, le même? Pourquoi arrive-t-il que l'on veuille lier avec l'auteur dont on est hanté quelque rapport supplémentaire, et supérieur? Borges est de ces écrivains qui poussent à lire, à relire, à écrire et à réécrire. Certains lecteurs ne ressortent jamais tout à fait de «La maison d'Astérion », certains s'interrogent sans fin sur la vraie nature de Kilpatrick, de Nolan et de Ryan, et méditent éternellement la dernière phrase de «Thème du traître et du héros ». J'en sais qui ont appris l'espagnol pour goûter ses poèmes à la source. D'autres qui redécouvrent périodiquement que telles pages d'Enquêtes ou de Fictions proposent, sur la littérature et son destin, quelques-unes des leçons les plus mémorables qu'ait pu produire notre siècle. Ce qui est terrible avec Borges, ce qui est exemplaire, c'est qu'il n'y a pas de «reste» dans son œuvre, pas une phrase qui ne soit d'une manière ou d'une autre «borgésienne », qui ne se raccroche à l'œuvre tout entière, qui ne fasse naître tout ensemble le sourire, la 12 Préface perplexité et la fascination. Borges fait toujours du Borges, c'est son drame et c'est son charme, inexorablement. Et puis donc il est une catégorie parmi ces lecteurs qu~ ayant succombé mainte fois à « l'inépuisable plaisir » de ces textes, décide de systématiser sa lecture, de la fixer sur le papier, de la faire partager à d'autres. Mais quel livre alors écrire sur Borges, sur son œuvre,qui ne figure déjà au catalogue de la Bibliothèque de Babel? Une autofiction (<<moi et Borges»), une autobiographie fictive (<<mo~ Borges »), une nouvelle biographie littéraire, un exhaustif Borges et Shakespeare, un Contre Borges enflammé, à défaut d'un aléatoire Borges et l'équitation protestante? Le livre que propose Marcel Le Goff se veut un voyage à travers l'œuvre de Borges. Il y a une certainemodestiede sa part, ou une certaine audace, à ne pas poser au spécialiste. C'est avec l'enthousiasme d'un «amateur» qu'il demande à être suivi de texte en texte. Le Goff relit une fiction, il convoque un essa~ il rappelle un poème, avec la même liberté que lui inspire son modèle, «auteur absolument et merveilleusement libre », mais sans jamais perdre de vue une cohérence globale, qui lui impose notamment de faire précéder l'étape de l'écriture de celle de la lecture, dont on sait (au moins depuis Genette et «L'utopie littéraire », cette si brillante « figure» inaugurale) à quel point elle est en effet première dans cette production. Les spécialistes du borgésianisme seront peut-être irrités par certains partis pris, les nouveaux venus dans cet univers trouveront dans de nombreuses pages de ce livre des synthèses éclairantes, nul sans doute ne sera insensible à cet exercice d'admiration et de passion. Une saine obsession court tout au long de ce livre, de la première à la dernière page: celle de replacer Borges dans son contexte argentin (et latino-américain), dans sa «patrie culturelle », tout en le tirant vers un universel auquel il ne cesse d'atteindre. Une autre l'accompagne: celle de le défendre, voire de le réhabiliter, contre des griefs politiques qui lui furent faits lors des dernières décennies de sa vie. C'est tantôt au nom de tel texte ou de tel engagement précis que Le Goff dédouane son auteur (a-t-on jamais lu «Deutsches Requiem» ?), tantôt au nom de la littérature en général (que peut, au fond, la littérature ?). Le débat est infin~ il Un siècle borgésien 13 dispense certains procureurs de lire l'œuvre borgésienne, mais il est surtout significatif d'au moins deux faits marquants et très liés: l'extraordinaire résistance de toute cette production aux lectures de type idéologique, sociocritique, aussi insistantes soient- elles; et la complaisance de Borges, notamment par ses propos, à relancer ce débat, comme un défi un peu masochiste lancé au «possible lecteur », ou comme la revendication secrète d'être lu au plus profond, par ces très rares lecteurs capables de deviner, tout au bout d'une fiction, « une réalité atroce ou banale ». Le Goff a beaucoup lu Borges et il a beaucoup lu les exégètes de Borges. Peut-être accorde-t-il trop de crédit à certains: quand une œuvre littéraire acquiert aussi vite le statut d'un «classique », ses exégètes, les premiers notamment, s'en trouvent en quelque sorte contaminés, au point qu'on n'ose pas assez les remettre en question. Mais une de ses grandes qualités, outre les nombreux bonheurs de sa plume, est de savoir nous faire partager son regard de « voyageur» : sur plusieurs textes borgésiens (je pense aux pages consacrées par exemple à «Pierre Ménard, auteur du Quichotte », à «Tlon, Uqbar, Orbis Tertius », à «La quête d~verroes »), il réussit à allier la connaissance des principaux apports de la critique à la fraîcheur de point de vue du (bien relatif) «recienvenido» : il n'est assurément pas inutile de savoir désigner, au sein de textes si souvent visités, quasiment saturés de lectures et de gloses, quelques lignes de force et quelques vérités que les approches les plus minutieuses et les plus détaillistes négligent parfois, les croyant d'évidence ou, telle la lettre volée, ne les voyant pas. Sans jamais oublier le plaisir incomparable pris à lire ces fictions, mais en essayant au contraire de restituer la jouissance et le vertige liés à la toute première découverte de chacune de ces « aventures », Le Goff fait le pari d'évoquer un Borges « total », à la fois « savant, poète et mystique» ,. il nous conte, en pratiquant avec jubilation l'érudition (qui est au fond, sous l'invocation de Pierre Ménard, une «technique de l'anachronisme délibéré »), une «aventure humaine complète », aux carrefours de la philosophie et de la mystique, de l'art et de l'histoire, des sciences et des littératures. Tout au bout de sa quête d'une «unité perdue », c'est le Borges poète qui nous 14 Préface attend, et qui lui inspire encore de belles pages sur la voix nostalgique des origines. Le genre narratif inventé par Borges au tournant des années 1938-1939, tel critique l'a nommé, nous rappelle Le Goff, le «récit d'aventures abstrait ». D'autres appellations sont possibles, pour un genre de toute façon insaisissable, mais assurément décisif - peut- être le seul genre littéraire, à en croire Calvino, qu'ait produit notre siècle: on le nomme parfois, tout simplement, la « fiction borgésienne », la tautologie mimant d'une certaine manière la circularité des nouvelles autant que l'autosuffisance de ces textes achevés, leur autotélisme, leur résistance à la lecture, leur puissance d'inspiration, leur persistance dans nos mémoires... uploads/Litterature/ jorge-luis-borges-l-x27-univers-la-lettre-et-le-secret.pdf
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- Publié le Fev 01, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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