- 7 -  L’Ange me prit une troisième fois et me serra au point que je n’en pouv

- 7 -  L’Ange me prit une troisième fois et me serra au point que je n’en pouvais plus, me relâcha et me dit : “Lis au nom de ton Seigneur qui a créé…”  (Tafsîr, Ibn Kathîr, Tome 7, p. 325). Trad. Michel Vâlsan, Le Commentaire ésotérique du Coran de Qâshânî, E.T., 1969, p. 255. 2. Cf. versets 5, 8, 10. Dans sa formulation hébraïque, le verbe iqrâ n’est pas au mode impératif (amr en arabe) comme dans le texte cora- nique. Toutefois, l’idée d’ordre apparaît dès le troi- sième verset sous la forme va-yomer Elohîm, « et Elohîm appela ». Il s’agit en effet d’or- donner le Chaos. 3. Cf. La Bible d’Alexandrie, Traduction P. Harlé et D. Pralon, Vol. 3, p. 14 (Paris, 1988). Le Léviti- que commence ainsi : « IQRA’ ! » Au Vénéré Maître ‘Abd al-Wâid Yayā, à la constitution nominale duquel sont dues ces lignes. IQRA’ qra’ ! Bien qu’elle ne figure pas aujourd’hui en tête du texte coranique, cette injonction est le premier mot de la Révélation faite au Prophète de l’Islam ; elle donne naissance au Coran, expression du Verbe divin 1. Cet impératif est construit sur la racine QR’ dont est issu le substantif Qur’ân qui désigne la “Lecture” par excellence. On constate ainsi que la manifestation du Coran est ordonnée à partir de sa propre racine. De la sorte, on peut considérer le vocable sacré Iqra’ comme une synthèse de tout le Livre. L’implication de ce terme Iqra’ dans un processus génératif est également attestée par la Bible elle-même. En effet, il est présent dans le Berechît de la Genèse 2 où il figure sous une forme voisine de celle de l’arabe. De plus, il est mis en exergue dans le Lévitique que la tradition juive désigne par Va-iqrâ parce qu’il en constitue le premier mot. « Et Il cria à Moïse et Il lui parla, Yahvé... » sont les paroles initiales de ce qui est considéré comme le “Livre sacerdotal” ou le “Livre de l’enseignement des prêtres”, d’après la Mishna 3. La Révélation divine accordée à Moïse au mont Sinaï, que détaille le Lévitique, est ainsi analogue à celle octroyée à Muhammad sur le I 1. L’épisode des débuts de la Mission muhammadienne où l’ange Gabriel “comprime” par trois fois le Prophète, pour déclencher en quelque sorte le Message, renforce cette idée d’expression ou mieux d’ “ex-pression” :               !       ְָר ִק י ֶר ַיּאמ ו ִים ֱלה א ּ ּ ָ ْ א ְר ַיּק ו ֶה ֶלמש א ֵר ַבּ ְד ַי ו ָה ְהוֹ י ּ SCIENCE SACRÉE - 8 - mont Hirâ’, surnommé depuis Jabal al-Nûr, le Mont de la Lumière. Ibn ‘Arabî a d’ailleurs intitulé « Demeure (manzil 4) de la première récitation, qui fait partie de la dignité (ou “présence”) moïsiaque » le chapitre 288 des Futûât consacré à la sourate où figure ce premier vocable. Signalons toutefois que si la collection de ‘Alî commençait par Iqra’ 5, la version actuelle du Coran, celle du troisième Khalife ‘Uthmân qui s’est imposée très tôt à toute la communauté islamique, suit un ordonnancement autre que celui de la chronologie de la descente des versets : Iqra’ est désormais le terme liminaire de la sourate 96, « Le Sang coagulé ». La graphie de la première lettre d’Iqra’, en arabe ou en gréco-latin, est un symbole à la fois d’unité et de polarité. L’Alif ou le “I” qui en est l’initiale est considéré comme polaire (qubaniyah) et son tracé axial est conforme à l’unité qu’il assure dans les trois mondes. Cet alif, qui est en réalité la première lettre de la Révélation, se présente affecté de la voyelle “i” 6 qui marque le processus descendant et la fragmentation qui en découle. Tiré de la racine ALF “joindre, réunir”, alif est un symbole approprié du Coran “synthétique” et les trois nombres de cette lettre : 1 en valeur simple, 111 en compte développé et 1000 pour sa signification (alf désignant ce nombre), parlent d’eux-mêmes. Si la lettre « Bâ’ ou son équivalent est la lettre initiale des Livres sacrés » 7, en réalité c’est bien par l’Alif d’ Iqra’ que débute le processus de la Révélation coranique. De même, la Tôrah cachée que Dieu consulte avant de créer le monde, et qui désigne avant tout le Décalogue, commence elle aussi par la lettre Aleph du mot Anokî (Moi) 8. Guénon rappelle qu’Alif et le mot Qub (Pôle) ont pour nombre équivalent 111, “signe” de la triple unité qui ne peut être réalisée que par l’axe suivant lequel 4. Ou “Lieu de descente”. Ce terme est utilisé par Ibn ‘Arabî et d’autres auteurs, notamment Haqqî, pour désigner une sourate, autrement dit un chapitre du Coran, qui n’est autre qu’un “local” où vient se “loger” la Parole descendue. Il peut, le cas échéant, être appliqué aussi à un verset, comme on le voit au chapitre 22 des Futûât, où il s’agit alors de la Basmalah qui est le premier verset de l’exem- plaire actuel du Coran (cf. l’annexe à la fin de cet article). 5. Qurtubî, Commentaire coranique, Vol. 1, p. 59. 6. kasrah, de KSR = casser. Les radicaux sont les mêmes en arabe et en français. 7. « Er-Rûh », E.T., août-septembre 1938, repris dans Aperçus sur l’ésotérisme islamique. Michel Vâlsan fait remarquer à ce propos « qu’un texte discursif qui implique organiquement l’idée de relation verbale et littérale a son principe spécifique non pas dans la lettre qui exprime l’unité pure, mais dans la première qui exprime l’idée de relation donc de dualité, et c’est justement le cas du Bâ’, deuxième lettre de l’alphabet dont la valeur numérale est 2 » (E.T., novembre-décembre 1963, p. 261). 8. « Tu es le principe (rôš) de tous et [leur] roi. Car Je suis Un et toi, tu es un. Puisque tu t’es hu- milié, Je t’élèverai et ta valeur numérique s’élèvera à mille (aleph). Il ajouta une [autre] considération : Lorsque Je donnerai la Tôrah, Je la commencerai par toi. C’est pourquoi le Saint, béni soit-Il, commença le Décalogue par le mot : אנכיAnokî, Moi... » (Exode, 20, 2) (Midrâš des Dix Comman- dements, cité par Nicolas Sed dans La mystique cosmologique juive, p. 231, Paris, 1981).       IQRA’ - 9 - s’accomplit “l’Ordre” divin. La remontée de cet axe s’effectue par une ascension décrite dans la sourate Al- Isrâ’, « Le Voyage nocturne » 9, qui compte précisément 111 versets. Cette ascension culmine dans la Gloire du Nom divin Al-A‘lā (=111), « le Plus Elevé » 10, que la sourate éponyme (87ème) ordonne de proclamer 11. L’autre sourate de 111 versets est celle de Yûsuf « Joseph » 12. Elle est la seule dont le discours apparaît suivi et chronologique ; elle évoque la prosternation du Soleil, de la Lune et de onze étoiles devant le Pôle. Elle retrace méthodiquement, d’après les maîtres, le cheminement initiatique, symbolisé par le cycle annuel qui trouve son aboutissement à l’axe polaire. 1 – « Rassembler ce qui est épars » Outre les idées de “lire”, “réciter”, “crier” ou “annoncer”, retenues dans la plupart des traductions du mot Iqra’ dans les deux Textes sacrés, l’hébreu indique le sens de “donner un nom” 13, et l’arabe celui de “rassembler”, allant jusqu’à spécifier qu’il s’agit de « ramasser les parties éparses et disséminées, et les rapprocher et les réunir en un tas » 14. Cette dernière définition correspond exactement à la seconde opération de la célèbre formule maçonnique : « Répandre la lumière et rassembler ce qui est épars » 15. Dans le chapitre 288 des Futûât cité plus haut, Ibn ‘Arabî interprète effectivement Iqra’ au sens de “Rassemble ! ”. Il affirme d’emblée que « la première chose qu’Allâh a ordonnée à son serviteur c’est le rassemblement (al-jam‘) ». Cette leçon maintes fois reprise par l’auteur est conforme à la terminologie classique de l’ésotérisme islamique. Dans son célèbre Dictionnaire des définitions qui est inspiré largement par la 9. Dix-septième sourate du Coran. 10. La racine ‘LW est équivalente à celle du fran- çais “élevé”. 11. Ou de “clamer” conformément à la racine KLM qui désigne la parole en arabe. 12. Douzième sourate du Coran. 13. Sander et Trenel, Dictionnaire Hébreu-Fran- çais, p. 651 (Paris, 1859 ; rééd. Genève, 1991). 14. Kazimirski, Dictionnaire Arabe-Français, Vol. 2, p. 701 (Paris, 1860 ; rééd. Beyrouth, s.d.). 15. Cf. Symboles fondamentaux de la Science sa- crée, chap. 46.        SCIENCE SACRÉE - 10 - doctrine akbarienne, Jurjânî 16 précise que « le Qur’ân chez les gens de la Vérité est la Science d’auprès d’Allâh (ladunnî), englobante (ijmâlî), totalisatrice (jâmi‘) de toutes les réalités. » Nous avons dit que la racine du vocable Iqra’, QR’, est à l’origine du substantif Qur’ân. Si ce terme signifie “lecture”, il veut dire aussi “rassemblement”, “union”. Cette idée de uploads/Litterature/ iqra.pdf

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