Horizons Maghrébins - Le droit à la mémoire Histoire d'histoire d'histoire d'hi
Horizons Maghrébins - Le droit à la mémoire Histoire d'histoire d'histoire d'histoire d'hist....... Richard Abécéra Citer ce document / Cite this document : Abécéra Richard. Histoire d'histoire d'histoire d'histoire d'hist........ In: Horizons Maghrébins - Le droit à la mémoire, N°49, 2003. Conte, conteurs et néo-conteurs. Usages et pratiques du conte et de l'oralité entre les deux rives de la Méditerranée. pp. 154- 156; doi : https://doi.org/10.3406/horma.2003.2171 https://www.persee.fr/doc/horma_0984-2616_2003_num_49_1_2171 Fichier pdf généré le 05/02/2019 absence, à la façon d'Ernest Lumbago, qui n'est pas souvent là. Du reste, il me semble, avec le temps, que l'excellence du conteur, si elle existe (je ne parle pas de moi), c'est de jouer de sa présence (la plus charnelle, au besoin) pour réussir tout à fait à s'absenter, et laisser la place au conte, ou, au moins, à la parole en train de se tisser: Shéhérazade, encore: elle est toujours présente auprès de Shariar au point de finir par lui faire un enfant, à lui qui n'est fasciné que par ce qu'elle raconte... Classique, traditionnaliste, ou contemporain ? Heu... tout cela à la fois, avec une prédilection, disons, pour décliner le classique et la tradition dans une esthétique contemporaine, qui donne l'importance à la dérive, à la surprise, au saut d'une chose à l'autre. Le coq-à-1'âne, qu'on pourrait peut-être appeler «zapping»? Oui, c'est cela, zapper d'une chose à l'autre, sans donner d'importance ou de première place à rien. . . On pourrait vous reprocher ce «zapping»... un peu pessimiste sur le monde ? Les pessimistes ont coutume de répondre qu'ils sont en fait réalistes... Je me verrai plus honnêtement comme quelqu'un déçu du monde tel qu'il est, sans que j'aie besoin d'en accuser qui que ce soit. C'est ce qui me pousse à choisir de plutôt en rire (mais pas toujours), et qui fait (je le dis parce que je le constate) que les gens s'amusent volontiers à «Tchatche, sornettes et coq-à-1'âne»... Richard Abécéra conte depuis 1978, participant à divers festivals de conteurs en France et à l'étranger. Son intérêt pour la voix, il le confirme depuis bientôt 20 ans, en étudiant l'opéra, les techniques de Grotowsky et le chant contemporain. On retrouve dans sa façon de raconter un écho de ce travail. Il appartient, entre 1986 et 1994, au groupe d'opéra contemporain «Caput Mortuum», dirigé par Marc Monnet. Il écrit et joue à l'occasion ses propres textes («Silence personne», 1995; «Chants- sons », 1997) et découvre le plaisir et le risque de l'improvisation, aussi bien dans le conte que dans le domaine de la poésie orale. Installé dans le Larzac, il développe un projet qui allie art plastiques, conte et poésie. Ernest Lumbago est un philosophe de la vie quotidienne. Il est concerné par le monde, il médite à son sujet, et en tire des leçons de vie et de vocabulaire qu'il est le dernier à appliquer et à comprendre, à cause de la radicalité de ses positions. Ce côté raide, mais honnête, n'est pas sans lui occasionner plus souvent qu'à son tour (de reins) des ennuis de santé. Mais les rares personnes qui ont pu le voir sur scène un jour qu'il n'était pas au lit, peuvent témoigner de son indéniable absence, aussi bien dans les moments où il ne dit rien que dans ceux où il parle pour ne rien dire. Vincent Dubus est un musicien percussionniste passionné par le son en général. Il travaille particulièrement les univers sonores, qu'il construit à partir d'enregistrements divers (bruits, musiques du monde, paroles), à partir de la voix du conteur, ou du mélange de différentes sources. Il donne également aux percussions un rôle de scansion et d'accompagnement des actions parlées, dansées ou vocalisées. histoire d'histoire d'histoire d'histoire d'hist Richard Abécéra, conteur Une histoire une histoire avec un trou un trou qui tombe dans le réel (le trou tombe peut-être à cause de l'histoire) une histoire pleine de trous une grande chose avec un grand trou un grand trou de réel pas une histoire qui bouche les trous non une histoire entourée de trous des trous avec une histoire pour les remplir SEULEMENT DES TROUS ET UNE HISTOIRE. Le réel c'est un morceau de mort là où les histoires ne sont plus un morceau de mort un morceau de viande élastique et douce un morceau de mort un morceau de mort bien rond anus aveugle Bon, allez, ça commence : 154 Un type voulait raconter une histoire. Il s'est planté devant le public et il a commencé: « II y avait une fois. . ., » Puis il s'est tu, les yeux dans le vague. Silence dans la salle, bouches bées, interrogations... Le type ne disait rien. Il restait bouche ouverte, les yeux exorbités... Il a vu quelque chose?. ... Non, il a oublié l'histoire. «Je suis sûr qu'elle commençait par «il y avait une fois», mais après?....» Après ? Après, il a laissé tombé ses bras, ses bras sont tombés par terre, ils étaient cassés, ils étaient tombés de trop haut, le type ne pouvait plus faire de gestes. Le type a regardé ses bras tombés par terre, et ses yeux ont roulé au sol, le type ne pouvait plus regarder. Il s'est rassuré : « II me reste ma voix. . . » Pour raconter, c'est la voix qui compte... Il a répété pour s'aider : «II était une fois...» Mais la suite n'est pas venue, rien n'est venu, sauf le directeur du théâtre qui a demandé ce qui se passait, et le type a répété : « II y avait une fois. . . » Et... silence... Tout le monde écoutait et attendait, et le type a compris soudain ce qu'il devait raconter. Il a dit sans reprendre souffle : « II était une fois, une seule fois pour toutes, rien à raconter, rien à dire, rien à parler... RIEN, sinon ce rien qui m'envahit, si riant moqueur maquereau de moi et calme de mort tranquille qui rit de moi, et l'histoire attend de commencer, qui se prend pour elle alors qu'elle est une autre ! » Et il a continué en chantant: «Le ciel silence autour de ma parole qui rit de se boire si belle en ce terroir lisse la lippue mignonne à enterrer les vifs d'entre tombes marchant pour endiguer le sens à tiers étrave en ce bâton qui court le long de la langue et l'histoire se cogne se heurte à la belle tranche de vie panoramique en la course entravée des noms dits par devant et derrière se coud la trame jaunie d'un monde en récollection allô allô y a quelqu'un qui cause ? C'est pas moi, c'est l'trou Et l'histoire commence sans paradis commenté et la fiction commence... l'affliction... la fiction... l'affliction... la fiction... l'affliction... la fiction... l'affliction... la fiction... l'affliction... la fiction... l'affliction... la fiction... l'affliction... la fiction... l'affliction... la fiction... l'affliction... la fiction... l'affliction... la fiction... l'affliction... la fiction... l'affliction... la fiction... «l'affliction... la fiction... l'affliction... la fiction... l'affliction... la fiction... l'affliction... la fiction... l'affliction... la fiction... l'affliction... la fiction...» Et le type n'arrêtait pas de répéter les mêmes mots. À la fin (mais y eut-il une fin?), certains dans le théâtre ont compris vraiment l'histoire et, en mélangeant tout, ils se la sont racontée entre eux, aux autres, au type qui bégayait, et à eux-mêmes, entre fiction, tristesse, réel, fausseté, Faustés, faussés, fossés, trous. Comme ceci : «II y avait une histoire de rien qui voulait tirer son épingle du jeu personnel et a commencé son parcours à la langue de vous en se racontant ainsi: « II était une fois une histoire très vide et qui n'avait rien à raconter. Elle se tenait tranquille et très belle, immense comme le silence, sans bruit inutile. «Aime-moi» a-t-elle demandé au type de passage qui était là, bouche ouverte, a chercher s'il était une fois. Le type vivait dans le monde qui hurlait et criait trop fort pour qu'on puisse s'y retrouver a dire combien de fois il était, et ceux qui parlaient (très peu) ne parlaient que de ceux qui, dedans le monde enterrés, hurlaient heurtés sans parole possible, et ils parlaient du réel encore pos- 155 sible qui tranche les gorges et coupe les mots. Le type, bouche ouverte avec le monde à rien dire dans la bouche, ne disait rien, et l'histoire est entrée dans sa bouche ouverte, étranglant le type qui, gorge déployée, riait et se vidait plein de l'histoire à rien dire, qui a commencé, belle, dans sa bouche, a rire et a dire: « II était une fois une histoire très vide qui faisait dire au type: «II était une fois..», devant le public ébahi qui attendait, dans le monde enterré, que les cris cessent, mais, dans le silence du type qui bégayait, tout a nué, sauf le directeur du théâtre qui a fermé le théâtre, et les spectateurs se sont rués dans les rues, criant et hurlant, écrasant le type, marchant dans sa bouche vide et creuse, étranglée définitivement avec l'histoire abattue a la sortie du théâtre, comme les spectateurs uploads/Litterature/ horma-0984-2616-2003-num-49-1-2171.pdf
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- Publié le Jan 11, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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