Classiques Contemporains & E.T.A. Hoffmann L’Homme au sable LIVRET DU PROFESSEU

Classiques Contemporains & E.T.A. Hoffmann L’Homme au sable LIVRET DU PROFESSEUR établi par SYLVIE COLY Professeur de lettres © Éditions Magnard, Classiques&Contemporains, 2011 SOMMAIRE DOCUMENTATION COMPLÉMENTAIRE L’inquiétante étrangeté................................................................................. 3 Les progrès scientifiques à la mode.................................................... 4 POUR COMPRENDRE : quelques réponses, quelques commentaires Étape 1 Première lettre de Nathanaël : un conte d’enfance ...................................................................... 6 Étape 2 La mort du père .............................................................................. 9 Étape 3 Deuxième lettre de Nathanaël : Spallanzani .......... 10 Étape 4 Le portrait de Clara..................................................................... 12 Étape 5 Le bal .................................................................................................... 14 Étape 6 L’aveuglement de Nathanaël ............................................ 14 Étape 7 La révélation : l’automate démasqué .......................... 15 Étape 8 Le dénouement ............................................................................. 16 Conception : PAO Magnard, Barbara Tamadonpour Réalisation : Nord Compo, Villeneuve-d’Ascq DOCUMENTATION COMPLÉMENTAIRE L’inquiétante étrangeté Dans un essai publié en 1919, Freud évoque L’Homme au sable d’Hoffmann pour redéfinir le concept de ce qu’un de ses prédécesseurs, Jenscht, nomme déjà « das umheimlische » et que l’on traduit fréquemment par « l’inquiétante étrangeté ». Liée à l’étrange et l’angoisse, cette expression alle- mande définit le sentiment effrayant qui se rattache parfois aux choses fami- lières. Le mot « heimlich » signifie en effet « intime », « familier », mais il s’em- ploie aussi pour évoquer, par extension de sens, ce qui est « caché », « secret », « dissimulé ». La traduction « d’inquiétante étrangeté » est donc trop réductrice, et on pourra avec plus d’efficacité s’appuyer sur celle de Philippe Forget, ger- maniste et traducteur, qui propose le terme « infamiliarité ». D’après Freud, le conte d’Hoffmann doit son succès à ce qu’il appelle une « manœuvre psychologique », qui ne se glisse pas dans l’hésitation où l’on pourrait être de croire réellement la poupée Olympia vivante comme le pen- sait Jenscht. « Das Unheimlische » n’est pas une « incertitude intellectuelle ». Elle ne se niche pas non plus, selon lui, dans la tournure satirique de l’épisode qui, interprété par le narrateur, rend Nathanaël parfois ridicule dans ses excès. Elle se loge dans le thème de l’homme au sable lui-même. Dans ce conte, contrairement à l’image traditionnelle, le bonhomme arrache les yeux des enfants. L’un des personnages clés est donc celui de la nourrice, dont le rôle est inversé : elle ne protège pas Nathanaël, mais le terrifie en évoquant la super- stition. L’homme au sable incarne en effet la peur d’être privé de ses yeux, qui le lie fortement aux personnages de Coppélius et Coppélia, en faisant une seule et même personne. Freud, dans son interprétation psychanalytique du conte, montre égale- ment que la crainte de perdre ses yeux, pour Nathanaël, est intimement liée à la relation au père, qui reste un personnage énigmatique. Elle équivaudrait en effet à la peur de la castration. Pour preuve, l’homme au sable revient à chaque fois comme trouble-fête de l’amour que Nathanaël éprouve successivement pour Clara, son ami Lothaire et Olympia, et le conduit au suicide. La figure 3 © Éditions Magnard, Classiques&Contemporains, 2011 du père, selon le psychanalyste, se dédouble alors entre le bon Spallanzani et le mauvais Coppola. Le père de Nathanaël et Coppélius travaillaient ensemble dans l’alcôve. Par un jeu de miroirs, Spallanzani travaille avec Coppola à la création d’Olympia. Nathanaël a été démembré symboliquement par Coppélius dans l’atelier paternel, comme Olympia sera démembrée par Coppélia dans celui de Spallanzani. Les deux personnages, aveuglés l’un au sens propre, l’autre au sens figuré, sont donc en quelque sorte frère et sœur, ce qui rend l’amour du jeune homme pour l’automate encore plus absurde. Selon Freud, « Olympia est en quelque sorte un complexe détaché de Nathanaël qui se présente à lui sous l’aspect d’une personne »1. L’idée d’infamiliarité s’applique également au cas des maisons hantées, et tout particulièrement au Tour d’écrou d’Henry James (voir le groupement de textes en fin d’ouvrage, p. 55), dont Benjamin Britten tire un opéra en 1954. Dans un manoir anglais, une gouvernante pense que deux enfants, Miles et Flora, sont la proie de deux personnages officiellement morts, Peter Quint et Miss Jessel, qui les ont peut-être pervertis. L’opéra de Britten questionne la mort même de ces deux personnages, faisant apparaître leurs fantômes qui donnent aux enfants des ordres équivoques. L’opéra comme le roman crée une atmosphère angoissante et se termine tragiquement pour le petit garçon, qui meurt dans les bras de sa gouvernante, qui, si elle n’a pas les méthodes de la nourrice de L’Homme au sable, n’en reste pas moins, comme elle, un de ces personnages « passeurs » vers l’infamiliarité. Les progrès scientifiques à la mode L’apparition des sciences physiques, au XVIIe siècle, et l’avènement des Lumières, un siècle plus tard, modifient particulièrement l’image du monde sensible. Comme l’écrit Galilée en 1632 dans le Dialogue sur les deux princi- paux systèmes du monde, « c’est un langage mathématique que parle la Nature, un langage dont les lettres sont des triangles, des cercles et autres figures géo- métriques ». Suzanne Chappaz-Wirthner montre, dans son essai sur Le Thème de la connaissance interdite dans L’Homme au sable d’E.T.A. Hoffmann2, que les philosophes et les scientifiques de cette époque se battent pour savoir si l’âme 4 © Éditions Magnard, Classiques&Contemporains, 2011 1. Traduit de l’allemand par Marie Bonaparte et Mme E. Marty, 1933. 2. Suzanne Chappaz-Wirthner, Le Thème de la connaissance interdite dans L’Homme au sable d’E.T.A. Hoffmann, Du rite d’inversion à l’œuvre de fiction, Ethnologie française 2002/2, Tome XXXVII, p. 335-344. et la pensée sont indépendantes du corps-machine, ou si elles en font parties intégrantes. Au début du XIXe siècle, la mécanisation et l’horlogerie se perfectionnent, et avec elles l’engouement du public pour les automates s’accroît. Jacques de Vaucanson, sous Louis XV, fabrique ainsi un canard capable de boire, se nour- rir, caqueter, s’ébrouer dans l’eau et digérer sa nourriture, et tente même de construire « un homme artificiel, anatomie animée dont aurait été visibles le cœur, les veines et les artères »1. Les horlogers Jaquet-Droz et son fils inventent une musicienne, un écrivain et un dessinateur animés des mouvements corres- pondant à leurs métiers. Eugène Faber fabrique, quant à lui, une automate parlante qu’il nomme Euphonia, supposée dialoguer avec les spectateurs. On pense cependant qu’un être humain caché à l’intérieur faisait office de méca- nisme ultra-perfectionné… Mais l’automate pose le problème de l’usurpation divine dans le domaine de la création humaine, et fait s’interroger Hoffmann et ses contemporains sur ses possibilités et ses limites. La littérature du XIXe siècle s’empare donc de ce thème, comme en témoignent les œuvres d’Hoffmann, mais aussi, par la suite, le Frankenstein de Mary Shelley (voir le groupement de textes en fin d’ouvrage, p. 59). La même époque montre également des progrès en ce qui concerne le maté- riel d’optique, dont Hoffmann fait cas dans sa nouvelle. Galilée a en effet été le premier à regarder le ciel avec un télescope. Et, comme l’affirme encore Suzanne Chappaz-Wirthner, « les recherches théoriques sur l’optique, tou- chant aux conditions même de la représentation, modifient la perception visuelle de l’univers »2. À travers la lentille de son télescope, Galilée a découvert que la Lune possède un relief montagneux, que Jupiter a des satellites, et que Copernic avait raison. Il a risqué les foudres de l’Inquisition, car il a déstabi- lisé les croyances de son temps. Or, Nathanaël, deux cent ans plus tard, ne voit pas la connaissance ni la vérité au bout de sa lorgnette, il ne voit que le men- songe et l’illusion. Le fantastique du conte sanctionne donc l’objet de la connaissance scientifique, matérialisant les angoisses du siècle quant au progrès mécanique. 5 © Éditions Magnard, Classiques&Contemporains, 2011 1. Idem. 2. Idem. POUR COMPRENDRE : quelques réponses, quelques commentaires Étape 1 [Première lettre de Nathanaël : un conte d’enfance, p. 44] 3 Nathanaël est présenté grâce à des superlatifs relatifs, « un des plus jolis garçons et des plus studieux écoliers qui ait jamais brillé à l’université de Goettingue » (l. 1-3), qui campent d’emblée le caractère excessif du person- nage, dont la chute ne sera que plus cruelle. 4 On relève le champ lexical de la fatalité, qui installe une atmosphère pro- pice au développement du fantastique. 5 On peut relever : – les pronoms personnels de la première et deuxième personne (du singu- lier et du pluriel) ; – les adresses au destinataire : « tu me croiras » (l. 10) ; – les types de phrases, et particulièrement le type interrogatif ; – les temps verbaux, qui se rapprochent de l’oral : impératif, futur simple ; – les allusions à la famille du destinataire : « Clara » (l. 8) et sa « pauvre mère » (l. 7). 6 Cette locution verbale a valeur d’ordre. 8 La lettre se divise en deux parties nettement détachées. La première constitue une introduction, elle est écrite au présent de l’indicatif (l. 5 à 17) ; la seconde évoque le souvenir d’enfance, elle est rédigée aux temps du récit, imparfait et passé simple. La seconde partie est donc une analepse, puisque Nathanaël évoque son enfance. 9 C’est l’explication de uploads/Litterature/ homme-sable-livret-professeur.pdf

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