Georges Politzer, le concret et sa signification www.editions-hermann.fr ISBN :

Georges Politzer, le concret et sa signification www.editions-hermann.fr ISBN : 978 2 7056 9203 2 © 2016, Hermann Éditeurs, 6 rue Labrouste, 75015 Paris Toute reproduction ou représentation de cet ouvrage, intégrale ou partielle­ , serait illicite sans l’autorisation de l’éditeur et constituerait une contrefaçon. Les cas ­ strictement limités à l’usage privé ou de citation sont régis par la loi du 11 mars 1957. Collection « Hermann Philosophie », dirigée par Roger Bruyeron et Arthur Cohen Ouvrage publié avec le concours de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm Georges Politzer, le concret et sa signification Psychologie, philosophie et politique Sous la direction de Giuseppe Bianco Depuis 1876 Introduction un siècle de psychologie concrète par Giuseppe Bianco 1. Le « cri de révolte » et l’université De manière inattendue, le 21 janvier 1970, au cours du sémi- naire L’Envers de la psychanalyse, Jacques Lacan évoque l’« étrangeté significative » d’un livre, la Critique des fondements de la psychologie, de Georges Politzer, mort vingt-huit ans auparavant. Invitant ses auditeurs à le lire 1, Lacan critique les modalités de sa réédition, en 1967, par les Presses universitaires de France, dans la collection « À la pensée », dirigée par Philippe Garcin 2. La réédition en livre de poche de « ce petit ouvrage » anticonformiste 3, par un éditeur universitaire, avait été effectuée, rétorque Lacan, sans « que l’auteur [l’]eût lui-même approuvé[e] […] alors que chacun sait le drame 1. Lacan reprend une invitation faite par Althusser à ces élèves lors d’une conférence de 1964 et à laquelle, peut-être, Lacan avait assisté. Althusser avait dit : « Vous devez le lire, parce que c’est fondamental pour la culture de notre temps. » Louis Althusser, « La place de la psychanalyse dans les sciences humaines », in Psychanalyse et sciences humaines : deux conférences (1963-1964), Paris, Librairie générale, 1996, p. 36. 2. Le livre sera réédité en 1974, avant d’être publié, en 1998, dans la collection « Quadrige ». 3. Pour une histoire des philosophes anti-institutionnels en France, cf. J.-L. Levent, Les ânes rouges. Généalogie des figures critiques de l’institution philosophique en France, Paris, L’Harmattan, 2003. 6 Georges Politzer, le concret et sa signification qu’a été pour lui l’accablement des fleurs sous lequel a été couvert ce qui d’abord se pose comme cri de révolte 4 ». Originairement publié en 1928 par Le Rieder dans la collection « Esprit » dirigée par le jeune poète et philosophe Paul Morhange (1901-1972), ce « petit livre » avait été, pendant quarante ans, presque introuvable, tant qu’après la Libération les normaliens marxistes se disputaient la seule copie disponible 5. En 1967 réappa- raît aussi La Fin d’une parade philosophique : le bergsonisme. Publié sous le pseudonyme de François Arouet chez l’éditeur Les Revues en 1929, et ensuite republié en 1947 par les Éditions Sociales sous une version mutilée 6, le livre est repris par le journaliste et écrivain Jean-François Revel (1924-2006) dans la collection « Libertés » qu’il dirige chez Jean-Jacques Pauvert. Si l’éditeur s’était déjà occupé de la réédition d’ouvrages oubliés, proscrits ou considérés comme marginaux, le directeur de collection, pour sa part, avait déjà exprimé son admiration pour Politzer dans son pamphlet et best-seller Pourquoi des philosophes 7 ? La parution des deux livres de Politzer suscite quelques réac- tions 8 et provoque, en 1969, la publication de la presque totalité 4. J. Lacan, Le Séminaire, livre xvii. L’envers de la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1998, p. 72. 5. D. Eribon, Michel Foucault, Paris, Flammarion, 1991, p. 48. 6. G. Politzer, Une mystification philosophique : le bergsonisme, Paris, Éditions sociales, 1947. 7. J.-F. Revel, Pourquoi des philosophes ?, Paris, Julliard, 1957. Dans ce livre, profondément inspiré par l’écriture pamphlétaire de Politzer, Revel soutient que la philosophie, ayant épuisé son rôle historique, qui était celui de donner naissance à la science, s’est réduite à un genre littéraire sans aucun contact avec la réalité. 8. J.-F. Revel, « Le Pascal du matérialisme », L’Express, 15-21 mai 1967. D. Voutsinas, « Psychologie abstraite et psychologie concrète : en relisant Georges Politzer » Bulletin psychologique, XXI, 1967 ; J.-M., « Georges Politzer, la Critique des fondements de la psychologie », La Nouvelle Critique, n. 32, 1967 ; G. Lanteri-Laura, « Nizan et Politzer quarante ans après », Critique, n. 255-256, 1968. Dans une note d’un compte-rendu du livre de Jean Piaget, Biologie et connaissance, publié dans le n. 28 (15 mai 1967) de la Quinzaine littéraire, André Akoun signale la réédition de ce qu’il définit un « texte fondamental » « qui fut révolutionnaire dans la grisaille de son époque » et qui « nous parle Introduction 7 des autres Écrits du Hongrois par les Éditions sociales, alors dirigées par le philosophe Guy Besse (1919-2004) 9. La maison d’édition du PCF avait déjà publié, en 1947, un volume intitulé La Crise de la psychologie contemporaine, contenant la plupart de ses articles sur la psychologie. L’année de la publication des Écrits de Politzer, un camarade de Michel Foucault (1926-1984) et de Louis Althusser (1918-1990) à l’École normale et membre du comité central du Parti communiste, Lucien Sève (né en 1926), publie Marxisme et théorie de la personnalité. Dans ce livre, il place la psychologie dans la ligne droite des coordonnées indiquées par Politzer dans la Critique, qu’il cite et loue tout au long de son ouvrage 10. Sève, cadre du parti, mais opposé à la ligne théorique althussérienne, notamment au sujet de la thèse de l’antihumanisme théorique de Marx, annonce que la psychanalyse peut être enfin « assimilée sous certaines conditions par le matérialisme historique, c’est-à-dire reprise de façon critique et dans certaines limites 11 ». Ces publications ont un double effet. D’une part, le personnage de Politzer – qui, dans les rangs du PCF, n’avait été jusqu’alors mentionné qu’en tant que militant communiste mort héroï- quement et en tant que dénonciateur du caractère bourgeois de « l’idéologie » psychanalytique, et dont l’importance, dans le champ psychologique et philosophique, était presque méconnue – remonte à la surface dans toute sa complexité 12. D’autre part, les événements de mai 1968 semblent donner une nouvelle actualité encore aujourd’hui ». Cf. aussi J. Florence, « Propos sur les fondements de la psychologie », Revue Philosophique de Louvain, t. 68, n. 100, 1970, p. 483-506. 9. Cf. le compte-rendu de B. Toboul, « Écrits 1, Écrits 2 », Cahiers du communisme, n. 1, janv. 1970, p. 131-135. 10. Dans un entretien avec F. Lemoine (France nouvelle, n. 1220, du 26 mars 1969), Sève dit que « le projet de Politzer, génial mais malheureusement prématuré lorsqu’il l’a entrevu il y a quarante ans » doit « être mis à exécution ». 11. L. Sève, Marxisme et théorie de la personnalité (1969), Paris, Éditions sociales, 1972, p. 206. 12. C’est en 1971 que Georges Friedmann, ancien camarade de Politzer, consacrera quelques pages à celui-ci dans son livre de mémoires La Puissance et la sagesse (Paris, Gallimard). 8 Georges Politzer, le concret et sa signification aux pages iconoclastes de Politzer qui, se revendiquant des mots d’ordre d’un marxisme encore acerbe, avait vomi la philosophie et la psychologie académiques. Mai 1968 avait été accompagné non seulement par un genre inédit de critique des savoirs et des modalités de leur transmission, mais aussi par l’annonce d’une nouvelle alliance entre Freud et Marx. C’est en ce moment que les textes du « freudo-marxisme » commencent à se diffuser de manière massive en France 13 après avoir été lus, entre 1966 et 1968, par les protagonistes des mouve- ments étudiants allemands et états-uniens 14. L’Homme unidi- mensionnel de Marcuse paraît en français à la rentrée 1968 et, au même moment, paraît aussi la deuxième édition française de Éros et civilisation ; La Révolution sexuelle de Wilhelm Reich est traduit l’année suivante. Le « freudo-marxisme », né pendant la deuxième moitié des années 1920 comme une branche hérétique de l’École de Francfort, soutenait l’existence d’une racine sociale de la névrose et la corrélation entre les troubles de la fonction génitale, le désordre psychique et la condition matérielle des patients. En 1933, il est accueilli en France de manière bienveillante par certains membres du mouvement surréaliste 15 qui, à son tour, s’était constitué à partir des influences croisées de Freud et de Marx. Un peu plus tard, au cours de la même année, le freudo-marxisme est enterré par Georges Politzer. Dans un article sulfureux 16, où il traite le freudo-marxisme comme un « masque grossier pour l’attaque 13. Pour une courte histoire du freudo-marxisme en France, cf. P. Artières, J.-F. Bert, L. Paltrinieri, M. Potte-Bonneville, J. Revel, F. Taylan, « Introduction », in J.-F. Bert, La Volonté de savoir de Michel Foucault. Regardes critiques 1976- 1979, Caen, Presses universitaires de Caen, 2014. Cf. aussi Luca Paltrinieri, « Un clandestin philosophe, le freudo-marxisme français », Actuel Marx (à paraître). 14. Cf. I. Krtolica, « Herbert Marcuse, penseur de la révolte des étudiants allemands », Cahiers du GRM [En ligne], n. 3, 2012, mis en ligne le 29 mai uploads/Litterature/ georges-politzer-le-concret-et-sa-signification-by-giuseppe-bianco.pdf

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