XAVIER FORNERET, ECRIVAIN. Par Bernadette Blandin 1809-1884 PENSÉE INTIME. Pour
XAVIER FORNERET, ECRIVAIN. Par Bernadette Blandin 1809-1884 PENSÉE INTIME. Pour moi, en ce moment, tout est une sonde mise à mon âme et d’où la mélancolie jaillit à grands flots. Je ressemble à un spectacle magique ; mes sensations sont les tableaux, mon visage le verre, et ce que je rencontre le jour qui éclaire tout cela. Si l’on voyait mon cœur, on le prendrait en pitié pour lui faire aumône d’une consolation ; car il souffre comme un malheureux saignant de plaies, couché sur le pavé, avec un vent de glace qui fait éclater ses chairs et congèle son sang. L’inanition a frappé la tête de ce malheureux sur la pierre ; chacun passe, se tait et s’éloigne. Un char vient de briser son bras, seul membre qui restât à son corps ; et il est demeuré insensible à cette horrible fracture ; pas un cri, pas une larme, pas un soupir ; le mendiant était mort ! – Et bien ! mon cœur tout palpitant d’angoisses, d’incertitude, mon cœur est-ce malheureux ; le pavé, pour lui, c’est le dégoût ; l’air glacial, c’est la tristesse qui le dévore comme si une râpe de scories le frottait rude- ment ; qui le dessèche, misérable pendu qu’il est à la voûte de ma poitrine. Le sang congelé c’est l’espoir qui s’éteint ; l’inanition, c’est l’absence de pensées ; la pierre qui l’écrase, ce sont celles des autres ; le monde qui se tait et s’éloigne, c’est mon nom qui n’est rien ; enfin le char qui roule, c’est le temps qui marche ; les membres qu’il brise, ce sont les heures qui sonnent et si l’on entend ni cri ni soupir, c’est que je ne suis qu’un... eh ! disons-le, qu’un effroyable mannequin. – Qu’est-ce donc qui m’empêche d’écrire ? Tout à coup je saisis une plume avec frénésie pour conduire et donner libre cours au torrent de pensée qui semble avoir rompu ses digues ; et tout à coup aussi quelque chose, comme une trombe de pointes bien aiguës, cloue les pores de mon cerveau... Rien ne s’en exhale ; c’est une mer furieuse qui gronde en agitant sa poitrine de flots sans sortir de son espace ; c’est le tonnerre qui roule sans éclater ; c’est un monde qui remue, s’entrechoque et disparaît dans un gouffre large comme l’univers. J’entends résonner toutes mes fibres ; elles se dressent en géants qui veulent tout envahir et dont les mains frappent, relèvent et abattent de nouveau. Tout s’embrase et se consume, attisé par un vent qui souffle avec une bouche horrible. Je lui crie : Grace ! grâce ! ne brûle donc pas tout ! Il ne m’écoute pas, il va sans cesse brandissant le désordre, ouvrant toutes ses sou- papes, déchaînant ses monstres qui enlèvent et dévorent ; et lui, ce vent, avec une âme froide à vingt degrés, il ricane en regardant ce chaos qui de plus en plus s’amoncelles et craque ; ses lèvres en soufflant se fendent comme une tour à force d’être sur ses jambes ; il n’en est que plus hideux, et me hurle épouvantablement : Non ! tu n’écriras pas !... – Huit jours après l’incendie je rassemblai quelques débris, quelques cendres bien calcinées, bien grises et j’en fis l’Homme Noir. ... Tel est l'un des '' avant-textes '' écrit par Xavier Forneret que peu de littérateurs ont pu lire, car il n’apparaît que dans quelques éditions de l'Homme noir paru en 1835. Il n'avait pas été reproduit dans l'édition que j'avais initiée, au nom de la ville de Beaune, avec la BN en 1989 sous forme d'un coffret de microfiches avec catalogue imprimé en typographie par Thierry Bouchard. Le chercheur Jacques- Remy Dahan l'avait repéré dans l'exemplaire de la bibliothèque municipale de Dijon. Pour moi, cela pourrait être le manifeste des écrivains dits ''frénétiques'' plus régulièrement appelés '' par paresse'' écrit François Dominique '' petits romantiques''. Mais, Xavier Forneret ne s'agrègera jamais à un groupe, restant un écrivain isolé. Xavier Forneret a alors 25 ans et c'est sa troisième pièce de théâtre publiée. Elle sera l'objet du scandale romantique bourguignon quand elle sera jouée au théâtre de Dijon le 10 mars 1837. Il est vrai que non seulement elle est difficilement jouable, mais que le personnage Forneret a fortement contribué à son échec par une campagne de communication désastreuse - comme on dirait aujourd'hui- . Et pourtant, de tout son théâtre, c'est celle qui restera la plus marquante. Le héros de l'homme noir apporte une dimension fantastique impressionnante et l'écrivain Forneret, se nommera lui-même alors ''L'homme noir, blanc de visage''. Une constante dans ses personnages : les enfants sont victimes de la turpitude passée de leurs parents, fussent-ils en apparence d'honorables bourgeois. Trois pièces de théâtre publiées à 25 ans, mais sans éditeur !, toutes publiées à Paris, chez J.-N. Barba, libraire. C'est Forneret l'héritier qui en paie l'impression, certes, mais non sans une grande sensibilité à la qualité des ouvrages, qui peut ne pas apparaître aujourd'hui à cause des papiers trop acides du XIX ème siècle. Ceux-ci ont des gravures complétant les avant-textes. Deux destinées (1834) Gravure de Thierry Johannot Vingt trois-Trente cinq (1835) Lithographie de Challamel. L'homme noir(1835) Gravure de Kaeppelin Plus tardive, la publication de Mère et fille en 1855 sera beaucoup plus sobre, l'argent commençant à manquer. Pourtant, c'est celle qui a été le plus jouée malgré les déboires de X.F. avec plusieurs directeurs de théâtre sur fond d'escroqueries et de procès en cascades. La dernière représentation eut lieu à Beaune le 4 novembre 1858. A défaut d'être typographe lui-même, comme de nombreux éditeurs de poésie, non dépourvus, eux aussi, de financement familial et qui se publieront au XX ème siècle, Xavier Forneret est novateur auprès de ses imprimeurs pour les mises en page. Dès le premier avant-texte de sa pièce Vingt-trois, Trente-cinq, comédie-drame en un acte, X.F. évoque le fait que « plusieurs journaux me reprochèrent amèrement le luxe typographique donné à mon ouvrage », sa première pièce Deux destinées. Ces innovations se retrouvent surtout dans ses recueils de poésie et d'aphorismes. Considérées comme des excentricités à son époque, ces pratiques sont courantes dans les livres d'artistes de nos jours. -N''imprimer que le recto d'une page (pièces de pièces temps perdu 1) -Une pensée par page (lignes rimées) : Recherche de polices de caractères différentes sur une même page : Édition originale Édition des Ecrits Complets Caractères de couleur :(rouge) Dès les premières critiques, notamment celles d'Alphonse Karr, le procès littéraire de Forneret est prononcé : « M. Forneret n'est pas obligé, par des considérations de fortune, d'avoir du génie et il ne demande à la poésie que des lauriers » ou bien « il croit n'avoir pas fait une page qui ne soit une innovation, pas une ligne qui ne soit un paradoxe, pas un mot qui ne soit une audace. » Ces arguments seront repris par tous les critiques sauf Monselet dans le Figaro du 26 juillet 1859. « On a beaucoup parlé des hardiesses de Pétrus Borel, le lycanthrope, et des divagations de Lassailly ; elles sont toutes dépassées par M. Xavier Forneret. ... Il y a une nature en lui. Sous la pioche du critique qui le frappe, ce terrain inexploré laisse parfois briller un filon de pur métal ».Mais, avant ce passage, Monselet pérennise la légende de sa vie que chacun reprendra ! Pourtant, il faut bien l'admettre, Xavier Forneret est le premier écrivain à avoir retranscrit des rêves et cela même avant les recueils ayant ces titres. En 1836, dans Rien'' au profit des pauvres'', à partir d'un lieu bien spécifique à Beaune, la source de l'Aigue, Hors de la ville –Beaune– dont chaque goutte de vin est une goutte de vie, il existe à peu de distance, un petit cours tantôt large, tantôt rétréci et de deux mille cent-cinquante pieds de longueur environ, – juste moitié de la hauteur ordinaire d’une colline des Alpes. Ce cours bordé par un ruisseau limpide, conduit à la source de l’Aigue et non de l’Aigle ainsi que l’appelle une partie des indigènes. L’eau de cette fontaine est aussi suave et aussi transparente que le vin de Beaune, qui l’entoure, est spiritueux et parfumé. Des marronniers déjà vieux, énormes et touffus semblent défier, pour la fraîcheur de ce lieu, les rayons du soleil ; – et c’est là, que de temps-en-temps la jeunesse ouvrière vient danser, rire et saluer la fontaine, en buvant de son eau si belle et si claire, qu’il ne faudrait pas dire avant d’y être : Fontaine... C'est dans ce lieu que Forneret par l’évocation d'une lettre de Voltaire à une bien-aimée, situe la rencontre du squelette de Voltaire devisant, avant la levée du jour, avec ceux de Byron et Young se terminant par ces mots de Voltaire : Mon avenir ! mon avenir ! c’est du cuivre plein de rouille que mon avenir ! Oui, Messieurs, voilà ce que j’écrivais à cette excellente Mme de... et pourtant je suis mort uploads/Litterature/ forneret-bernadetteblandin.pdf
Documents similaires










-
33
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 25, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 2.0024MB