EMANUELSWEDENBORG LE LIVRE DES REVES (Dromboken) Journal des annees 1743-174

EMANUELSWEDENBORG LE LIVRE DES REVES (Dromboken) Journal des annees 1743-1744 presente et traduit du suedois par Regis Boyer L'AUTRE RIVE SERG INTERNATIONAL LE LIVRE DES REVES De Regis Boyer aux editions Berg International Le monde du double, « La magie chez les anciens Scandinaves », 1986. La saga de Hervor et du roi Heidrekr (traduil de I'islandais ancien), 1988. © 1985 Berg International Editeurs 129, boulevard Saint-Michel, 75005 Paris ISBN 2-900269-37-7 2< edition, septembre 1993 EMANUELSWEDENBORG LE LIVRE DES REVES (Dromboken) Journal des annees 1743-1744 presente et traduit du suedois par Regis Boyer L'AUTRE RIVE BERG INTERNATIONAL Ubi caritas et amor : L'ITINERAIRE SPIRITUEL DE SWEDENBORG Comme son nom l'indique, Emanuel Swedenborg est Sue- dois, et comme chacun sait, il a redige en latin une reuvre considerable qui fait de lui I'un des grands mystiques de I'Europe moderne. Voila pour l'essentiel et o'importe s'il ne s'appelle pas vraiment Swedenborg, n'importe s'il a compose au moins autant de travaux scientifiques que de mystiques. Ajoutez Seraphitus·Seraphita que Balzac, vaut-illa peine de le rappeler, a emprunte au grand Suedois (mais Oil? comment? pourquoi? allez donc savoir !) et le tour de la question est fait. o impenetrables, inexpugnables, imperissables brumes du Nord! Parce que I'occasion m'est ici offerte de proposer une traduc- tion fran<;:aise d'un des textes les plus curieux que Suedois ait jamais ecrit, je voudrais exploiter la circonstance et donner quelques precisions afin, egaJement, de presenter d'un peu pres ce Livre des Reves si inattendu. Apres tout, il est exact que Swedenborg est un des grands mystiques et des grands genies scientifiques qu'ait connu I'age classique mais sa figure eton· nante et originale merite mieux, reellement, que ce genre de caracterisation hative. Je me propose donc de reprendre sa biographie avec quelque detail: on va voir qu'elle fournit un complement precieux a la lecture du journal des annees 1743-1744 qu'est Le Livre des Reves. * ** Le 29 janvier 1688 nait a Stockholm Emanuel Swedberg, second fils de Jesper Swedberg (1653·1735) qui est alors aumonier du regiment royal de Charles XI et sera eveque 8 R. BOYER (lutherien, bien entendu) de Skara. La famille est originaire de Dalecarlie. Le petit Emanuel va perdre sa mere en 1696, a ['age de huit ans, donc. En 1699, il a commence des etudes qu'il terminera brillam­ ment dix ans apres, a Uppsala : en 1709, il est docteur en « philosophie » mais en verite, c'est principalement aux scien­ ces naturelles qu'il s'est interesse, ainsi qu'a la musique ou ses progres sont si rapides qu'il lui arrive parfois de remplacer l'organiste de la celebre cathedrale d'Uppsala, En 1709, il a bien pu aussi rencontrer I'amour en la charmante petite per­ sonne de rune des filles du savant Pothem (surnomme l'Ar­ chimede du Nord) mais it n'y a vraisemblablement pas lieu d'outrer l'importance d'une petite idylle qui dut etre banale et que Martin Lamm a sagement ramenee a ses veritables pro­ portions. En fait, Swedenborg etait fait pour les livres, les recherches et la meditation: il restera celibataire toute sa vie, ce qui ne signifie nullement, on le verra bien a la lecture du Livre des Reves. qu'il soit parvenu a etouffer les appels de la nature en lui! It se peut qu'il ait renonce a la petite Polhem parce qu'il ne s'etait pas senti assez aime. Probable aussi que I'auteur de tant de pages immortelles sur l'amour d'ames n'a pu consentir a incarner ses splendides theories! I1 y avait en lui, on aura I'occasion de le dire et redire ici, un pelerin de l'Absolu qui, de toute maniere, n'aurait pu se contenter d'un simple amour terrestre. Toujours est-il que, I'annee suivante (1710), il s'embarque pour l'Angleterre OU it passera presque quatre ans, etudiant les mathematiques, la musique et les sciences natureJles tout ensemble, suivant les cours de Newton, frequentant Halley, bref, s'interessant de tout pres a l'astronomie egalement. Tout en voyageant, du reste, pour parfaire son education: il visite les Flandres et la Hollande, l'Allemagne et la France dont la langue lui est familiere au point d'emailler son suedois de fa<;:on hautement divertissante (on rencontre a chaque page dans Le Livre des Reves d'etourdissants decalques comme aboutera. approbation, campagne. porterad for sexen que je n'hesiterai pas a rendre par « parte sur le sexe », hideusa. experiencen et des verbes : inaugurera. prosternera, passera. puri/iera, resolvera. contemplera. adressera. etc" on voit que c'est une affaire de suffixes). A Paris, d'ailleurs, il fera la 9 L'ITINERAIRE SPIRITUEL DE SWEDENBORG connaissance de l'astronome La Hire et de I'algebriste Vari­ gnon. Des 1710, il s'essaie aux belles-Iettres et publie, a Greifswald, en Pomeranie, un recueil de fables en vers latins imites d'Ovide : La Muse du Nord. En 1714, cet esprit ordonne et systematique se revele tel qu'en lui-meme, par un catalogue qu'il a dresse a I'intention de son oncle Benzelius, futur archeveque d'Uppsala; c'est la liste complete des inventions qu'il avoue avoir elaborees depuis qu'il existe : une machine a vapeur, une machine volante dotee d'ailes fixes et propulsee par une helice, nouveaute remar­ quable, donc, dans ce do maine, un appareil sous-marin, un fusil a air comprime, un modele d'ecluse d'un type nouveau et une penduile a eau destinee a representer le mouvement des planetes. Toute sa vie, d'ailleurs, il sera passionne de ce genre de choses et c'est peut-etre la qu'eclate, de fayon plus evidente que partout ailleurs, son genie. En fait, parfait representant du siecle des Lumihes, surtout s'il faut en croire son pere disant qu'a cette epoque, le jeune homme (il n'a pas trente ans, il mourra plus qu'octogenaire) connait une dizaine de langues dont quelques orientales, auxquelles il ajoutera plus tard l'hebreu et l'arameen. 11 convient sans doute de marquer ici un temps d'arret pour jeter un coup d'reil sur l'etat de la reflexion et de la science en Suede au debut du XVllle siecle. Pour elle comme pour une bonne partie de l'Europe, c'est I'avenement de l'Age des Lumieres, mais dans un contexte different de ce que nous avons pu connaitre en France. Le siecle precedent avait ete marque par I'absolutisme royal et les guerres meurtrieres, « l'ere de la grande puissance» (slOrmaktstiden), illustree par Gustav-Adolf et Charles XII. Sur le plan intellectuel, la toute-puissance de la scholastique medievale (en theologie, en metaphysique, en logique) dont la prestigieuse universite d'Uppsala etait restee le sanctuaire sourcilleux ne s'etait pas dementie. En fait, le pays accusait un retard si sensible que, par exemple, il aura fallu attendre 1658, avec I' Herkules de Georg Stiernhielm pour que se repandent enfin dans le Nord les ideaux de notre Renaissance. Non que des ferments novateurs, venus de France en der­ nihe instance, n'aient pas lentement, et sans consecration 10 R. SOYER officielle, fait leur chemin, mais c'est, d'une part, dans un climat d'hostilite et de malveillance entretenu par les tenants d'une tradition lutherienne ferocement figee sur des assises poussiereuses, d'autre part, et ce point ne doit jamais echapper a qui veut comprendre Swedenborg, par I'intermediaire de maitres a penser qui sont avant tout des Hollandais - s'il s'agit des theories nouvelles - et des lutheriens allemands, en ce qui concerne les tenants de la tradition. Je veux dire que la lente montee du cartesianisme en Suede, car c'est bien de cela qu'il est question, ne se fera, au positif, qu'a travers I'ecran hol­ landais, les refutations passant, elles, par le chenal allemand. En sorte qu'il est tres malaise de degager une reelle specificite suedoise au moment Oll le tout jeune Swedenborg fait ses etudes, meme si, par contrecoup, ses reactions et prises de positions trouvent une originalite qui leur vient de la distance accusee a I'egard d'une pensee assez patinee pour avoir perdu les asperites de la nouveaute. Ajoutons une precision impor­ tante : si c'est une absurdite que de dire que la Suede n'ajamais connu de grand philosophe, il reste vrai que ces esprits se defient comme par nature des trop grandes abstractions et que, pour donner un exemple clair, l'utilitarisme venu d'Angleterre, dont le succes ira croissant ail cours du XVllIe siecle, seduira toujours les esprits du Nord plus que la metaphysique pure. Autrement dit, pour citer Jean-Franyois Battail a qui les notations que voici doivent beaucoup I, la periode 1660-1690, qui marque l'avenement d'« une conception moderne de la science et de l'univers » (comprenons : du cartesianisme) en Suede est capitale pour nous puisqu'elle est responsable de la future pensee de Swedenborg. Or il aura fallu effectivement trente ans de disputes souvent violentes, conclus par une decision royale en 1689, pour que les theories de I'auteur des Principes ebranlent « la puissance de l'orthodoxie lutherienne, pilier de I'Etat ». 11 est significatif aussi que la querelle, centree comme il se doit autour de l'Universite d'Uppsala, puis autour de celle de Lund tout recemment creee, s'en prenne a Pufen­ dorf plutot qu'a Descartes. L'aristotelisme reste valeur etablie a Uppsala, meme si Paracelse nourrit un solide courant de I. « Essai sur le cartesianisme suedois » dans Nouvelles de la Repub/ique des Lellres. uploads/Litterature/ em-swedenborg-le-livre-des-reves-dromboken-journal-des-annees-1743-1744-g-e-klemming-1859-c-th-odhner-1918-regis-boyer-1993.pdf

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