Letras 52 (2012), ISSN 1409-424X 49 De l’ethnocentrisme à la tolérance de la di

Letras 52 (2012), ISSN 1409-424X 49 De l’ethnocentrisme à la tolérance de la diversité: vers une approche interculturelle du roman Le 12 juillet1 (El etnocentrismo ante la tolerancia de la diversidad: enfoque intercultural de la novela Le 12 juillet) Juan C. Jiménez Murillo2 Universidad Nacional, Costa Rica Résumé Les conflits intergroupes trouvant souvent leur origine dans des différences culturelles sont si vieux qu’ils ont toujours accompagné l’humanité. L’écri- vaine anglaise Joan Lingard touche cette problématique lorsqu’elle écrit le livre Le 12 juillet. Elle y ébauche la situation conflictuelle vécue en Irlande du Nord par des groupes opposés mais représentés par des jeunes: Sadie et Tommy protestants et Kevin et Brede catholiques. Alimentés par la haine de leurs parents, ces jeunes adolescents apprennent à se haïr réciproque- ment dans une société où l’unique norme paraît être celle de la violence réciproque depuis trois siècles. Malgré cette ambiance de haine mutuelle, il fleurit un petit élan qui paraît rapprocher les jeunes de deux côtés enne- mis: Sadie et Kevin tombent amoureux malgré leur religion différente. On se propose alors d’analyser ce roman d’aventures à la lumière des postu- lats proposés par l’anthropologue M. J. Bennett lorsqu’il aborde le sujet de l’ethnocentrisme. 1 Elaborado con base en la ponencia presentada por el autor en el IV Congreso Internacional de Lingüística Aplicada, llevado a cabo en mayo de 2013, en el Campus Omar Dengo, de la Universi- dad Nacional de Costa Rica. Recibido: 19 de agosto de 2013; aceptado: 30 de setiembre de 2013. 2 Escuela de Literatura y Ciencias del Lenguaje. Correo electrónico: jcjm79@costarricense.cr Letras 52 (2012) 50 Jiménez Resumen Los conflictos intergrupales a menudo encuentran sus raíces en las diferen- cias culturales, tan viejas que siempre han acompañado a la humanidad. La escritora inglesa Joan Lingard aborda este tema al escribir Le 12 juillet. Esboza la situación conflictual vivida en Irlanda del Norte debida a la opo- sición de grupos opuestos representados por los jóvenes: Sadie y Tommy que son protestantes y Kevin y Brede católicos. Impulsados por el odio de sus padres, estos jóvenes aprenden a odiar a los demás en una sociedad en que la única norma parece ser el de la violencia recíproca durante tres siglos. A pesar de esta atmósfera de odio mutuo, florece un impulso que pa- rece unir los jóvenes de ambos lados enemigos: Kevin y Sadie se enamoran a pesar de su religión diferente. Se trata entonces de analizar esta novela de aventuras, a la luz de las hipótesis propuestas por M. J. Bennett cuando se aborda el tema del etnocentrismo. Mots-clés: Ethnocentrisme, Conflits intergroupes, image de l’ennemie, compréhension, altérité, linguistique appliquée aux aires spécifiques. Palabras clave: etnocentrismo, conflictos intergrupales, imagen del ene- migo, comprensión, alteridad, lingüística aplicada a áreas específicas. «Mouais… Je t’avoue que je me demande si ce n’est pas seulement un prétexte, cette histoire de religions. Je ne crois pas qu’il faille forcement, pour être un bon catholique, aller barbouiller de peinture les murs des protestants.»3 «Tendance, plus ou moins consciente, à privilégier les valeurs et les formes culturelles du groupe ethnique auquel on appartient»4 c’est ainsi qu’on définit la notion d’ethnocentrisme, une attitude, quasiment omniprésente dans toutes les sociétés humaines car elle apparaît comme une sorte de dimension de la représentation propre à toute collectivité. Todorov de sa part, préfère décrire l’ethnocen- trisme en le rapprochant de la notion d’universalisme: 3 Joan Lingard, Le 12 juillet (Paris: Flammarion, 1970) 64. Mots de la mère de Kevin lorsqu’elle critique l’attitude de son fils qui barbouille des graffiti haineux les murs des quartiers protestants. 4 Dictionnaire de l’Académie française, 8e édition, 1932-1935. Letras 52 (2012) 51 De l’ethnocentrisme à la tolérance de la diversité... Dans l’acceptation ici donnée à ce terme, il consiste à ériger, de ma- nière indue, les valeurs propres à la société à laquelle j’appartiens en valeurs universelles. L’ethnocentriste est «pour ainsi dire la ca- ricature naturelle de l’universaliste: celui-ci, dans son aspiration à l’universel, part bien d’un particulier, qu’il s’emploie ensuite à gé- néraliser; et à ce particulier doit forcément lui être familier, c’est-à- dire, en pratique, se trouver sans sa culture.5 Joan Lingard paraît avoir reproduit le phénomène ethno- centrique d’une manière assez claire et illustrative dans son roman Le 12 juillet (1970). La vieille tension politique-religieuse qui a opposé depuis trois siècles les catholiques nationalistes et les protestants royalistes à Bel- fast en Irlande du Nord, constitue le cadre choisi par cette écrivaine pour retracer l’histoire qui met en tension quatre jeunes adolescents appartenant aux deux côtés opposés: Kevin et Brede qui sont catho- liques et Tommy et Sadie qui sont protestants. Cette écrivaine s’est alors efforcée de peindre le danger entraî- né par l’esprit ethnocentriste et qui pousse ces personnages, surtout Kevin et Sadie, à considérer d’une manière réductionniste et plus au moins consciente les groupes sociaux qui leur sont réciproquement adversaires en prenant comme référence leur propre culture; laquelle s’est fortifiée largement des visons religieuses et des tendances po- litiques antagoniques. C’est ainsi que Kevin et Sadie privilégient les normes sociales qui caractérisent leur propre vision du monde, en la valorisant systématiquement; les considérant comme supérieures. Joan Lingard connaissant très bien cette sorte de surestimation social, ethnique, géographique et nationale qui touche indistincte- ment les catholiques nationalistes et les protestants royalistes irlan- dais. Elle ébauche dans son œuvre toute une série des préjugés et 5 T. Todorov, Nous et les autres, la réflexion française sur la diversité humaine (Paris: Seuil, 1988) 21-22. Letras 52 (2012) 52 Jiménez le mépris exagéré voire le racisme qui déterminent la vision de ces deux groupes sociaux. Aveuglés par leur vision extrêmement ethnocentrique, Ke- vin et Sadie, les deux protagonistes de cette histoire, reproduisent à travers leurs comportements hostiles la représentation même de la haine et de la xénophobie. Les catholiques et les protestants par leur auto-affirmation dans l’environnement socioculturel irlandais, croient indistinctement pos- séder le droit à dévaloriser les autres groupes. Ce phénomène peut se rencontrer par tout ailleurs à Belfast selon le retrace Joan Lingard dans chacune des pages de son livre: bandes de jeunes, groupes pro- fessionnels, classe sociale, etc. Joan Lingard: une dénonciatrice de la haine ethnocentriste Née à Édimbourg en 1932, à la fois professeure et écrivaine Joan Lingard est l’auteure de plus de trente romans pour la jeu- nesse et treize pour les adultes. Ayant grandi à Belfast où elle a vécu jusqu’à l’âge de dix-huit, elle a connu de très près les horreurs de la violence. Ces événements inspirent sa fiction mais constituent à la fois les épisodes les plus traumatisants de sa vie. Elle a toujours été une lectrice avide qui n’a jamais cessé de lire, c’est pour cela qu’elle consacre une grande partie de son œuvre à écrire pour les jeunes. De ce fait, elle explore des thèmes récurrents des tensions familiales, l’amour et les effets destructeurs des préjugés sociaux. C’est ainsi que dans son premier livre Le 12 Juillet, elle ex- plore avec une sensibilité surprenante les conflits politico-religieux entre catholiques-protestants, en Irlande du Nord, lesquels semblent se réduire par le biais des relations provisoires entre des enfants sé- pares par le clivage religieux. Il y a, peut-être, deux éléments qui sont importants dans ses écrits: l’arrière-plan et l’héritage de l’histoire. Tous les récits qu’elle Letras 52 (2012) 53 De l’ethnocentrisme à la tolérance de la diversité... a créés sont pour la plupart sortis de l’arrière-plan de sa vie ou des gens qui sont très proches d’elle. Ayant évoqué dans son œuvre des thèmes difficiles de l’iden- tité et de la liberté individuelle face à des conflits sociaux et la dis- crimination, elle a été récompensée nombre de fois par des prix lit- téraires prestigieux.6 Belfast: un scénario de violence L’arrière-plan, la toile de fond où Joan Lingard insère l’his- toire de Kevin et Sadie constitue un cadre tapissé de violence et d’agitation politique et religieuse à Belfast. Ces jeunes adolescents ont grandi, alors, à l’ombre des tensions quasiment quotidiennes. Effectivement, ce conflit ayant eu des racines historiques qui remontent au xviie siècle, il renaît de manière grandissante à la fin des années 1960 et il semble avoir fini entre 1997 et 2007. Toute- fois la violence continue après cette date, mais de façon occasion- nelle et à petite échelle. C’est un mouvement pour les droits civiques qui en 1960 se ma- nifeste contre la disjonction religieuse que subit la minorité catholique. L’opposition entre républicains et nationalistes (principalement catho- liques) d’une part, loyalistes et unionistes (principalement protestants) d’autre part entraîne une ascension de la violence qui se prolonge pendant trente ans. Des groupes paramilitaires républicains, tels que l’IRA provi- soire qui cherchait la fin à l’autorité britannique en Irlande du Nord et la création d’une République irlandaise dans l’île, et loyalistes, dont l’Uls- ter Volunteer Force, créé en 1966, prétendait arrêter ce qu’il comprenait comme le détriment du caractère britannique de l’Irlande du Nord. 6 W. Kraus, «La fin des grands projets: le développement de l’identité dans le champ du travail comme navigation à vue». L’Orientation Scolaire et Professionnelle 27 uploads/Litterature/ dialnet-delethnocentrismealatolerancedeladiversite-5476150.pdf

  • 31
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager