Denis Gril : Oser le savoir et la foi Rédigé par Clara Murner | Mercredi 9 Janv
Denis Gril : Oser le savoir et la foi Rédigé par Clara Murner | Mercredi 9 Janvier 2019 à 10:27 * Denis Gril est un intellectuel français impliqué à la fois dans un discours scientifique et dans sa foi musulmane. Professeur émérite à l'université d'Aix-Marseille, il est membre de l’Institut de recherches sur le monde arabe et musulman (IREMAM). Savant accompli en langue arabe et en islamologie, il est spécialiste du soufisme. Il est ainsi auteur ou co-auteur de plusieurs études consacrées au soufisme, parmi lesquels « Les Illuminations de La Mecque » (sous la direction de Michel Chodkiewicz) et « Le soufisme à l'époque ottomane ». Sa profonde humilité et sa grande simplicité signent un double engagement dans la voie académique et la voie initiatique. C’est d’abord dans son milieu familial, puis dans ses rencontres au cours de séjours en pays arabes que ses recherches se sont particulièrement orientées vers les fondements scripturaires et l’œuvre d’Ibn 'Arabi (1165-1240) dont Denis Gril, qui a réalisé des traductions de ses œuvres, est un grand connaisseur. Entretien. Professeur émérite à l'université d'Aix-Marseille, Denis Gril est membre de l’Institut de recherches sur le monde arabe et musulman (IREMAM). Savant accompli en langue arabe et en islamologie, il est spécialisé dans le domaine du soufisme. Saphirnews : Vous avez enseigné la langue arabe et l’islamologie durant près de 20 ans. D’où vous est venue cette vocation ? Denis Gril : J’ai baigné depuis l’enfance dans un milieu musulman lié au soufisme. Mes parents sont entrés dans l’islam par le biais du soufisme grâce à l’œuvre de René Guénon (appelé aussi cheikh Abdel Wahid Yahia, auteur d’une œuvre métaphysique considérable sur les traditions orientales et occidentales, ndlr). Et aussi par Michel Valsan, traducteur d’Ibn 'Arabi (et fondateur des études « akbariennes » en Occident, ndlr). C’était un maître entouré de quelques disciples, dont je faisais partie. Son enseignement était axé sur le Coran et la Sunna, et aussi sur le soufisme. C’est comme ça que j’ai connu Ibn 'Arabi, cette grande figure du soufisme. Il m’a accompagné à la fois sur le plan spirituel et dans la recherche scientifique, effectuée dans le cadre académique ; car, en France, le soufisme est étudié de manière universitaire comme toutes les religions. Quel a été votre parcours ? Quelle formation avez-vous reçu ? Denis Gril : J’ai fait de l’arabe à la Sorbonne Paris III, avec notamment Mohammed Arkoun et Roger Arnaldez (en philosophie islamique), Claude Cahen (en histoire), Daniel Reig (en langue et littérature arabe), pour ne citer que quelques-uns. En 1968, j’étais en première année. Il y a eu de grands débats entre la Sorbonne et les Langues Orientales (l’actuel INALCO, ndlr) sur les différentes tendances dans l’orientalisme. C’est à cette époque que j’ai suivi les cours d’André Miquel à Vincennes sur les Mille et une nuits. Je venais juste d’avoir ma licence d’arabe quand j’ai eu une bourse pour étudier les sciences islamiques en 1970-1971, en Arabie Saoudite, où j’ai suivi les cours de l’Université islamique de Médine. C’était * https://www.saphirnews.com/Denis-Gril-Oser-le-savoir-et-la-foi_a25902.html. « Clara Murner est doctorante en langue et littérature arabes à l'Université de Strasbourg, au sein de l'Ecole doctorale des Humanités et de l'unité de recherches GEO (Groupe d'études orientales). Après avoir étudié la langue et la civilisation arabo- musulmane à l'INALCO (Paris) et, concomitamment, l'islamologie à l’Ecole pratique des hautes études, section des sciences religieuses à Paris, elle se consacre à l'étude, l'analyse et la traduction de textes anciens peu ou pas connus du patrimoine littéraire soufi. Traductrice de plusieurs ouvrages, elle est également productrice de l’émission Web « Transméditerranée » (les indés radios), une émission interculturelle mensuelle à la rencontre des différentes cultures méditerranéennes.» – 1 – Ramadan quand je suis arrivé, après un séjour à La Mecque. Les étudiants venaient de tous les pays. Nous communiquions en arabe classique. J’ai été intégré en première année de formation islamique à l’université, qui se trouve un peu à l’écart de la ville. On avait un enseignement de sciences religieuses traditionnelles dans un cadre qui rappelait le collège, avec des bancs d’école. C’étaient des cours magistraux, le discours wahhabite pur et dur. J’avais un peu de mal à supporter ces conditions. Heureusement, j’ai pu loger à Médine dans le Ribat al-Boukharî, tout près de la mosquée. J’étais hébergé gratuitement par le petit fils de l’émir de Boukhara (en Ouzbékistan, ndlr). Je vivais avec des vieux boukhariotes. Je me suis rapproché du cheikh mauritanien Mukhtar al-Shinqiti (décédé en 1973, ndlr), un vrai savant musulman traditionnel. Je suivais ses cours de fiqh (jurisprudence islamique, ndlr) l’après-midi, à la mosquée du Prophète (à Médine, ndlr). Ce fut ma première expérience d’enseignement traditionnel véritable. Ça m’a permis de compenser le côté sec de cette première initiation, très utile par ailleurs, aux sciences islamiques. A mon retour, j’ai poursuivi mes études et après l’agrégation d’arabe, j’ai commencé à enseigner l’arabe à Nanterre à des jeunes algériens. C’était un remplacement d’un an. J’avais une relation proche avec eux, ils ont su que j’étais musulman. Je leur ai enseigné une ou deux sourates, mais les collègues ont dit que je faisais de l’école coranique. Malgré tout, j’ai gardé un bon souvenir de cette expérience. Quelles ont été vos expériences à l’étranger, dans le monde arabe ? Denis Gril : J’étais à Damas, en 1973-1974, à l’Institut Français, au début du Ramadan, juste après la guerre du 6 octobre (la guerre de Kippour entre Israël et la coalition arabe menée par l’Egypte et la Syrie, ndlr). Comme à Médine, j’avais deux vies : des cours particuliers de langue et de littérature à l’Institut, mes recherches à la bibliothèque pour mon projet de thèse, et une autre vie grâce à mon entrée dans le milieu traditionnel (l’expression consacrée pour dire le milieu où sont enseignées les sciences traditionnelles islamiques, ndlr). En effet, l’enseignement traditionnel des sciences islamiques (le Coran et sa grammaire, le fiqh et le soufisme), était encore très vivant dans les mosquées syriennes. C’est ainsi que j’ai pu commencer une recherche sur Ibn 'Arabi. J’habitais dans la vieille ville, au nord de la mosquée des Omeyyades. J’ai beaucoup fréquenté les cheikhs et les oulémas immergés dans ce milieu traditionnel, comme le cheikh Abu Nur Khorshid que j’avais connu à Médine. Aujourd’hui, cette tradition a disparu. Elle est remplacée par des instituts. Entre 1974 et 1976, j’ai effectué mon service militaire en coopération, en tant qu’enseignant d’arabe au lycée Descartes à Alger. Le public était différent de ce que j’avais connu en France. Ces élèves algériens suivaient l’enseignement de la langue arabe de manière forcée et contrainte. C’étaient en majorité des fils de dirigeants qui n’avaient pas d’appétence pour l’arabe. J’ai eu quelques élèves intéressés en terminale, mais ça n’a pas été pour moi une expérience extraordinaire. Par contre, j’ai noué des amitiés avec des Algériens, notamment dans le contexte du soufisme. Et nous avons pu, avec mon épouse, sillonner l’Algérie qui est un pays magnifique. Enfin, j’ai eu la chance d’être nommé en 1976 pensionnaire à l’Institut français d’archéologie orientale du Caire (IFAO) où je suis resté cinq ans, à la section des études arabes et coptes. Là, j’ai travaillé sur Ibn 'Arabi et sur l’histoire du soufisme en Egypte à l’époque médiévale, à travers les vies de saints, les hagiographies. C’est un autre versant de ma recherche. J’ai publié les mémoires d’un cheikh égyptien du XIIIe siècle, Safi al-Din ibn Abi l-Mansur (thèse publiée en 1986 à l’IFAO, ndlr). Son maître était un ami d’Ibn 'Arabi. Il l’avait connu en Andalus. Ça m’a ramené en Espagne musulmane et au Maghreb. Je découvrais la doctrine exemplifiée par des anecdotes, une dimension très vivante, très complémentaire de l’œuvre du cheikh al-Akbar. – 2 – De 1981 à 2010, vous exercez à l’Université d’Aix-Marseille. Comment l’enseignement de l’islamologie est-il perçu au sein des universités françaises ? Qui l’enseigne ? Denis Gril : En effet, j’ai d’abord enseigné la langue et la littérature arabe, puis l’islamologie, à la suite d’Alfred Louis de Prémare (professeur à l’université de Provence Aix-Marseille I, enseignant-chercheur à l’IREMAM et spécialiste de la langue et la culture arabe et de l’histoire de l’islam décédé en 2006, ndlr) et de Claude Gilliot (islamologue, dominicain, professeur émérite d’études arabes et d’islamologie à l’Université de Provence, et auteur d'articles sur l’exégèse coranique et la théologie musulmane de l’époque classique, ndlr). Et j’ai retrouvé à Aix des collègues liés à l’Egypte et à l’IFAO. Les enseignants n’étaient pas trop impliqués ; ils avaient plutôt une approche critique. En 1987, j’ai été rattaché à l’IREMAM (Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman), une unité mixte de recherche du CNRS, composée de chercheurs et d’enseignants de l’université. Il y avait plusieurs spécialités : l’histoire, la littérature, et une approche sociologique et anthropologique. Là, j’ai enseigné et dirigé des travaux sur l’histoire du soufisme et les textes scripturaires. Il y a une nécessité de parler des fondements de l’islam. C’est important. Chez les chercheurs et enseignants universitaires, on constate une évolution assez récente, uploads/Litterature/ denis-gril-oser-le-savoir-et-la-foi-entretien-avec-clara-murner-saphirnews-2019-scribd.pdf
Documents similaires










-
38
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mar 31, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0903MB