Langages Pour en finir avec Procuste Laurent Danon-Boileau, Janine Bouscaren Ci
Langages Pour en finir avec Procuste Laurent Danon-Boileau, Janine Bouscaren Citer ce document / Cite this document : Danon-Boileau Laurent, Bouscaren Janine. Pour en finir avec Procuste. In: Langages, 19ᵉ année, n°73, 1984. Les Plans d'Énonciation. pp. 57-73; doi : 10.3406/lgge.1984.1165 http://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1984_num_19_73_1165 Document généré le 31/05/2016 Laurent DANON BOILEAU Université Paris III Janine BOUSCAREN Université Paris VII POUR EN FINIR AVEC PROCUSTE * 0. Objet du présent article II s'agit d'analyser les problèmes de niveaux d'énoncé et de plans d'énonciation en anglais à partir de textes suivis. Par problèmes de plan d'énonciation, nous entendons les problèmes afférents à la dichotomie définie par Benveniste entre discours et récit (ou discours et histoire). Par problème de niveaux d'énoncé, nous entendons l'ensemble des problèmes liés : — à la caractérisa tion d'un énoncé rapporté, ou comme énoncé non- rapporté (ci- après dénommé énoncé primaire) ; — à la caractérisation du type auquel se rattache tel énoncé rapporté particulier (discours direct, indirect, style indirect libre). Le choix d'un passage suivi est dicté par le fait que très souvent les réponses aux problèmes évoqués ci-dessus dépendent de la nature des liens qu'un énoncé entretient avec ceux qui le précèdent et le suivent. A notre avis, c'est seulement en contexte que peuvent être appréhendées la richesse et la complexité des phénomènes relatifs aux plans d'énonciation et aux niveaux d'énoncé. De ce point de vue, le cas du SIL est remarquable. Nous serons amenés à constater que ce type d'énoncé n'existe pas comme séquence indépendamment caractérisable. En effet, la définition de son niveau repose entièrement sur l'interprétation que l'on propose du lien qu'il entretient avec le contexte où il s'insère. À cet égard, les travaux qui visent à constituer une grille d'indices stables permettant de fragmenter un texte en une suite d'énoncés indépendants que l'on peut classer en énoncé primaire, DD, DI ou SIL ne présentent à nos yeux qu'un intérêt limité. En effet, les indices proposés caractérisent la forme des énoncés pris isolément, lors même que l'indice essentiel de la caractérisation (du SIL en particulier) réside dans la liaison entre énoncés successifs. * ou Procruste : « surnom d'un brigand qui vivait sur la route de Mégare à Athènes. Procruste possédait deux lits, un petit et un grand. Il forçait les voyageurs à s'étendre sur l'un de ces lits : les grands sur le petit (et, pour les mettre à la bonne dimension, il leur coupait les pieds) les petits, sur le grand (et alors il les étirait violemment pour les allonger). Ce brigand fut tué par Thésée » (P. Grimai, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, P.U.F. 1963). 57 Plutôt que d'aborder les choses en appliquant des catégories contestables à des exemples hors- contexte, nous nous proposons d'analyser plusieurs fragments d'un même ensemble suivi. Dans chacun, naturellement, nous serons amenés à relever des constantes. Mais bien souvent, ces indices nous permettront seulement d'apprécier l'ambiguïté ou l'hétérogénéité du statut d'un énoncé, sans nous autoriser à le ranger une fois et pour toutes dans une catégorie tranchée. Cette attention portée au particulier ne nous détournera cependant pas de l'examen de problèmes généraux. C'est même, on s'en doute, ceux-ci que vise notre étude. Mais plutôt que d'avoir recours à une exposition qui conduirait à rompre le fil du texte analysé, et compte- tenu de l'importance que nous accordons à ce « fil », nous adopterons, dans l'examen des différents problèmes, l'ordre d'exposition d'un commentaire linéaire. 1. Remarques liminaires 1.1. Nous appellerons ambigu un énoncé dont la forme ne permet pas de déterminer le niveau. Ainsi dans (I) Dixon looked again at Bertrand's eyes. They really were extraordinary1 le second énoncé de l'exemple, en lui-même, ne contient pas d'indice crucial permettant de savoir s'il faut lire un fragment de style indirect libre ou si c'est l'énoncé primaire qui se poursuit. C'est seulement le lien entre le premier et le second énoncé qui fait pencher ce second énoncé du côté du SIL (l'interprétation conduit alors à une paraphrase du genre : Dixon regarda à nouveau les yeux de Bertrand et pensa qu'ils étaient vraiment extraordinaires). Dire d'un énoncé qu'il est ambigu veut donc dire : — que sa forme permet de le classer indifféremment dans deux catégories d'énoncés traditionnellement tenues pour distinctes. — que c'est le lien qu'il entretient avec son contexte qui peut, le cas échéant lever l'ambiguïté. 1.2. Nous appellerons hétérogène un énoncé qui dispose de marques spécifiques et (prétendument) exclusives de deux types d'énoncés traditionnellement tenus pour distincts. Ainsi dans : (II) He thought what a pity it was that all his faces were designed to express rage 2 (Quel dommage se dit-il, que toutes ces /ses grimaces ne soient destinées qu'à exprimer la rage) se trouvent rassemblées les marques du discours indirect (présence d'un verbe introducteur « he thought ») et celles du discours direct (la modalité exclamative « what a pity it was ») — ceci contrairement à un énoncé tel que : (II') He thought is was a great pity that all his faces were designed to express rage (II pensa qu'il était bien dommage...) 1. in Kingsley Amis : Lucky Jim (Penguin Book, p. 47). 2. in Lucky Jim, op. cit., p. 250. 58 1.3. Dans plusieurs analyses portant sur le style indirect libre, bien que sous des formes diverses, l'enjeu semble être de déterminer si tel énoncé est une « remarque d'auteur » (laquelle sera alors un énoncé primaire échappant au plan dénonciation « histoire ») ou s'il est au contraire l'écho plus ou moins affaibli de la voix (ou de la conscience) d'un personnage. L'attention que nous portons à l'ambiguïté comme à l'hétérogénéité des énoncés nous a conduit, après d'autres, à nous défier de la métaphore qui consiste à parler alternativement de : voix de l'auteur/ voix (ou conscience) du personnage. De notre part, il ne s'agit aucunement d'un parti-pris théorique anti-subjecti viste (ou anti-humaniste, entendu dans le sens althussé- rien), mais simplement du constat que la métaphore de la voix préjuge de la cohérence linguistique d'un énoncé. Car parler de « voix », c'est laisser croire à la nécessaire unité d'un énoncé concernant : — la nature de ses shifters — leur origine — le type de modalités qu'il contient — le support de ses modalités et appréciations — les origines et les repères temporels dont ses formes verbales portent la trace. Dans ce même ordre d'idée, il nous semble difficile de parler d'énonciateur rapporté ou de situation dénonciation rapportée (ou translatée). Tels qu'ils sont définis par A. Culioli 3, les concepts d'énonciateur et de situation dénonciation désignent des origines à partir desquelles sont repérés tous les shifters, toutes les modalités, tous les temps, tous les aspects d'un même énoncé (l'énoncé primaire). Or c'est précisément cette cohérence qui éclate dans les énoncés rapportés. Répudiant l'idée de voix, il nous appartiendra : — de déterminer les indices qui permettent de savoir si un énoncé donné est un énoncé primaire, un énoncé rapporté ou, faute d'indice crucial, un énoncé ambigu ; — de déterminer, dans le cas d'un énoncé rapporté, le type dont il peut s'agir (DD, DI, SIL) ou les phénomènes d'hétérogénéité qui se manifestent ; — de voir ce qu'il en est : — de la nature des shifters et de leurs origines — de la nature des modalités et de leurs supports — de la nature des aspects des temps et de leurs repères respectifs. Nos analyses vont porter sur le texte suivant dont les énoncés soulignent diversement les problèmes qui nous préoccupent. Le voici : (III-l) In order to give a reasonable berth to the Café Royal mob, I struck up a side street into Soho, intending to cut back to Regent Street higher up. (III-2) Perhaps hunger was driving more people out of their homes. 3. Toute notre analyse se situe dans le cadre des travaux de A. Culioli. Voir bibliographie. 59 (III-3) Whatever the reason, I found that the parts (of London) I now entered were more populous than any I'd seen since I left the hospital. (IH-4) Constant collisions took place on the pavements and in the narrow streets, and the confusion of those who were trying to get along was made worse by knots of people clustering in front of the now frequently broken shop-windows. (III-5) None of those who crowded there seemed to be quite sure what kind of shop they were facing. (III-6) Some in the front sought to find out by groping for any recognizable objects ; others, taking the risk of disembowelling themselves on standing splinters of glass, more enterprisingly climbed inside. (III-7) I felt that I ought to be showing these people where to find food. (III-8) But should I ? (III-9) If I were to lead them to a food shop still intact there would be a crowd which would not only have swept the place bare in five minutes, but have crushed a number of its weaker members in the process (John Wyndham, The day of the Triffids ; Penguin Books - 1951). 2. Les plans uploads/Litterature/ danon-bouscaret-pour-en-finir-avec-procuste.pdf
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- Publié le Mai 30, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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