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HAL Id: hal-01311888 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01311888 Submitted on 4 May 2016 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Linguistique et philologie françaises devant l’analyse des structures (1876-1956) Jean-Claude Chevalier To cite this version: Jean-Claude Chevalier. Linguistique et philologie françaises devant l’analyse des structures (1876- 1956). Dossiers d’HEL, SHESL, 2013, Les structuralismes linguistiques : problèmes d’historiographie comparée, 3, pp.1-11. ￿hal-01311888￿ Chevalier, Jean-Claude « Linguistique et philologie française devant l’analyse des structures (1876- 1956) », Les dossiers de HEL [supplément électronique à la revue Histoire Epistémologie Langage], Paris, SHESL, 2013, n°3 disponible sur Internet : http://htl.linguist.univ-paris-diderot.fr/num3/cheval.pdf La fondation de la Société de Linguistique de Paris, dans les années 1860-1870 coïncide avec la création de quatre, cinq revues d’études de la langue ; et, en premier, avec celle de la Revue de Linguistique et Philologie comparée créée par Honoré Chavée et Abel Hovelacque en 1867. La Société s’assure une orientation plus ferme, plus nettement comparatiste, du jour où Michel Bréal en est nommé secrétaire, poste qui demeurera essentiel dans la Société jusqu’à nos jours. Bréal, fin décembre 76, adresse aux membres un discours programme fondé sur la distinction établie entre linguistique et philologie, propos confirmés par la harangue du Président Benoist l’année suivante. L’objet de la philologie, dit Bréal, c’est « l’étude critique des monuments du langage », donc l’étude des textes ; en contraste, la linguistique « étudie les éléments constitutifs du langage articulé ». Bréal privilégiait un livre d’Abel Hovelacque, tout récemment paru (1876), La Linguistique, dans lequel Hovelacque, collaborateur de Chavée, mais aussi membre de la Société de Linguistique, se fondait sur les propositions de Schleicher pour définir l’une et l’autre science sous ce chapeau : « La linguistique est une science naturelle, la philologie une science historique » ; à quoi il ajoutait : « L’étymologie n’est pas une science », phrase provocatrice qui disparaissait de la 2e édition (1877). Après avoir longuement cité Littré et fait des réserves sur une partie de la définition de la Philologie qui établissait la légitimité d’une Philologie comparée, discipline qui, selon lui, pouvait difficilement s’inscrire dans la Linguistique, Hovelacque proposait le contraste suivant : « La tâche du philologue est l’étude critique des littératures sous le rapport de l’archéologie, de l’art, de la mythologie ; c’est la recherche de l’histoire des langues et subsidiairement de leur extension géographique ; c’est la découverte des emprunts qu’elles se sont faits les unes aux autres dans le cours des temps, en particulier des emprunts lexiques ; c’est, enfin, la restitution et la correction des textes. » (p. 3) A l’inverse, la linguistique se définit ainsi : « L’étude des éléments constitutifs du langage articulé et des formes diverses qu’affectent ou peuvent affecter ces éléments. En d’autres termes, si l’on veut, la linguistique est la double étude de la phonétique et de la structure des langues ». (p. 4) Bréal précise, pour ses collègues, que ce qui le passionne c’est d’établir les points de communication entre ces deux disciplines ainsi séparées. Et il prend pour exemple une étude de Meunier et Havet sur le génitif latin, qu’il commente ainsi : « C’est de la philologie puisqu’on cite les grammairiens latins et qu’on invoque la métrique de Plaute ; c’est de la linguistique, car jamais philologue n’aurait trouvé l’ingénieuse explication de ces formes. » 1. Parallélisme en devenir Cette distinction entre les deux disciplines va se renforcer en France dans les années suivantes, grâce au poids de personnalités remarquables et grâce à la force prégnante des institutions qui s’établissent dans une Université de Paris en pleine expansion. Pour la linguistique, l’arrivée à Paris en 1880, d’un jeune savant exceptionnel, tout juste Jean-Claude Chevalier UMR 7597 Université Paris Diderot / CNRS Linguistique et philologie françaises devant l’analyse des structures (1876-1956) SHESL 2013 2 docteur de Leipzig, Ferdinand de Saussure aura été déterminante. Il a été reçu à la SLP, en 1876 ; présent, il impose son génie ; dès l’année suivante, on lui confie un cours aux Hautes Etudes (gotique et vieux haut-allemand) ; à la SLP, il est nommé Secrétaire adjoint et rédacteur en chef des Mémoires, à l’époque principal moyen d’expression de la SLP. Le succès de ses cours est grand ; au début, des auditeurs suisses et allemands, mais les français viennent rapidement et des plus brillants, comme Maurice Grammont et Arsène Darmesteter ; et le dernier arrivé surtout, Antoine Meillet, chercheur aussitôt tenu pour exceptionnel ; il supplée Saussure en 1889 à l’EPHE quand celui-ci part faire des enquêtes en Lithuanie ; il le suppléera définitivement quand Saussure rentrera à Genève et occupera une chaire à l’Université en 1891. C’est à cette date, en 1891, qu’est nommé à la Sorbonne un maître de conférences non moins exceptionnel, Ferdinand Brunot, philologue voué à la langue française, spécialiste de Malherbe et de grammaire historique. Brunot, jusqu’à sa mort en 1938, dominera la scène des philologues du français, comme Meillet, mort en 1936, celle des linguistes. Jusqu’à la guerre de 14, les tâches seront clairement partagées, entre ces deux hommes qui s’estiment et ont délimité leur domaine. Le normalien Brunot, à la Sorbonne, forme les futurs enseignants. Il s’occupe des textes français et de l’histoire de la langue, de plus en plus tenté par l’histoire ; en 1900, il commence cette prodigieuse Histoire de la Langue française, dont il achèvera le tome XII (1815, coupure qu’avait déjà tracée Michelet) à l’heure de sa mort. Grammairien-citoyen, il voue ses recherches de grammaire à l’amélioration de l’enseignement et surtout à la promotion d’un enseignement moderne qu’il privilégie par-dessus tout à l’intention des enfants du peuple (impliquant une réforme de l’orthographe). Avec un inspecteur de l’enseignement primaire, Nicolas Bony, de 1905 à 1911, il publie des manuels pour les classes et en fait la théorie dans des cours de Sorbonne (publiés en 1908). Très tôt, obsédé par la diffusion du français, dès 1895, il dirige les cours pour étrangers de l’Alliance française et soigne un enseignement de l’oral pour lequel il a sollicité Jean-Pierre Rousselot. Sans perdre de vue aucune technique nouvelle : avec Charles Bruneau, il enregistre des enquêtes sur les phonographes de la maison Pathé (1912) et fonde les Archives de la Parole, celles-ci conduiront à la fondation d’un Institut de Phonétique et d’une Phonothèque. Il profite de ce qu’il a été nommé doyen de la Sorbonne en 1920 pour réaliser une vieille idée : la création d’un Institut pour l’enseignement du français à l’étranger qu’il confie à son disciple, Edmond Huguet, lequel aura une importance considérable pour l’enseignement du français dans le monde. Enfin, aussitôt le décanat terminé, il se voue entièrement à l’Histoire de la Langue française dont il infléchit le cours pour donner une place déterminante aux études de société, ce qui le rapproche d’une réformation de l’histoire par ce qu’on appellera l’école des Annales, menée par Marc Bloch et Lucien Febvre. S’instaurera alors un échange fructueux entre ces savants. En face, par un privilège librement consenti, Meillet règne sur la SLP et sur sa revue, le BSL, sur les Hautes Etudes, sur le Collège de France. Il domine les philologues des langues anciennes comme Ernout pour le latin, les études indo-européennes et slaves par l’intermédiaire de rares disciples comme Joseph Vendryes pour les études celtiques, Robert Gauthiot pour le sogdien, plus tard Benveniste ou Tesnière pour le slave ou des locaux comme Belic. C’est à lui et à la SLP, on va le voir, que s’adressera Nicolas Troubetzkoy, aussitôt sorti de l’emprise bolchevique. Il vise à asseoir sa discipline sur la sociologie comme le rappelle Lucien Tesnière dans sa biographie de Meillet. Mais il est surtout lié au philosophe Louis Couturat avec qui il parle logique et langues artificielles. Pour l’organisation théorique, la référence est Saussure, plus peut-être le Saussure qu’il a connu que le Saussure du CLG, qui ne lui paraît pas restituer la voie –et la voix- saussurienne. Meillet ne variera pas sur ce point. C’est Jakobson qui le rappellera en 1937, honorant la disparition de Meillet dans un article de la Slavische Rundschau. Je traduis : « Dans la suite de Baudoin de Courtenay, de Fortunatov et de Sakhmatov, Meillet a posé les questions essentielles sur la valeur du phonème par opposition, sur l’autonomie de la linguistique, sur le regroupement de la slavistique et de l’indo-germanique et surtout il a gardé un souci constant des formations générales ». Et il cite –en français- le refrain de Meillet : « Il faut tenir compte de la structure de la langue. » La guerre de 14-18 les trouvera chacun à son poste, selon sa manière. Brunot remplit ses tâches de maire du uploads/Litterature/ chevalier-dossiers-hel3.pdf

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