Formation de la stéréotypie discursive Author(s): Thierry Charnay Source: Ethno
Formation de la stéréotypie discursive Author(s): Thierry Charnay Source: Ethnologie française, nouvelle serie, T. 25, No. 2, Le motif: en sciences humaines (Avril-juin 1995), pp. 266-277 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40989730 . Accessed: 11/06/2014 02:41 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Ethnologie française. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.44.79.13 on Wed, 11 Jun 2014 02:41:05 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions Formation de la Stereotypie discursive Thierry Charnay Université Lille III, Centre d'ethnologie française « Cinq puissances ou parties de l'âme sont, c'est assavoir la vegetative, la sensitive, l'appetitive, I 'intellective, la motive de lieu en autre. » Nicole Oresme (cité par Godefroy, 1888). I Le point de vue structuraliste La notion de « motif », fréquemment suscitée pour l'étude des ethnotextes, c'est-à-dire de la « littérature orale », est fortement marquée par l'idéologie de l'Éco- le des folkloristes finlandais diffusée à travers leur revue Folklore Fellows Communication, et par les tra- vaux de Stith Thompson. Cette conception « positi- viste et empirique » (Lévi-Strauss, 1968, p. 186) a d'ailleurs eu pour résultat le plus éclatant en France le Catalogue raisonné des contes populaires français de Paul Delarue et de Marie-Louise Tenèze dont la paru- tion a commencé en 1957. I Lévi-Strauss Lévi-Strauss s'est livré à une critique en règle de cette notion de « motif » dans L'origine des manières de table, pp. 185 et suivantes, démontrant « qu'elle ne correspondait à rien de réel et ne constituait même pas une catégorie analytique. » II reconnaît bien les mérites de la méthode historique « pour autant qu'el- le s'applique à rassembler des faits », mais « les diffi- cultés commencent avec la définition des faits » car : « À aucun moment, la méthode historique ne se demande en quoi consiste un fait de folklore. Ou plus exactement, elle reconnaît comme fait tout élément que l'appréciation subjective lui désigne pour tel en se fondant sur le contenu apparent du récit. Jamais ou presque, on ne tente une réduction d'où il résulterait que deux ou plusieurs motifs, séparés par un plan superficiel, sont en rapport de transformation, de sorte que le caractère défait scientifique n'appartient pas à chaque motif ou à tels d'entre eux, mais au scheme qui les engendre bien qu'il reste lui-même à l'état latent. On se contente d'inventorier des termes sans les mettre en relation. » La méthode historique ne rend pas compte non plus de la signification des motifs, ce qui est au cœur de nos préoccupations. Lévi-Strauss pense avoir exorcisé le terme dans son acception technique et l'opération est salutaire et nécessaire quand il l'effectue en 1968 ; c'est comme s'il exorcisait en même temps les vieux démons du formalisme menaçant de stérilité et de fige- ment le structuralisme. Maintenant, on peut se deman- der ce qu'il en est dans la pratique. En effet, dès la page 196 du même livre, il discute du « Mythe 439, Arikana : le choix trompeur » qu'il appelle ensuite le « motif du choix trompeur » manifesté sous trois formes différentes. On voit bien qu'il ne s'agit plus du motif dans le sens de Stith Thompson puisque nous avons là un scheme sous-jacent capable de générer trois formes. Il n'en reste pas moins que le terme, chas- sé du métalangage, revient très vite au cœur des ana- lyses. D'ailleurs, Lévi-Strauss l'utilise dès les pre- mières pages de ses Mythologiques. Ainsi, dans Le Cru et le cuit (page 56), parle-t-il du motif de 1'« anus stopper », et, plus bas, écrit-il que « le motif initial du mythe de référence consiste dans un inceste avec la mère, dont se rend coupable le héros. » Ce qui laisse à penser que la désignation du motif est très variable et qu'il a quelque chose à voir avec le narratif. Par la suite, le terme de motif reviendra souvent sous la plume de Lévi-Strauss, y compris dans ses der- niers ouvrages. Ainsi, l'utilisera-t-il fréquemment dans Histoire de lynx pour désigner des grandeurs très variables sans référence à un scheme générateur, depuis le « motif de base commun à toutes les ver- sions » (p. 19), celui du « brouillard » (p. 29), à celui de IV enfant ravi » (p. 63), ou de « l'enfant ravi et retrouvé » (p. 120) devenu entre temps (p. 141) « le mythe de l'enfant ravi par le hibou » - ces dénomina- tions renvoient à des niveaux d'abstraction différents -, en passant par celui de la « famille résultante », de IV origine » ou du « retour du beau temps » (p. 55). Il est clair qu'on n'emploie pas « motif » dans la même acception lorsqu'il sert à désigner « la sentence fati- dique » (p. 83) dont la « teneur » peut s'inverser, ou bien lorsqu'il sert à désigner le « végétal séducteur » (p. 148), ou celui de IV étuve » (p. 31), ou encore celui, on ne peut plus discursif, du mythe lilloet de la Ethnologie française, XXV, 1995, 2, Le motif en sciences humaines This content downloaded from 185.44.79.13 on Wed, 11 Jun 2014 02:41:05 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions Formation de la Stereotypie discursive 267 page 179 : « II y avait une fois un homme qui vivait seul dans une cabane semi-enterrée (...) » qui, en quelque sorte, motive le récit lui-même, le déclenche et permet son développement. On comprend l'hésitation de Lévi-Strauss qui, tan- tôt place le motif au niveau figuratif, servant alors à désigner une figure discursive de l'usage, tantôt le place à un niveau d'abstraction plus profond, celui du schéma. D'où un sentiment de confusion ressenti par le lecteur, même si l'on estime la possibilité d'un emploi « élastique » - c'est-à-dire hétérogène - du terme de motif comme dans les dictionnaires, par « commodité ». On pourra douter qu'il en soit ainsi puisque le motif est utilisé métalinguistiquement, ou métanarrativement, pour effectuer les analyses dont il est un outil fréquent. Ainsi pourra-t-on regretter que le « motif », à cause, finalement d'une incompatibilité idéologique entre for- malisme et structuralisme (il en fut de même pour les travaux de Propp), n'ait pu trouver sa place dans le métalangage de Lévi-Strauss, d'autant que ce dernier s'est souvent approprié des termes musicaux. J'en veux pour preuve l'introduction tardive du métaterme de « cellule », p. 1 19 d'Histoire de lynx, défini comme suit : « Ensemble d'incidents formant un tout, sepa- rable du contexte mythique particulier où on l'a d'abord repéré, et transportable en bloc dans d'autres contextes », comme le « motif », mais plus long et plus particulièrement narratif. La « cellule » appartient éga- lement au métalangage musical : « Le plus petit élé- ment rythmique pouvant apparaître d'une manière iso- lée ou comme partie d'un tout plus étendu », selon le dictionnaire de musique de Marc Honegger (1976, p. 159). Lequel définit le « motif » de la façon sui- vante : « Elément de la syntaxe musicale possédant un sens expressif propre et qui confère son aspect carac- téristique à un thème, à une phrase mélodique. Le motif se décompose en éléments très brefs appelés cel- lules. » On aura compris que le rapport motif-cellule est inverse en musique puisque le motif y est consti- tué de cellules. Le motif serait bien la victime d'un règlement de compte idéologique. En outre, on pour- rait se demander s'il n'existerait pas une autre incom- patibilité entre le motif et le structuralisme due au fait que l'on n'est pas assuré de pouvoir définir un motif par opposition et par différence avec d'autres motifs, d'au- tant que l'on définit et que l'on décrit le motif isolé- ment, ceci étant dit en première approche et deman- dant une réflexion plus approfondie. I Greimas et Courtes Dès le premier tome de Sémiotique dictionnaire rai- sonné de la théorie du langage paru en 1 979, Greimas Ethnologie française, XXV, 1995, 2, Le motif en sciences humaines et Courtes proposent une définition du « motif » que voici : « Unité figurative transphrastique constituée en blocs figés : des sortes d'invariants susceptibles d'émi- grer. » On aura noté le flou de l'énoncé qui a tout de même le mérite de poser le niveau figuratif où se situe l'unité considérée, son caractère invariant qui n'est pas sans faire problème (de quel ordre est l'invariant ? sémantique ? figuratif ?), et sa mobilité reconnue depuis longtemps par les folkloristes. Le motif y est assimilé à une configuration discursive. Dans son uploads/Litterature/ charnay-thierry-formation-de-la-stereotypie-discursive.pdf
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- Publié le Jui 19, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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