CYBERLANGAGE ET ORTHOGRAPHE : QUELS EFFETS SUR LE NIVEAU ORTHOGRAPHIQUE DES ÉLÈ
CYBERLANGAGE ET ORTHOGRAPHE : QUELS EFFETS SUR LE NIVEAU ORTHOGRAPHIQUE DES ÉLÈVES DE CM2, 5E ET 3E ? Céline Bouillaud, Lucile Chanquoy, Jean-Émile Gombert Groupe d'études de psychologie | « Bulletin de psychologie » 2007/6 Numéro 492 | pages 553 à 565 ISSN 0007-4403 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-psychologie-2007-6-page-553.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Groupe d'études de psychologie. © Groupe d'études de psychologie. Tous droits réservés pour tous pays. 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BOUILLAUD Céline* CHANQUOY Lucile** GOMBERT Jean-Émile* Les recherches portant sur l’acquisition de l’orthographe mettent en évidence que les enfants possèdent, dès leur plus jeune âge, des connais- sances sur les régularités orthographiques du langage écrit (Treiman, 1993). En grande partie, ces connaissances s’acquièrent implicitement par exposition régulière à l’écrit (Gombert, 2003 ; Pacton, 2000 ; Pacton, Fayol, Perruchet, 1999). En revanche, très peu d’études s’intéressent au cyber- langage. Celles qui existent se sont attachées à décrire les caractéristiques syntaxiques de cette écriture, sans la mettre en relation avec l’ortho- graphe usuelle du français (Anis, 1999, 2003 ; Dejond, 2002). La présente recherche s’intéresse à ce lien manquant, en étudiant les relations qu’entre- tiennent le cyberlangage et l’orthographe chez des enfants et des adolescents. L’objectif est, dans un premier temps, de vérifier si, dès le niveau CM2 (10-11 ans), les enfants ont des connaissances sur l’utilisation du cyberlangage puis, dans un second temps, d’étudier les relations entretenues entre le cyberlangage et l’orthographe classique, chez des enfants et de jeunes adolescents (scolarisés en CM2, 5e et 3e de collège). LES MODÈLES D’ACQUISITION DE L’ORTHOGRAPHE Tant pour l’orthographe que pour la lecture, les modèles, dits développementaux (Ehri, 1987 ; Frith, 1985), se fondent sur les modèles de lecture experte, qui proposent un accès lexical à deux voies, l’une directe et l’autre indirecte (Coltheart, 1978). Une voie consiste à activer des mots entiers, puis à en reproduire la séquence orthographique (voie d’adressage), tandis que la seconde produit les graphèmes un à un par transformation de la séquence de phonèmes correspondante à l’oral (voie d’assemblage). Ce type de conception présente l’avantage de mettre en évidence les rela- tions étroites, qui existent entre la lecture et l’ortho- graphe. D’après Frith (1985), chacune de ces deux habiletés se construirait en suivant trois stades successifs, dominés, chacun, par une stratégie différente. Lors du stade logographique, l’enfant identifie un mot grâce à des indices visuels sail- lants. Cette phase peut aboutir à l’élaboration d’un premier lexique de taille variable (de dix à cent mots). Au cours du stade alphabétique, l’enfant, qui maîtrise alors le principe alphabétique, est en mesure de comprendre que l’écriture transcrit la parole. Cette phase se caractérise par l’apprentis- sage de la correspondance phonème-graphème. Le système alphabétique étant arbitraire, le passage à cette étape résulte d’un apprentissage explicite, qui conduit l’apprenant à pouvoir lire et écrire tous les mots réguliers de la langue. À ce stade, l’enfant est particulièrement sensible aux aspects phonologi- ques des mots. Enfin, la dernière étape, le stade orthographique, correspond à un fonctionnement plus expert pour la lecture et l’écriture. L’enfant est capable d’analyser automatiquement les mots auxquels il est confronté, sans avoir recours à la médiation phonologique. L’écriture orthographique corres- pond à la mise en place de la stratégie lexicale d’adressage du modèle à deux voies d’écriture experte. Une fois automatisée, cette étape est celle de l’expertise. Selon Frith (1985), ce serait à ce stade que des mots nouveaux pourraient être écrits par analogie avec des mots connus. L’intérêt de cette modélisation est de proposer que la lecture et l’écriture se développent de façon fonctionnellement distincte, mais parallèle. Ainsi, le stade logographique débute en lecture avant de se manifester dans l’écriture, mais s’y prolonge pourtant plus longtemps. La lecture est encore logographique, lorsque l’écriture est déjà alphabé- tique. L’expérience des enfants en lecture logogra- phique leur permet, éventuellement, d’utiliser le * Laboratoire CRPCC, Université de Rennes II – Haute-Bretagne, Place du Recteur Henri Le Moal CS 24307, 35043 Rennes Cedex. <celine.bouillaud@uhb.fr> ** Laboratoire LPEQ, Université de Nice – Sophia Antipolis, Pôle universitaire Saint Jean d’Angély, 24 avenue des Diables Bleus, 06357 Nice Cedex 4. 553 bulletin de psychologie / tome 60 (6) / 492 / novembre-décembre 2007 © Groupe d'études de psychologie | Téléchargé le 29/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.190.201.51) © Groupe d'études de psychologie | Téléchargé le 29/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.190.201.51) même type de traitement du mot quand ils écrivent. Toutefois, la caractéristique de l’activité d’écriture, qui fait que les lettres sont écrites les unes après les autres, entraîne l’enfant à utiliser le code alpha- bétique, d’abord dans l’écriture, ce qui le conduit à lire de la même manière et, en conséquence, à commettre des erreurs, notamment pour les mots irréguliers. Le stade alphabétique se manifeste, donc, en écriture, avant d’apparaître en lecture, mais il y dure plus longtemps : l’écriture est encore alphabétique, lorsque la lecture est déjà orthogra- phique. Comme pour le stade précédent, les enfants utilisent le code orthographique, d’abord en lecture, ce qui entraîne son utilisation en écriture. C’est à partir des expériences en lecture que l’apprenti lecteur stocke des associations graphème-phonème et développe des représenta- tions orthographiques spécifiques des mots. Ehri (1997) appelle ce processus « apprentissage de mots visuels ». Ceci est conforme au point de vue de Perfetti (1989), selon lequel la spécification des représentations lexicales dépend de deux principes, la précision et la redondance. La précision corres- pond à la « probabilité que les lettres spécifiques soient représentées comme partie d’un mot dans le lexique du lecteur », et la redondance correspond à la « formation de connections graphème-phonème spécifiques des mots » (Perfetti, 1997, p. 46). Perfetti entend, par là, que « même le scripteur expert peut « manquer » une lettre, et, ainsi, produire ou non l’orthographe correcte (précision) et que les connections (formant la redondance) sont développées par la convergence des correspon- dances graphème-phonème généralisée et des formes orthographiques spécifiques » (Perfetti, 1997, p. 46). D’autres modèles de l’acquisition de l’ortho- graphe postulent également que c’est lorsque les enfants possèdent un large corpus de mots en mémoire, qu’ils commencent à varier la graphie de leurs transcriptions (stade morphologique pour Ehri, 1986 ; stade transitionnel pour Gentry, 1982 ; stade des patrons intra-mots pour Henderson, 1985 ; auteurs cités par Perfetti, 1997). Ainsi, selon Henderson (1985), le développement de l’ortho- graphe passerait par cinq étapes successives. Ces étapes permettraient à l’enfant de passer, du simple griffonnage à l’écriture, par le nom des lettres (le mot help sera écrit HLP selon le son propre des lettres qui le composent). Ensuite, progressivement, l’enfant commencerait à mémoriser des mots au cours de ses lectures. Finalement, ce serait, au mieux, à la fin de l’école élémentaire, lors du stade « des principes dérivationnels », qu’il utiliserait les relations sémantiques entre les mots pour orienter son orthographe. Les différents modèles en stades (Ehri, 1986 ; Frith, 1985 ; Gentry, 1982 ; Henderson, 1985) considèrent que le développement de la capacité à lire et à écrire suit toujours la même séquence : l’enfant prend d’abord en compte l’information phonologique, puis orthographique et, enfin, morphologique. Même si ces modèles ont permis de mieux comprendre les changements qualitatifs qui se produisent au cours de l’apprentissage, ils n’en restent pas moins des cadres descriptifs généraux, qui ne renseignent pas sur la dynamique de cet apprentissage. En outre, la diversité entre les indi- vidus est négligée. L’orientation actuelle suppose, plutôt, que les étapes successives, dans ces modèles développementaux, correspondent, en partie, à des procédures disponibles simultanément pour le lecteur, mises en œuvre en fonction de la nature des items à lire. Des modèles plus interactifs remplacent progres- sivement les conceptions développementales, en décrivant comment le système de traitement de l’information mobilise différents processeurs dans des tâches de reconnaissance de mots écrits. Ces modèles (Colé, Magnan, Grainger, 1999 ; Gombert, Bryant, Warrick, 1997 ; Seymour, 1997) n’assimi- lent pas la lecture à la recherche d’un mot stocké dans le lexique mental, comme le postulaient les modèles développementaux décrits précédemment. Pour les modèles interactifs, lire découle de l’acti- vation de différentes unités spécialisées dans le trai- tement orthographique, phonologique et séman- tique. Toutes ces connaissances seraient activées simultanément et automatiquement. Seymour (1997) présente un modèle à cinq composants pouvant être uploads/Litterature/ bupsy-492-0553.pdf
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- Publié le Aoû 02, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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