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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : info@erudit.org Article « L’enseignement de la traduction : enjeux et démarches » Christine Durieux Meta : journal des traducteurs / Meta: Translators' Journal, vol. 50, n° 1, 2005, p. 36-47. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/010655ar DOI: 10.7202/010655ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Document téléchargé le 23 juin 2015 08:22 36 Meta, L, 1, 2005 L’enseignement de la traduction: enjeux et démarches christine durieux Université de Caen, Caen, France durieux@mrsh.unicaen.fr RÉSUMÉ L’enseignement de la traduction peut poursuivre quatre grands objectifs: (1) enseigner une langue étrangère; (2) former de futurs professeurs de langue; (3) former de futurs traducteurs professionnels; (4) former de futurs formateurs de traducteurs. L’enseigne- ment de la traduction doit être adapté à l’objectif retenu et aux conditions dans lesquel- les il se situe: ressources humaines et moyens matériels disponibles, et marché de l’emploi visé. ABSTRACT Translation teaching can pursue four purposes: (1) modern language teaching, (2) train- ing of teachers of foreign languages, (3) translators’ training, (4) training of translators’ trainers. Translation teaching should be adapted to its purpose as well as its environ- ment: human resources and material means available, and targeted labour market. MOTS-CLÉS/KEYWORDS didactique de la traduction, méthodologie de la traduction, théories de la traduction, formation de professeurs, formation de traducteurs Introduction Avant d’entamer un développement sur l’enseignement de la traduction, il y a lieu de régler son compte à une première objection préjudicielle. La traduction est-elle un art ou une science? La capacité de traduire procède-t-elle d’un talent inné ou d’un long apprentissage ? Naît-on traducteur ou le devient-on à force d’étude et de travail? Finalement, est-il possible, voire pertinent, d’enseigner la traduction? L’existence même du présent volume témoigne de l’évidence de la réponse, réponse intuitive, empirique et pragmatique. Force est de constater que la traduction s’enseigne dans des écoles, instituts et universités dans le monde entier; voilà pour la possibilité. Quant à la pertinence, pour ne pas dire l’efficacité, force est de constater que les employeurs de traducteurs, tels que les organisations internationales, relèvent globalement une différence notable entre les traducteurs diplômés et les autres, en faveur des premiers, ce qui les conduit à exiger des candidats qui postulent à un emploi de traducteur une formation spécifique, sanctionnée par un diplôme repré- sentant l’aboutissement de quatre à cinq années d’enseignement supérieur. Par ailleurs, une réflexion sur l’enseignement de la traduction ne saurait se limi- ter à relater une expérience, si réussie soit-elle, pour en préconiser la réplication. De même, il ne saurait être question de proposer un programme idéal, sorte de modèle exemplaire, dont il serait souhaitable de se rapprocher au plus près. Une telle attitude présupposerait que la traduction est une activité singulière, homogène, clairement Meta, L, 1, 2005 définie et parfaitement bornée. Or, la traduction se révèle être une activité plurielle, polymorphe et multidimensionnelle. C’est pourquoi tenter de tracer un cadre expli- cite pour l’enseignement de la traduction conduit à s’interroger sur les circonstances envisagées. Si donc il existe plusieurs formes de traduction, l’enseignement censé y mener doit revêtir, lui aussi, des formes différentes. De plus, tout enseignement présuppose des moyens humains et matériels qui ne sont pas les mieux répartis à la surface du globe. Enfin, le marché de l’emploi et les besoins sont très variables d’un pays à l’autre, ce qui interdit la réplication d’un modèle unique à l’échelle de la planète, et ce n’est pas le moindre paradoxe en cette ère de mondialisation. L’enseignement de la traduction peut poursuivre quatre grands objectifs: (1) enseigner une langue étrangère; (2) former de futurs professeurs de langue; (3) former de futurs traducteurs professionnels; (4) former de futurs formateurs de traducteurs. Selon l’objectif visé, l’enseignement de la traduction s’organise en vertu de principes différents. Enseignement d’une langue étrangère Dans ce cas, l’exercice de traduction répond à une préoccupation tout axée sur la langue. La traduction est alors considérée comme la mise en contact de deux langues. La démarche mise en œuvre dans l’opération traduisante est de nature contrastive. La traduction permet de mettre en évidence les différences de découpage du lexique et de structures syntaxiques entre les deux langues et, ainsi, contribue à l’apprentis- sage de la langue étrangère1. Outre la fonction d’exercice d’apprentissage, la traduc- tion joue un double rôle pédagogique : d’une part, elle sert de contrôle des connaissances, puisqu’en effectuant la traduction l’apprenant apporte la preuve qu’il a bien appris les listes de vocabulaire et les règles de grammaire et qu’il sait les appli- quer; d’autre part, elle sert de support de retour d’information pour l’enseignant qui, en évaluant les traductions effectuées par les apprenants, peut se rendre compte de la manière dont son enseignement a été reçu et de son efficacité. Dans cette opti- que, une langue est un code linguistique et la traduction consiste à le convertir en un autre code linguistique. Le code se compose d’éléments préexistants à l’opération de conversion dans lesquels il y a lieu de puiser pour exécuter la traduction2. Le diction- naire bilingue est alors l’outil de travail privilégié. Cette vision de la traduction, qui se fonde sur la théorie linguistique de la traduction (Durieux, 2000), sous-tend un enseignement classique: distribution d’un texte à traduire, préparation de la traduc- tion écrite par les apprenants pour le cours suivant, proposition orale de la traduc- tion préparée par les apprenants, améliorations apportées par approximations, par essais et erreurs, corrigé imposé par l’enseignant. «Le professeur propose un corrigé qui est “performance magistrale” au double sens de la chaîne parlée produite par l’enseignant et de l’exploit inégalable: les deux sont confondus» (Ladmiral, 1994: 74). Les apprenants sont évalués par rapport à la performance de l’enseignant, référence absolue vers laquelle tendre, et ont pour objectif de réduire l’écart qu’ils accusent par rapport au corrigé type. Dans ce cadre, il y a lieu d’établir une distinction entre la version et le thème. De ce fait, ces deux exercices ne sont pas symétriques. Le thème n’est l’inverse de la version que de façon très superficielle. Si, pour des francophones, la version est par l’enseignement de la traduction: enjeux et démarches 37 38 Meta, L, 1, 2005 exemple la traduction d’anglais en français, le thème est la traduction de français en anglais, mais la réversibilité s’arrête à cette définition succincte, et ne résiste pas à un examen des démarches impliquées. Ainsi, la version est principalement un exercice d’expression en langue maternelle. La qualité d’une version est fonction de la qualité de la rédaction et donc de la compétence acquise en matière d’écriture en langue maternelle. Bien entendu, contrairement aux exercices de pure rédaction, l’appre- nant n’exprime pas ses propres idées mais les idées d’un tiers exprimées en langue étrangère, qu’il doit au préalable avoir comprises. Si la compréhension de la langue étrangère est donc une phase nécessaire mais non suffisante pour réaliser une version correcte, dans bien des cas, les étudiants font valoir qu’ils ont bien compris ce que veut dire le texte à traduire, mais qu’ils ont du mal à l’exprimer dans leur propre langue. Il semblerait donc que, le plus souvent, la difficulté majeure de la version se situe au niveau de la rédaction en langue maternelle, comme en témoigne l’exemple suivant: After the Bentley murder, Rose Hill stood empty two years. Lawns mounted to meadows: white paint peeled from the balconies; the sun, looking more constantly, less fearfully, in than sightseers’ eyes through the naked windows, bleached the floral wallpapers. Ces premières lignes d’une nouvelle d’Elizabeth Bowen ne sont effectivement pas difficiles à comprendre. La circonstance est posée: suite à un meurtre, une maison reste inhabitée pendant deux ans. La description qui suit est très visuelle: personne n’a tondu les pelouses qui sont devenues de vraies prairies tant l’herbe est haute; la peinture extérieure s’est écaillée; le soleil a décoloré les papiers peints parce qu’il n’y a plus de rideaux aux fenêtres. Curieusement, la rédaction en français de ce bref passage a posé bien des problèmes aux apprenants3 qui ont multiplié les maladresses d’expression. Par exemple, l’énoncé Lawns mounted to meadows est grammaticalement simple: sujet plus verbe plus complément indirect. Le vocabulaire est courant et les correspondances répertoriées dans les dictionnaires bilingues sont sans surprise : lawn = pelouse; meadow = pré, prairie; to mount = monter; to mount to (sth) = s’élever à (qqch). Toutefois, sur ces bases, le transcodage est impossible en français: les pelouses s’élevaient à des prairies, ou les pelouses montaient en prairies. De fait, monter en prairie n’est pas correct. Cette erreur résulte de uploads/Litterature/ article-l-x27-enseignement-de-la-traduction-enjeux-et-demarches-christine-durieux.pdf

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