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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : info@erudit.org Article « Théorie du sens et sociocritique en traduction littéraire » Matthew O. Iwuchukwu Meta : journal des traducteurs / Meta: Translators' Journal, vol. 55, n° 3, 2010, p. 529-544. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/045075ar DOI: 10.7202/045075ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Document téléchargé le 10 juin 2016 06:35 Meta LV, 3, 2010 Théorie du sens et sociocritique en traduction littéraire matthew o. iwuchukwu University of Nigeria, Nsukka, Nigeria matthew.iwuchukwu@unn.edu.ng RÉSUMÉ Le présent article porte sur la théorie et la méthodologie de la traduction, plus précisé- ment sur une alliance originale de la théorie du sens et de la sociocritique en traduction littéraire. Il établit ainsi le lien de complémentarité qui s’impose entre la théorie du sens et la sociocritique dans le processus interprétatif. L’étude soutient que, pour compenser les lacunes des approches linguistique, sémiotique et comparative, le traducteur littéraire doit non seulement faire preuve d’une maîtrise des deux langues (ici l’anglais et le fran- çais) et des deux cultures en présence, mais aussi s’armer de principes théoriques qui relèvent à la fois de l’approche interprétative de la traduction et de la sociocritique. Grâce à une analyse du processus interprétatif et à des exemples tirés principalement d’œuvres littéraires africaines de langue anglaise ou française, elle met en lumière la complémen- tarité des fonctions interprétative et sociocritique du traducteur. La démarche aide à mieux intégrer dans le processus traductionnel les éléments cognitifs et affectifs fondant la théorie du sens ainsi que les connaissances extralinguistiques sollicitées par la socio- critique. De toute évidence, elle facilite le travail du traducteur littéraire dans la mesure où elle lui permet de réexprimer avec fidélité le vouloir dire original de l’auteur. ABSTRACT This article focuses on the theory and methodology of translation with particular reference to the original alliance between the theory of meaning and sociocriticism in literary trans- lation. Translating literary texts from English into French and vice versa has often posed the problem of inadequate re-expression of a written message, mainly due to the inadequacies of linguistic, semiotic and comparative approaches. Through an analytical study of the literary translation process, the article shows that apart from the need for mastery of two different languages (here English and French) as well as two different cultures involved in the translation process, the literary translator should be conversant with both the interpre- tive methodology and sociocriticism as an effective means of conveying the writer’s mes- sage from the source language to the target language. The article seeks to highlight the need for integration of the extra-linguistic components of sociocriticism into the interpretive process, with a number of practical examples drawn mainly from the African literary pro- duction in English or French. MOTS-CLÉS/KEYWORDS traduction littéraire, théorie du sens, sociocritique, processus interprétatif literary translation, theory of meaning, sociocriticism, interpretive process 1. Introduction En ce début du troisième millénaire où la mondialisation résonne en écho, les besoins en matière de traduction sont de plus en plus forts. Au Nigeria, par exemple, la traduction vers le français de textes, littéraires ou non, ne cesse de s’intensifier. Ce phénomène peut s’expliquer, d’une part, par le fait que le français se manifeste en 530 Meta, LV, 3, 2010 tant que deuxième langue officielle et, d’autre part, par l’augmentation significative de la production de textes pragmatiques, scientifiques, littéraires et paralittéraires. Ainsi, la littérature igbo compte aujourd’hui plusieurs centaines d’œuvres, publiées également en anglais, dont certaines ont déjà été traduites en français, en particulier celles de romanciers tels que Chinua Achebe, Cyprian Ekwensi et Flora Nwapa (Iwuchukwu 2005 : 521-524). Au Nigeria, et de manière générale en Afrique, il existe actuellement des milliers d’œuvres littéraires, tous genres confondus, qui méritent aussi d’être traduites de l’anglais vers le français et vice versa. Dans ce contexte, nous nous interrogeons sur les principes théoriques et les éléments méthodologiques à mobiliser. Le cadre principal étant celui de la théorie du sens, ou théorie interprétative de la traduction (Lederer 1987 : 11-17), l’apport de la sociocritique au processus interprétatif est illustré par la traduction anglais-fran- çais d’œuvres de la littérature africaine. Nous interrogeant sur la complémentarité de la théorie du sens et de la sociocritique, nous illustrerons certains concepts et procédés techniques par des références à des œuvres littéraires africaines de langue anglaise ou française. 2. Les textes littéraires : discursivité et communicabilité de l’écriture Nous entendons par « textes littéraires » les différents genres de la littérature écrite, comme le roman, la nouvelle, la poésie et le théâtre. Quel que soit le genre du texte, le langage littéraire se distingue fondamentalement des autres par l’expression sub- jective de l’émotion de l’écrivain ou de ses personnages, par opposition au langage pragmatique, scientifique ou technologique, doté d’un caractère plus ou moins uni- versel. Comme le soulignent Wellek et Warren, le langage scientifique « tend vers un système de signifiants du type des mathématiques ou de la logique symbolique », alors que le langage littéraire, fortement connotatif, est loin d’être uniquement référentiel. Il a un côté expressif ; il exprime le ton et l’attitude de celui qui parle ou écrit. Et ce langage ne se contente pas d’énoncer et d’exprimer ce qu’il dit ; il prétend aussi influer sur l’attitude du lecteur, le persuader, et en définitive le modifier […]. Des œuvres littéraires diverses s’écartent à des degrés différents du langage scientifique (Wellek et Warren 1971 : 32). Flamand (1983 : 119) tient un discours similaire et met en relief la liberté de l’écrivain : « Plus on s’éloigne de la littérature d’art pour se rapprocher des écrits pragmatiques, plus diminue la part de subjectivité. […] On peut dire que l’on passe d’un langage connotatif, symbolique et allégorique à un langage plutôt dénotatif, descriptif et informatif ». À l’opposé du langage scientifique ou pragmatique, l’ex- pressivité et la subjectivité du langage littéraire sont inhérentes à la liberté d’expres- sion artistique dont jouit l’écrivain. Ainsi, dans la préface au roman africain 15 ans, ça suffit ! (1985), d’Amadou Ousmane1, Idé Oumarou évoque le style particulier utilisé pour dépeindre Siddi Balima, un député corrompu : 15 ans, ça suffit ! est peut-être un procès manqué […]. Je sais qu’ils furent nombreux ceux qui, par opportunisme, par égoïsme, par ruse ou par complicité, profitèrent de la calamité pour s’en mettre plein les poches. Se construire des villas, se faire immatri- culer des taxis […], s’acquérir de redoutables et inestimables relations. Dans ce livre d’Amadou Ousmane, Siddi Balima est leur symbole. Il paiera donc pour tous. Et Amadou Ousmane nous dit tout cela sur un ton tantôt badin, tantôt passionné. C’est peut-être sa façon à lui d’extérioriser une indignation longtemps contenue (Oumarou 1985 : 7 ; nous soulignons). Oumarou souligne l’association signifiante de la forme et du fond, ce qui demeure d’ailleurs une caractéristique du roman en général, qu’il soit africain ou non. Vers la fin du roman, Siddi Balima sera effectivement jugé coupable d’un détour- nement abusif des deniers de l’État. D’après la longue plaidoirie de l’avocat de la défense, Maître Ali, (1) il [Siddi Balima] a docilement servi les intérêts de ses maîtres. […] Nous savons qu’il n’est ni le seul coupable, ni même le seul responsable. La faute vient du sys- tème. Du système dans son ensemble. Car la corruption, les détournements abusifs des deniers de l’État […] les tortures, les exactions en tous genres et j’en oublie, tout cela traduit une seule et cruelle réalité : le peuple est exploité, opprimé, et tous ses droits bafoués. (Ousmane 1985 : 121-122) La culpabilité de Siddi Balima trahit donc celle du système politique corrompu en place au Bentota, pays sahélien fictif. Ce personnage est devenu le bouc émissaire même du régime politique au pouvoir depuis quinze ans. Le discours juridique du Maître Ali, passionné, a su provoquer les émotions et sensations désirées chez son audience nombreuse au palais de justice. Comme le rapporte le narrateur omniscient extradiégétique du roman, (2) l’avocat ne se contrôlait plus. Les juges en étaient ébahis, l’assistance médusée. Le Président tenta vainement de le faire taire, mais l’avocat déchaîné débitait son discours avec une passion qu’on ne lui connaissait pas. (Ousmane 1985 : 122) Le discours de l’avocat et celui de la narration soulignent certes la discursivité et la communicabilité du roman en tant que genre littéraire. Mais il est important de préciser que, dans le cadre de la littérature francophone africaine, le discours roma- nesque renvoie généralement à des discours déjà tenus dans une société de référence donnée. De uploads/Litterature/ article-3.pdf
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- Publié le Mai 10, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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