253 ÉTUDES 36 / 2015 / 2 ( 253—266 ) Apprendre la traduction à l’aide des « gri
253 ÉTUDES 36 / 2015 / 2 ( 253—266 ) Apprendre la traduction à l’aide des « grilles de traduction ». Pour une approche méthodique Learning translation by means of “translation grids”: a methodic approach Pavla Doležalová [399@mail.muni.cz] Masarykova univerzita, République tchèque Résumé : La présentation d’une méthode traductologique basée sur l’idée d’un message à décoder, étant donné l’inégalité des connaissances chez l’auteur et chez le traducteur vis-à-vis du texte. De dif- férentes grilles de traduction, linguistiques et extralinguistiques sont proposées afin de faciliter la compréhension du message original en entier qui est nécessaire pour pouvoir le transmettre inchangé dans la langue cible. Mots clés : Méthode traductologique ; critères d’une bonne traduction ; inégalité devant le texte ; grille de déchiffrement ; grille de lisibilité ; grille de traduction et ses prototypes ; message Abstract: A presentation of a translation method based on the idea of a message that has to be decrypted, as author and translator are not equals in the knowledge before the text. Various linguistic and extra-linguistic translation grids are proposed to facilitate the acceptation of the original message as a whole which is necessary for transmitting it unchanged into the target language. Key words: Translation method; good translation criteria; inequality before the text; decrypting grid; intel- ligibility grid; translation grid and its types; message REÇU 2015–02–11; ACCEPTÉ 2015–03–26. 254 ÉTUDES 36 / 2015 / 2 ( 253—266 ) Pavla Doležalová Apprendre la traduction à l’aide des « grilles de traduction ». Pour une approche méthodique Une bonne traduction est celle qui ne saute pas aux yeux, ne blesse les oreilles ni ne fait de feintes de corps – le premier par des fautes objectives, le deuxième par celles de langue et le troisième par celles masquées Une bonne traduction peut relever d’un travail plus ou moins intuitif, ou au contraire d’un traitement automatisé, assisté par ordinateur,1 en passant par les activités traduisan- tes basées sur la connaissance de différentes théories traductologiques. Dans tous les cas c’est la maîtrise du code/ des codes qui est cruciale. A part le code primordial, celui de la langue source, il y en a d’autres, dont le déchiffrement permet de restituer le texte dans la langue cible. Plus le texte est complexe, stratifié, voire métaphorique, plus le décodage devient compliqué et multiple. Étant donné que vis-à-vis du texte l’étudiant en traducto- logie n’est pas, en général, un lecteur doté d’une connaissance égale à celle de l’auteur du texte, nous nous posons à ses côtés dans la situation d’une inégalité devant le texte. L’avantage est à l’auteur, encodeur du message, et c’est pourquoi nous considérons utile de proposer une démarche de décodage, d’appliquer à la traduction un instrument emprunté ailleurs et de le lui adapter2. Dans notre exposé nous nous appuyons partiellement sur une base théorique que représentent surtout François Rastier et George Steiner. En ce qui concerne les études de traductologie, Rastier constate l’existence de deux courants dont le premier est « pra- tique et didactique » et le second « critique et philosophique » (Rastier 2006 : 37–49) pour évoquer par la suite la nécessité d’une synthèse entre « une traductologie lexi- cographique et grammaticale et une réflexion fondamentale sur les œuvres »3. George Steiner4 va encore plus loin en préférant à une théorie scientifique de la traduction des 1 Cf. http://www.epi.asso.fr/fic_pdf/b52p165.pdf, Frédérique Lab. 2 Il ne serait que trop ambitieux de croire au pouvoir des mots (traduits), de « miser sur un beau langage maîtrisé pour garantir les hommes de l’excès » (Ozouf) à l’instar des écrivains du XIXe siècle, pourtant on ne saurait pas nier l’influence du traducteur, dans le meilleur et dans le pire, sur le message transmis. 3 Ibid. Pour celle dernière, c’est Gérard Dessons interprété par Tomáš Koblížek (Koblížek 2012 : 156–157) commentant son concept de co-énonciation et celui d’ « écrire à partir de » et d’ « écrire vers », pourtant conçus pour une interprétation d’une image, qui pourraient nous servir d’un deuxième point de départ. « Née à partir des tableaux, l’écriture, en réalité, va vers eux (Dessons 1999: 50) » – voilà une affirmation qui peut être reprise et paraphrasée pour la traduction : née à partir des textes (de source), l’écriture (d’un texte cible), en réalité, va vers eux, autrement dit, la rédaction du texte traduit puise dans l’original, s’en ferait une interprétation visuelle, pour créer enfin une image, un tableau inédit qu’elle fixe avec les mots de la langue cible. Mais c’est ici que l’affinité entre une lecture de l’œuvre d’art plastique et de celle d’un texte à traduire finit. Or, si Dessons affirme que « la lecture n’est pas le déchiffrement d’ ‘un texte pictural’ (Dessons 1999 : 52) », pour la traduction c’est bien le contraire – la lecture qu’assume le traducteur est littéralement un déchiffrement. 4 Steiner, G. (1998). After Babel. Aspects of Language and Translation. Préface à la troisième édition. Oxford : Oxford University Press. 255 ÉTUDES 36 / 2015 / 2 ( 253—266 ) Pavla Doležalová Apprendre la traduction à l’aide des « grilles de traduction ». Pour une approche méthodique observations issues de l’activité traduisante pratique. Si Rastier parle d’ « un contrat interprétatif propre au genre des textes ou au type de discours » (Rastier 2001 : 111) on peut très bien envisager un contrat pareil pour une approche du texte avec l’intention de le traduire. Or, on doit procéder à une lecture, à une interprétation différentes chez les niveaux de discours spécifiques, dans le cas d’un roman, d’un commentaire politique ou d’un texte publicitaire par exemple. Le respect d’un contrat interprétatif, c’est-à-dire le recours à une grille de lecture spécifique, invite à l’utilisation consécutive d’une grille de traduction appropriée. L’intention interprétative est due à la difficulté de saisir le sens du texte, ce qui est souvent le cas de la traduction, notamment chez un étudiant. La surinterprétation (Rastier 2001 : 112) n’en est pas moins rare car elle est entraînée par l’effort de saisir le maximum, incorrigé par les limites qu’offre le choix d’une grille de traduction spécifique. 1. Grille de lisibilité, grille de traduction C’est sans doute le contexte de déchiffrement5 qui est à l’origine du terme de « grille de lisi- bilité » utilisé dans le discours herméneutique, par exemple d’après E. Bordas, dans certains cas, « le style est utilisé ‘comme une grille de lisibilité’» (Bordas 2008 : 86). La lisibilité en question dépend de l’application d’une grille spécifique, voire personnelle, d’où la possibi- lité de plusieurs « lectures » ou interprétations différentes, forcément partielles. La traduc- tologue I.H. Schmitt-Melbye, en parlant de la « réduction inévitable des sens potentiels lors d’un processus d’interprétation »6 s’appuie sur P. Ricœur, tout en adhérant à sa conception de la « grille de lisibilité ». Or, à la différence des grilles de lisibilité, nos « grilles de traduc- tion » ne vont pas refléter la multiplicité de choix. Au contraire, elles vont nous servir gra- duellement, chacune à son tour, à entrevoir, à travers ses « trous » ou « cases » spécifiques, un énoncé acceptable, et à négliger délibérément d’autres possibilités. En apposant des grilles différentes le traducteur opte pour une solution qui participera à la transmission du message tel qu’il a été conçu et rédigé. Il s’agit bien sûr des grilles purement imaginaires et imagées – face à un texte à traduire, on doit s’imaginer lesquelles des grilles de traduction vont aider à extraire du texte et à saisir le message entier. En déchiffrant, le traducteur né- gligerait plus au moins la situation source de même que celle cible pour se concentrer sur un troisième centre de gravité, et c’est le message lui-même. 5 Pour le principe du fonctionnement de la « grille tournante » ou la « grille trouée » : une grille rectangu- laire aux cases hachurées est à poser sur le message écrit dans le même format. Pour déchiffrer, il faut posséder une grille trouée de la même façon que celle à l’aide de laquelle le texte a été rédigé. Cf. p. ex. http://www. apprendre-en-ligne.net/crypto/transpo/tournant.html. 6 Ricœur, P. (1969). Le conflit des interprétations: essais d’herméneutique. Paris : Seuil : « [L]’interprétation part de la détermination multiple des symboles [...]; mais chaque interprétation, par définition, réduit cette richesse, cette multivocité, et « traduit ‘le symbole selon une grille de lecture qui lui est propre’ », cité par I. Schmidt-Melbye, Ambiguïtés et hybridité – de la subjectivité dans le domaine de la traduction, http://gerflint. fr/Base/Paysscandinaves7/Schmidt-Melbye.pdf. 256 ÉTUDES 36 / 2015 / 2 ( 253—266 ) Pavla Doležalová Apprendre la traduction à l’aide des « grilles de traduction ». Pour une approche méthodique Dans les intentions d’un « guide méthodologique » et en simplifiant un peu, on peut donner de ce message la définition connue à tout élève (tchèque) : c’est ce que « le poète a voulu dire ». Pour le cas limite (sur l’axe du plus simple au plus complexe), le texte source équivaut le message7. Pour nous tourner vers les textes plus ambitieux, tels que uploads/Litterature/ apprendre-la-traduction-a-l-x27-aide-des-grilles-de-traduction-pour-une-approche-methodique.pdf
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- Publié le Jul 27, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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