Laura Levi Makarius (1974) LE SACRÉ ET LA VIOLATION DES INTERDITS Chapitres V à
Laura Levi Makarius (1974) LE SACRÉ ET LA VIOLATION DES INTERDITS Chapitres V à VII Un document produit en version numérique par Mme Marcelle Bergeron, bénévole Professeure à la retraite de l’École Dominique-Racine de Chicoutimi, Québec et collaboratrice bénévole Courriel: mailto:mabergeron@videotron.ca Site web: http://www.geocities.com/areqchicoutimi_valin Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" dirigée et fondée par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm Laura Levi Makarius (1974), Le sacré et la violation des interdits : chap. V à VII. 2 Un document produit en version numérique par Mme Marcelle Bergeron, bénévole, professeure à la retraie de l’École Dominique-Racine de Chicoutimi, Québec courriel: mailto:mabergeron@videotron.ca site web: http://www.geocities.com/areqchicoutimi_valin à partir de : Laura Levi Makarius (1974) Le sacré et la violation des interdits. Chapitre V à VII. Une édition électronique réalisée du livre publié en 1974, Le sacré et la violation des interdits. Paris :Éditions Payot, 1974, 377 pages. Collection : Science de l’homme. Autorisation accordée par l’ayant-droit des droits d’auteurs, le fils de Mme Levi Makarius, Michel Makarius, professeur de philosophie et d’esthétique à Paris, le 18 novembre 2002. mkrs@noos.fr Polices de caractères utilisée : Pour le texte: Times, 12 points. Pour les citations : Times 10 points. Pour les notes de bas de page : Times, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2001 pour Macintosh. Mise en page sur papier format LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition complétée le 19 juillet 2003 à Chicoutimi, Québec. Laura Levi Makarius (1974), Le sacré et la violation des interdits : chap. V à VII. 3 Table des matières Préface par R. Makarius, septembre 1974 I II III IV Note de l’auteure Chapitre I. La Violation des Interdits Notes du chapitre I Chapitre II. Les Jumeaux Notes du chapitre II Chapitre III. Le Forgeron Notes du chapitre III Chapitre IV. Le Roi « divin » Notes du chapitre IV Chapitre V. Le Trickster Notes du chapitre V Chapitre VI. Les Clowns rituels Notes du chapitre VI Chapitre VII. Le Sacré Notes du chapitre VII Bibliographie Index des noms de peuples et de lieux. Index des noms de personnes Laura Levi Makarius (1974), Le sacré et la violation des interdits : chap. V à VII. 4 Le sacré et la violation des interdits (1974) Chapitre V Le trickster Despair thy charm And let the angel whom thou still hast served Tell thee, Macduff was from his mother's womb Untimely ripp'd. SHAKESPEARE, Macbeth. S'el fu si bel com'elli é ora brutto, E contra 'l suo fattore alzo’ le ciglia, Ben dèe d a lui proceder ogni lutto. DANTE, Inferno. Retour à la table des matières La recherche qui a conduit à proposer des solutions aux problèmes du roi « divin », des jumeaux et du forgeron va permettre d'aborder sous un jour nouveau un sujet encore plus difficile, rebelle jusqu'ici à l'explication. Il s'agit du mystérieux personnage mythique qui se rencontre dans toutes les zones ethnographiques, mais qui a été le mieux étudié en Amérique du Nord, où il a acquis le nom ethnologique de trickster (Voir la note 1), c'est-à-dire de « joueur de tours ». Dans les récits populaires, en effet, il apparaît comme un héros comique, joueur, farceur et taquin, mais il n'est pas que cela, et la difficulté de le comprendre provient précisément de la discordance des aspects qu'il présente et qu'il semble impossible de réconcilier. Au sujet de Napi, trickster des Indiens Blackfeet, Grinnell écrit : « Dans les contes sérieux, où il s'agit de la Création, on parle de lui respectueusement et l'on ne trouve aucune allusion aux qualités malicieuses qui le caractérisent dans d'autres histoires, dans lesquelles il est puissant, mais parfois impotent ; Laura Levi Makarius (1974), Le sacré et la violation des interdits : chap. V à VII. 5 plein de sagesse, mais parfois si dépourvu d'esprit qu'il doit demander secours aux animaux. Des fois, il se montre plein de sympathie pour les humains, alors que d'autres fois, par pure méchanceté, il leur joue des tours pendables, vrai- ment diaboliques. Il représente une combinaison de force, de faiblesse, de puérilité et de malice » (1893, p. 257 ; v. aussi Brinton, 1876, p. 175). En effet, le Civilisateur, qui transforme la nature et parfois crée le monde et l'espèce humaine, est en même temps un pitre, un bouffon. Le héros indomptable qui arrête la course du soleil, pourfend les monstres et défie les dieux, est aussi le protagoniste d'aventures obscènes, dont il sort humilié et avili. L'inventeur de tant d'ingénieux stratagèmes est victime de ses propres ruses. Le maître du pouvoir magique est représenté comme un pauvre bougre, se traînant sur un chemin, allant de déconvenue en déconvenue. Il donne aux hommes les arts, les outils et les autres biens culturels, mais leur joue des tours pendables dont ils font les frais. Il dispense les médecines qui guérissent et qui sauvent, et introduit la mort dans le monde. On dirait que chaque qualité et chaque défaut qui lui sont attribués font surgir automatiquement leur opposé. Le Bienfaiteur est aussi le Malin, le malintentionné. Tout le bien et tout le mal se rapportent à lui. Le trickster est représenté comme voleur, trompeur, parricide, incestueux, cannibale, il est idiot, cruel, phallique, dégoûtant ; cependant sous ses aspects les plus méprisables et grossiers, comme sous les plus prestigieux, il reste toujours un être « sacré », qualité qui paraît lui être intrinsèque et qu'aucun ridicule, ou aucune abomination, ne parviennent à effacer. Jusqu'ici, les auteurs – ethnologues, mythologues, psychologues, histo- riens des religions – qui se sont penchés sur ce problème, ont eu à choisir entre deux voies : s'efforcer d'expliquer la coexistence de traits contradictoires en un être unique, ou le considérer comme exprimant l'imbrication de deux êtres différents (Voir la note 2). Ceux qui ont opté pour la première voie se sont exténués en considérations psychologiques sans parvenir à des conclu- sions acceptables. La seconde voie part d'un présupposé arbitraire et aboutit à l'éclatement du personnage mythique, sans pour cela rendre compte de ses composantes contradictoires, ni de leur présumée imbrication. Une troisième voie conduit à rechercher la réalité d'expérience sociale dont ces mythes seraient la projection. Il aura d'ailleurs suffi d'évoquer le problème tel qu'il se pose à l'ethnologie pour que, dans la perspective de la violation de tabou, la solution de l'énigme commence à se laisser entrevoir. Dans cette perspective, la nature dite « sacrée » du trickster, le pouvoir magi- que qu'il possède et son caractère ambivalent, loin de paraître énigmatiques, sont autant d'indications éclairantes ; et quelques-unes des contradictions qu'il présente sont reconnaissables, étant inhérentes à la violation et à ceux qui la commettent. Au lieu de déconcerter, elles mettent sur la voie de l'explication, en indiquant que le trickster n'a d'existence qu'en tant que représentation mythique du violateur magique de tabou. Envisagée sous ce jour, l'énigme constituée par la nature contradictoire du trickster n'en est plus une : il devient évident que si cette figure n'existe que pour expliciter la nature et le destin du violateur d'interdit, elle doit être Laura Levi Makarius (1974), Le sacré et la violation des interdits : chap. V à VII. 6 construite avec les contradictions qui s'accumulent tant dans le concept de la violation, que dans son exercice à quelque niveau que ce soit. À ce point, serrant le problème de plus près, on rencontre une des contra- dictions majeures de la violation (celle qui, comme on le verra, joue un rôle déterminant dans le façonnement de l'image du trickster) : la contradiction entre le caractère individuel de la violation et le fait qu'elle est parfois accom- plie au bénéfice du groupe entier, pour en satisfaire les besoins et les désirs collectifs. Comme nous l'avons vu, les tabous ne peuvent être violés par l'ensemble du groupe, car cela détruirait l'ordre social et en niant les tabous rendrait inopérant l'acte de les violer. La société qui veut violer sa propre loi ne peut donc le faire que par le truchement d'un individu agissant en média- teur, dans lequel elle trouvera son héros. La violation sera celle qui doit permettre au groupe, à un moment de son histoire, de conquérir la « médecine » magique qui joue un rôle fondamental dans sa vie magique et rituelle. Comme on l'a vu, cette médecine, la médecine des sorciers et des chasseurs, des chefs et des rois, étant à base de sang ou de matières réellement ou symboliquement associées à ce liquide, ne peut s'obte- nir qu'en violant le tabou qui défend le contact avec le sang. Interdite, donc, et d'un emploi mortellement dangereux, elle constitue l'arme la plus efficace de la magie, assurant la guérison des malades, la santé, la fécondité des femmes et de la nature, la réussite à la chasse et dans toutes les entreprises, la victoire à la guerre, etc. Rappelons que chaque groupe tribal uploads/Litterature/ anthropologie-raoul-amp-laura-levi-makarius-le-sacre-et-la-violation-des-interdis-ii.pdf
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- Publié le Dec 24, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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